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Masomah et Zahra, les petites reines de Kaboul

Masomah et Zahra Alizada sont deux soeurs afghanes, qui font du cyclisme de haut-niveau. Mais leur pratique est dangereuse car très mal vue en Afghanistan. Les deux jeunes femmes ont conscience du danger qui les guette à chaque sortie, et font fi des menaces de mort pour tenter de faire progresser les droits des femmes dans leur pays.
Article rédigé par Mathilde L'Azou
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 4min
Zahra et Masomah Alizada, au départ de l'Albigeoise.

On les appelle « les petites reines de Kaboul ». Masomah et Zahra Alizada sont deux sœurs, de 18 et 20 ans. Elles représentent le cyclisme afghan, et bravent toutes les semaines le danger que représente une activité sportive pour une femme dans leur pays. Toutes les deux font partie de l’équipe nationale d’Afghanistan, malgré les menaces de mort qui leur sont envoyées fréquemment. Comme l’explique Masomah, « faire du vélo est considéré comme un des plus grands pêchés et déshonneurs qui puissent arriver à une fille », dans son pays. Surtout que la jeune de femme de 20 ans et sa sœur cadette appartiennent à la minorité chiite Hazara, souvent l’objet de fortes discriminations dans un Etat dominé par les Pachtounes.

De base, mener une carrière de cycliste n’est pas une chose simple : cela demande beaucoup d’investissement, et de sacrifices. Masomah et Zahra doivent en plus composer avec les dangers qu’implique leur pratique du cyclisme. « Les insultes, les barrages, les jets de pierres et d’œufs ne sont pas parvenus à nous détourner de notre but », assure l’aînée, dont la renommée est désormais internationale. Pour leur sécurité, elles s’entraînent souvent avec l’équipe nationale masculine. Les garçons qui composent l’effectif les font rouler au milieu du peloton, pour les protéger des agressions.

"Une fois mariée, je n’aurais plus le droit de monter à bicyclette"

Rien ne peut arrêter Masomah et Zahra, dont l’équipe a été proposée au Prix Nobel de la paix 2016. Ni le danger quotidien, ni le « Badisad », ce terrible vent de sable qui souffle dans les étendues de Parwan, non loin de Kaboul. Elles peuvent compter sur le soutien indéfectible de leurs parents, qui font face au harcèlement quotidien des voisins, amis, et autres membres de la famille.

« Mes oncles ont débarqué chez nous pour menacer mes parents dans un langage très grossier et méprisant. Ils exigent de mon père qu'il interdise le cyclisme à ses filles, qu'il les retire des études et les marie au plus vite, le mariage étant le seul moyen de laver la tache de la mauvaise réputation. (…) Nous n'en pouvons plus et cherchons un moyen de sortir de cette exclusion. Car je sais bien qu'une fois mariée, je n'aurai plus le droit de monter à bicyclette », s’inquiète Masomah, plusieurs fois sacrée meilleure cycliste du pays.

Les deux sœurs ont ainsi demandé un visa à la France, pour se mettre à l’abri et en finir avec les menaces de mort qui planent sur elles et leur famille. Un visa de longue durée qui leur a été refusé le 17 janvier dernier, avec ces mots : « au vu des éléments fournis à l’administration vos demandes ne correspondent pas aux cas de délivrance d’un visa prévu par le droit applicable ».

Masomah, avec Jeannie Longo, l'une des plus grandes cyclistes de l'histoire.

« J’ai accepté de briser un tabou »

Pourtant, Masomah et Zahra ne sont pas inconnues ici : elles y étaient venues l’an passé pour participer à l’Albigeoise, une cyclosportive internationale. Zahra a terminé troisième de l’épreuve, juste derrière son aînée, et les deux sœurs se sont qualifiées pour les Mondiaux Gran Fondo en Australie. Après avoir participé pour la première fois aux Jeux d’Asie en 2013, elles visent désormais les Jeux olympiques de Tokyo, dans trois ans. Histoire de porter la cause des femmes afghanes jusqu’au plus haut sommet du sport.

Même si elles n’ont pas obtenu le visa français qu’elles espéraient, les deux sœur Alizada vont continuer à rouler, malgré les menaces qui se font de plus en plus présentes. « Je sens que ma présence en Afghanistan me met en danger de mort », s’inquiète Zahra. Sa sœur aînée est également consciente du danger : « j'ai accepté de briser un tabou avec tous les risques que cela comportait pour moi et pour ma famille ». Mais ce n’est pas ce qui les empêchera de faire du vélo, elles, les petites reines de Kaboul.

Le reportage de France 3 Tarn


Les petites reines de Kaboul

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