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Reportage Tour de France 2021 : comme Tadej Pogacar, le col du Portet avait sorti ses habits de lumière pour le 14-Juillet

Article rédigé par Adrien Hémard-Dohain, franceinfo: sport - De notre envoyé spécial
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 5 min
La vue au sommet du col du Portet, arrivée de la 17e étape du Tour de France 2021, le 14 juillet. (AH)

En ce mercredi de fête nationale, le Tour de France a offert un spectacle de toute beauté pour un public venu en nombre sur les terribles pentes du col du Portet .

Le 14 juillet 1789, les révolutionnaires ont fait tomber la Bastille et lancé la chute de l'Ancien Régime. Mercredi, 232 ans plus tard, le col du Portet a été le théâtre d'un autre assaut : celui de Tadej Pogacar. À la différence des sans-culottes, le jeune Slovène possédait déjà le pouvoir et en grimpeur vorace, il souhaitait en conforter le symbole : un maillot jaune, solidement fixé sur ses épaules.

Mais avant cette démonstration, une foule venue de tous horizons a déferlé sur les pentes du "col le plus dur des Pyrénées", dixit Thierry Gouvenou, directeur technique de la course. Les pourcentages élevés n'ont pas effrayé les spectateurs, privés de voitures mais arrivés en légions sur les pentes du Portet.

Pour la fête nationale, les organisateurs du Tour aiment voir les choses en grand. À l'origine, la double ascension du Mont Ventoux était au programme ce mercredi avant que les Jeux olympiques ne contraignent la Grande Boucle à s'avancer d'une semaine. Pas grave : Christian Prudhomme avait gardé son plus bel atout pyrénéen dans sa manche, le col du Portet.

Le Portet, théâtre des rêves

En bas de ce sentier de 16 kilomètres, goudronné pour le Tour 2018, la journée a commencé tranquillement dans la vallée, à Saint-Lary Soulan. Une fois n'est pas coutume, c'est là que la zone technique qui accompagne les arrivées du Tour a été installée. Très loin de la ligne donc car l'accès au col est interdit aux véhicules, même ceux des journalistes. 

Deux options s'offraient aux spectateurs. La première : les remontées mécaniques de la station de ski, ouvertes pour l'occasion. "On s'était renseignés, on savait qu'on pouvait monter par la télécabine, ensuite on a marché une heure et maintenant on ne lâche plus notre place", sourit Christophe, maillot Arkea-Samsic sur le dos. Venu de Pleumeleuc avec son épouse Nathalie, le Breton a déjà vu le Tour chez lui lors de la 4e étape : "Mais là ce n'est pas pareil, c'est l'étape reine. Ils vont passer très doucement. Et puis le cadre...".


La vue depuis Espiaube, au milieu de l'ascension du col du Portet, le 14 juillet 2021. (AH)

En vacances dans la région, à Lourdes, le couple breton, comme beaucoup, n'a pu résister à ce petit dé-Tour. Au milieu des alpages remplis de vaches et de quelques chèvres, la transhumance réunit des milliers d'amoureux de la Grande Boucle, qu'ils soient montés à pied, en télécabine, ou en vélo. Car comme sur les pentes du Ventoux mercredi dernier, ils sont des milliers à s'attaquer, pieds sur les pédales, au Portet. C'est notamment le cas d'un couple de Slovènes, Iztok et Spela, venus spécialement pour l'occasion avec leur fils... Tadej. Ça ne s'invente pas.

"On sait que Tadej, le vrai, va gagner aujourd'hui. C'est la seule étape du Tour qu'on fait, c'est celle qui se calait le mieux dans nos vacances en France"

Iztok, supporter slovène

à franceinfo

Venus de Slovénie, Iztok, Spela et leur fils Tadej attendent le passage de la caravane dans le col du Portet, le 14 juillet 2021. (AH)

Le petit Tadej (10 ans) a-t-il été nommé ainsi en hommage au grand, celui qui file vers un deuxième sacre sur les Champs-Élysées ? "Non, c'est une pure coïncidence. Mais il court dans l'équipe de Pogacar, et il a monté le col aujourd'hui. L'année dernière il a fait deux fois le Ventoux dans la même journée, et le Galibier à 7 ans", raconte avec fierté le papa. Maillot de la "Pogi Team" sur le dos, Tadej passera peut-être un jour de l'autre côté de la barrière sur laquelle il est appuyé au passage de la caravane, qui enflamme la foule comme d'habitude. Mention spéciale au char Puget et à ce remix plus ou moins inspiré de la Marseillaise façon huile d'olive en ce 14 juillet. Bien tenté.

La caravane fend la foule sur le col du Portet, le 14 juillet 2021. (AH)

Un sommet qui se mérite

Les caravaniers ne verront pas les derniers kilomètres du Portet, trop étroits pour leurs fantasques véhicules. L'heure est venue de prendre une deuxième télécabine, plus vétuste, pour rejoindre le sommet en coupant à travers les nuages. Sous le brouillard, quelques cyclistes posent le pied à terre, alors qu'un peu plus loin, deux chèvres observent ce spectacle d'un air curieux. Le sommet atteint, le brouillard est toujours là. Et le froid qui va avec.

"On se réchauffe comme on peut, mais ça commence à être dur", s'inquiètent Nicolas et Thibault, deux Belges venus de Bastogne, et qui n'ont que leurs tenues de cyclistes sur le dos. "On fait toutes les étapes pyrénéennes, et à chaque fois on monte le final en vélo. L'année dernière, on a fait le col de la Loze (dans les Alpes), je peux vous dire que ce n'est rien du tout à côté du Portet !", promet Thibault.

Venus de Tarbes, Thomas et Clément récupèrent après leur ascension du Portet, le 14 juillet 2021.  (AH)

Un rapide coup d'œil au reste de la foule confirme son ressenti. Partout, des cyclistes récupèrent, allongés dans l'herbe, casquettes sur les yeux, devant l'écran géant. "On a mangé, et là on dort parce que c'était dur. J'ai commencé le cyclisme il y a trois semaines, c'était ma première montée du Portet", se targue Thomas, venu de Tarbes pour l'occasion. Atteindre le sommet à 2 215 m, ça se mérite. Que ce soit en vélo ou à pied. Les premiers véhicules des équipes arrivent et les coureurs ne vont pas tarder. Il s'agit du trio Pogacar-Carapaz-Vingegaard, qu'on devine de loin, à travers les nuages, dans les lacets en contrebas.

Tout l'après-midi, les nuages ont caché par intermittence les lacets du col du Portet. (AH)

Dans les hauts-parleurs près de l'arrivée, les speakers du Tour annoncent l'attaque de Richard Carapaz à l'entrée du tunnel. À la sortie, l'Équatorien n'a plus que Tadej Pogacar dans sa roue. La foule se lève, acclame et savoure. Le temps d'un dernier lacet, les coureurs disparaissent de nouveau quelques secondes. Jonas Vingegaard en profite pour recoller. Mais dans les 300 derniers mètres, Pogacar place sa dernière banderille, celle qui achève les espoirs de ses deux compagnons. Le public apprécie.

Après une journée d'attente, dont une dernière heure assez froide, la foule du Portet a eu le droit au spectacle qu'elle était venue voir : une explication entre poids lourds dans un paysage incroyable. C'est maintenant l'heure de reprendre les télécabines et de regagner la vallée, avec des rêves pleins la tête, presque aussi beaux que celui que vit actuellement Tadej Pogacar.

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