Sauvée par la marque française Paule Ka, la formation féminine Bigla-Katusha se pare déjà de nouvelles ambitions
C'est une première dans le monde du cyclisme, une marque de prêt-à-porter haut de gamme est devenue mercredi dernier le sponsor titre d'une formation professionnelle. L'équipe Bigla-Katusha portera le nom de la marque française Paule Ka au moins jusqu'en 2024. Plus que l'arrivée d'un nouvel investisseur dans le cyclisme féminin, il s'agit ici d'un sauvetage. A peine deux mois plus tôt, les coureuses de l'équipe lançaient un appel à l'aide à travers une lettre. "Si vous trouvez un moyen de garder notre rêve en vie, nous vous en serons à jamais reconnaissantes", écrivaient-elles en guise de conclusion.
Du sauvetage aux perspectives de croissance
Parmi les signataires de cette lettre, la Britannique Elizabeth Banks évoque aujourd'hui un "énorme soulagement". "Le cyclisme féminin possède un très grand potentiel. Voir une marque comme Paule Ka le comprendre et arriver en ces temps difficiles, cela veut dire quelque chose", se félicite la coureuse de 29 ans. Les 12 cyclistes qui composent l'effectif de l'ex-Bigla-Katusha peuvent désormais fixer leur regard sans crainte sur la reprise des compétitions fin-juillet. Dans le communiqué qui annonce l'officialisation du partenariat avec la maison de couture, la direction de l'équipe évoque même déjà l'ambition d'aller briguer une licence World Tour.
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Alors que tout le monde revoit ses objectifs à la baisse, la future formation cycliste Paule Ka pense déjà aux marches qu'elle doit franchir pour monter dans la hiérarchie internationale. Thomas Campana, son directeur sportif, en a assez de voir les diamants qu'il a polis lui filer entre les doigts. "Cette équipe a développé un grand nombre de bonnes coureuses, parties vers de plus grosses équipes après 3 ou 4 années passées chez nous. Pour moi, l'objectif principal, c'est de créer une masterclass. Nous devons garder les coureuses que nous avons développées pour en faire des modèles capables d'inspirer les plus jeunes", développe celui qui a notamment vu la très prometteuse Cecilie Ludwig Uttrup quitter sa formation pour la FDJ à l'intersaison.
Campana affirme pouvoir donner une liste de "20 noms de coureuses" renommées passées par l'équipe suisse. Si celle-ci fait partie des dix meilleures au niveau international, c'est avant tout grâce à la part prépondérante accordée au repérage des talents, stratégie imposée par un budget moins conséquent que beaucoup de concurrents. En 2020, en dépit d'un manque d'expérience global, les coureuses de Bigla-Katusha ont réussi à décrocher 4 victoires et dix Top 10 sur les quelques semaines de course pré-pandémie. Capable de coups d'éclat et jamais dans le calcul, la formation suisse avait de quoi attirer l’œil d'un nouvel investisseur.
"C'est la bonne position d'être avec les outsiders, c'est plus amusant. J'aime ça parce que nous sommes des outsiders également dans le milieu de la mode", se réjouit Matthias Thoma, le propriétaire de la marque Paule Ka. Celui qui se définit comme un fan de vélo parle d'un "alignement psychologique". C'est lui qui a contacté Thomas Campana après avoir lu l'appel à l'aide de l'équipe dans la presse suisse. Tout juste propriétaire de Paule Ka - depuis mai -, Matthias Thoma cherchait une opportunité pour relancer la marque.
Un coup marketing assumé
"Evidemment, si j'ai pu reprendre la marque c'est que les choses n'allaient pas bien. Cela fait 3 semaines maintenant et nous l'avons déjà ramenée en bonne sécurité financière. Nous avons résolu quasiment tous les problèmes que nous jugions importants. Nous sommes désormais une entreprise très stable", explique ce dernier. Paule Ka prévoit déjà de lancer en 2021 une ligne plus jeune, intitulée Mademoiselle Ka. En reprenant une équipe cycliste féminine, la marque s'offre de nouvelles égéries. "Les athlètes sont souvent décrites comme étant très bruts, très athlétiques mais, dans de belles robes, ces jeunes femmes seraient aussi charmantes que n'importe quel mannequin", affirme Thoma.
Devenir le sponsor titre d'une équipe cycliste est un coup marketing assumé. L'objectif du nouveau propriétaire de Paule Ka est d'améliorer la notoriété de la marque, dont le rayonnement reste globalement limité à la France. "La plupart des campagnes marketing pour mieux faire connaître une marque sont relativement chères. Dans le cyclisme féminin, chaque euro dépensé en sponsoring équivaut à 16 euros de valeur publicitaire", calcule Matthias Thoma. Ce dernier veut profiter des nombreux déplacements de l'équipe à l'étranger pour que le nom de la marque résonne d'un point de vue médiatique, que ce soit à la télévision ou sur les réseaux sociaux.
Cette stratégie sera-t-elle efficace ? C'est déjà le cas d'après Thoma. "Votre interview en est la preuve. Depuis l'annonce, d'un seul coup, tout le monde s'est mis à parler de nous", s'amuse-t-il, non mécontent de voir que l'AFP ou encore Reuters ont mentionné l'arrivée de Paule Ka dans le monde du vélo. Automatiquement, beaucoup de personnes ont visité le site internet de la marque pour mieux la connaître. Celle-ci ne dessinera cependant pas le nouvel équipement des coureuses. Un simple logo devrait suffire à identifier Paule Ka au milieu du peloton.
Excitation avant le premier défilé
C'est en dehors du peloton, probablement lors d'événements publics et sur les réseaux sociaux, que les coureuses porteront des tenues de la marque. "On partage cette passion pour l'excellence et la beauté. Devenir un leader mondial dans son domaine demande un véritable engagement sur le long cours. Les vêtements que l'on porte représentent une part très importante dans l'identité d'un cycliste. Avoir la possibilité d'aller tous les jours travailler dans des tenues aussi élaborées et de représenter une marque comme Paule Ka est une joie et un honneur", s'enflamme Elizabeth Banks, vainqueur d'une étape sur le Giro l'an dernier.
Son prochain objectif, comme pour ses coéquipières, sera les Strade Bianche, prévues le 1er août. A cette date, la formation Paule Ka prendra une forme concrète. Elle pourrait faire du bruit assez rapidement grâce à des coureuses comme Leah Thomas et Emma Cecilie Norsgaard, déjà victorieuses sur la Semaine valencienne cette année. Thomas Campana voit en Marlen Reusser une candidate pour jouer les premiers rôles aux Mondiaux de Martigny fin septembre. La formation, désormais sous pavillon français, aura aussi l'occasion de se montrer dans l'Hexagone lors du GP de Plouay (26 août), sur la Course by LeTour (29 août) et lors de la première édition féminine de Paris-Roubaix (25 octobre).
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