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Reportage Championnats du monde de e-cyclisme : dans la roue de Sébastien Havot, à la conquête du maillot arc-en-ciel depuis son garage

Franceinfo: sport a suivi Sébastien Havot, champion de France de e-cyclisme, dans son garage, près de Reims, à l'occasion des championnats du monde qui se sont tenus samedi 18 février.
Article rédigé par Hortense Leblanc, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
Sébastien Havot en plein effort lors des championnats du monde de e-cyclisme, samedi 18 février. (Hortense Leblanc)

Ils n’ont comme seul horizon que leurs écrans, mais tous entrevoient l’arc en ciel, celui du maillot de champion du monde. Les 86 concurrents de la course élite hommes du Mondial de e-cyclisme, organisé par l’Union cycliste internationale et la plateforme Zwift, se sont livré bataille, à distance, samedi 18 février. Le premier champion de France de la discipline, Sébastien Havot, y a pris part depuis le sous-sol de son domicile, dans la Marne, où il a aménagé un espace spécifiquement dédié à la pratique du e-cyclisme.

Deux écrans, une tour d’ordinateur digne d’un streamer professionnel, deux ventilateurs, un vélo, et surtout, un home-trainer, l’appareil qui remplace la roue arrière, fourni par l’organisation… Ce matériel dernier cri dénote dans le sous-sol de la maison au style rustique des parents de Sébastien Havot, où vit le jeune coureur de 26 ans, près de Reims. Une fois tout installé et les bidons préparés, il n’a plus qu’à revêtir la tunique de l’équipe de France de cyclisme, obligatoire comme pour tout autre championnat du monde de cyclisme, puisque les concurrents sont filmés par une webcam, dont la retransmission se fait parfois en direct lors de la diffusion de la course sur Youtube.

De réticent à champion de France

D’autres tuniques ornent les murs du sous-sol. Celle de champion de France de cyclo-cross junior en 2014, et une toute récente, de premier champion de France de e-cyclisme, décrochée le 4 février dernier, après avoir déjà remporté la première Coupe de France de e-cyclisme en janvier. Ses bons résultats l’encouragent désormais à jongler entre la route et la course virtuelle, et le fait d’être membre d’une structure, Hexagone, qui comporte à la fois une équipe de cyclisme sur route et une de e-cyclisme, facilite les choses. 

"Pour ces championnats du monde, le vainqueur empoche 8000€, le deuxième 4000€ et le troisième 2000€"

Sébastien Havot, coureur e-cycliste

à franceinfo: sport

À l’origine, le coureur n’était pourtant pas très attiré par les courses virtuelles, devenues populaires pendant les confinements. "En septembre 2021, le fondateur d’Hexagone a contacté mon meilleur ami pour rejoindre l’équipe, et il restait encore une place. Je n’étais pas très chaud, mais je me suis dit ‘pourquoi pas essayer ?’. J’ai commencé à faire quelques courses et finalement, ça m’a bien plu, et me voilà aux championnats du monde". Et si certains coureurs ont été repérés par des équipes professionnelles grâce à leurs bons résultats sur Zwift, comme Jason Osborne, premier champion du monde de e-cyclisme et désormais coéquipier de Mathieu van der Poel chez Alpecin-Deceuninck, Sébastien Havot n’en fait pas un objectif. "Ce n’est pas une priorité, mais si une opportunité de signer pro se présente, je prendrais le temps d’y réfléchir", admet celui qui travaille également à mi-temps dans un magasin de vélo car il ne peut pas vivre de la compétition.

Avantage aux joueurs réguliers

Sélectionné par la Fédération française de cyclisme, Sébastien Havot a préparé la course avec une sortie de deux heures, samedi matin, pour réveiller ses muscles avant la course du soir. "Il faut être prêt physiquement pour rentrer dans le match tout de suite", explique-t-il. Alors que les deux premiers championnats du monde s’étaient déroulés sur une course simple de 50 kilomètres, l’UCI a innové pour la troisième édition : les 86 coureurs au départ disputent tous la première épreuve, sur un circuit légèrement vallonné de quinze kilomètres, puis les trente premiers sont qualifiés pour une seconde manche, sur huit kilomètres, avec plus de dénivelé, et enfin les dix meilleurs se départagent sur une dernière manche, pour remporter le maillot arc-en-ciel. Le tout dans un décor imaginé par Zwift pour ressembler à l’Écosse et à Glasgow, où se dérouleront les prochains championnats du monde de cyclisme.

Sur son écran, Sébastien Havot visualise les watts (la puissance) qu'il développe, sa fréquence cardiaque, le nombre de kilomètres restants, le dénivelé et bien sûr le classement en temps réel. (Hortense Leblanc)

Parmi les concurrents samedi, quelques noms bien connus des fans de cyclisme ressortent, comme Victor Campenaerts, professionnel au sein de l’équipe Lotto Dstny. Mais les coureurs professionnels ne représentent qu’une minorité de participants, et certains des concurrents pratiquent même le cyclisme uniquement sur les plateformes de courses virtuelles. "Ces gars-là sont parfois capables de développer la même puissance que des professionnels, mais sur Zwift, il n’y a pas la notion de frottement dans le peloton ou au sprint, donc ils ne savent pas courir sur route, affirme le Français. En revanche, ils peuvent être avantagés pour ce championnat puisque le format est assez particulier et ils ont plus d’expérience pour savoir quand lancer un sprint dans le jeu".

Objectif top 10

Deux heures avant le départ, la préparation se poursuit par la pesée. Une obligation pour les coureurs, qui doivent se filmer sur leur balance, en prouvant qu’elle est bien calibrée, pour permettre à la plateforme de retranscrire au mieux l’effet de leur poids dans le jeu. "Je ne pense pas qu’il soit possible de tricher, affirme Sébastien Havot. Nous avons tous reçu le même modèle d’home-trainer, pour être sur un même pied d’égalité, et on a deux capteurs de puissance différents, dont les données sont comparées et doivent être identiques à l'issue de la course. On doit également être localisable une heure par jour dans la semaine qui précède et celle qui suit la compétition, pour un éventuel contrôle antidopage."

L'UCI et son partenaire Wahoo ont fourni à tous les concurrents le même home-trainer. (Hortense Leblanc)

L’échauffement peut ensuite débuter pour Sébastien Havot, qui reconnaît une dernière fois le circuit de la course. Avant de rejoindre, en visio, Geoffrey Millour, le deuxième français engagé dans ces Mondiaux, depuis sa cuisine, à Brest, et Romain Malbreil, fondateur de l’équipe e-cyclisme d’Hexagone, qui fera office de directeur sportif. A distance, tous les trois discutent de la stratégie à adopter concernant les boosts dont disposent les coureurs, autre particularité de Zwift. Ils pourront utiliser, une fois par course, le "burrito", qui sert à enlever l’aspiration à leurs poursuivants pendant quelques secondes, ou "l’enclume", qui leur permet d’augmenter leur poids et donc d’aller plus vite en descente.

Pour cette course, Sébastien Havot peut compter sur le soutien de sa soeur, Amandine, et de son meilleur ami et coéquipier, Pierre, tous les deux installés autour du vélo. À 19h15, le départ est donné et les ventilateurs tournent à plein régime pour simuler l’air reçu sur route. La première course se passe idéalement pour les Français, bien aidés par les conseils de Romain Malbreil, qui possède une vue d’ensemble sur la course pour les avertir des potentielles attaques d’autres concurrents. Le sprint final est lancé très tôt, à 800 mètres de l’arrivée, ce qui oblige les concurrents à un effort considérable. Les gouttes de transpiration tombent autour du vélo et les deux Français se qualifient pour la deuxième manche.

Après dix minutes de pause, durant lesquelles Sébastien Havot ne descend pas de son vélo, le deuxième départ est donné. Les pourcentages s’élèvent, et le Français, peu habitué à de la présence au sous-sol pendant ses courses, a du mal à rester concentré. "Arrête de plaisanter, reste vigilant", lui martèle Romain Malbreil. La deuxième course se termine également au sprint, mais cette fois-ci, le Français échoue et voit les portes du top 10, son objectif initial, se refermer. Le champenois est déçu et sa frustration grandira encore plus en regardant la troisième course, remportée par Bjorn Andreassen, qui a attaqué dès le départ sans être rattrapé par ses concurrents. "Ça me rend fou, j’avais prévu la même stratégie en troisième manche", souffle-t-il. Seizième pour ses premiers championnats du monde, Sébastien Havot assure qu’il tentera à nouveau sa chance, pour gagner cette fois.

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