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Les sprints intermédiaires font des vagues

Christian Prudhomme aime surprendre les coureurs. S’il n’y a rien à redire sur le parcours sans faute de cette première semaine, le changement de règlement sur le sprint intermédiaire provoque quelques remous sur la route et en dehors. En cause le zèle mis par le jury des commissaires pour déclasser des sprinteurs chaque jour.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 6min
 

Une nouvelle donne
En ne mettant plus qu’un seul sprint intermédiaire avec une carotte de 25 pts pour le premier, la bataille du maillot vert allait prendre un nouveau virage plus spectaculaire. Depuis le Grand Départ de Vendée, on a été servi avec des sprints disputés, du frottement et aucune chute. En revanche, ça n’a pas été du goût des commissaires qui ont déclassé à tout de bras. « Pour moi, c’est le changement de système des sprints intermédiaires qui est responsable, explique Bernhard Eisel, l’un des poissons pilotes du Britannique chez HTC. Ça je ne le comprends pas. C’est du spectacle mais pas pour nous. » Pour Jérôme Pineau, équipier de Boonen et Chavanel chez Quick Step, ces sprints intermédiaires sont même devenus des quasi-arrivées. « Ils rendent la course nerveuse par ces sprints et après il faudrait se faire des politesses. Je ne vois pas le but. Il y a 25 points en jeu et on sait tous l’importance que ça a sur le classement du maillot vert. »

Un cadre nécessaire
Devenus « responsables » dans des équipes professionnelles, certains anciens sprinteurs sont eux plus indulgents avec les commissaires. Un cadre doit être imposé aux coureurs. Il en va de la sécurité et de l’équité dans les sprints. « Dans la première semaine du Tour, il y a beaucoup de nervosité. Le jury doit fixer une ligne sinon les coureurs ils font droite-gauche et ce n’est pas normal », lance Mario Cipollini, vainqueur de douze étapes sur le Tour. Six fois vainqueur du maillot vert, Erik Zabel comprend son ancienne corporation mais aussi le travail ingrat du jury. « Ils ne font que leur travail, justifie-t-il. Les coureurs veulent aller vite et parfois ils franchissent la ligne rouge. C’est dur pour eux de juger. » Juger oui mais que si la balance de la justice est équilibrée. « Avant-hier, c’était Mark (Cavendish) et Hushovd. Hier, c’était Boonen et Rojas. Tout le monde est logé à la même enseigne, commente Eisel. Comme ça, je veux bien. Mais si c’est toujours contre ‘Cav’, ce n’est pas bien. » Concernant la ligne à ne pas franchir, l’Autrichien est plus circonspect. « Le problème c’est que le jury n’a pas une idée de ce qu’on peut faire ou pas dans un sprint. Sur les autres courses tout va bien et tu arrives ici et c’est un autre son de cloche. Ce n’est pas un règlement, c’est juste un commissaire qui décide. C’est une fois oui, une fois non. Pour nous, ce n’est pas seulement difficile, c’est nul ! »

Une course pas comme les autres
La faute au Tour de France alors ? A son aura ? Epreuve sans égale sur le plan médiatique qui attire tous les téléspectateurs aux quatre coins du monde, la Grande Boucle est victime de sa position dominante. Les coureurs veulent s’y imposer plus qu’ailleurs et l’UCI s’y veut irréprochable. Et ça agace beaucoup d’équipes. « Ces décisions, c’est comme la discussion sur la position des selles dans le contre-la-montre par équipes, argumente Herman Frison, l’un des directeur sportif d’Omega Pharma Lotto. L’UCI applique le règlement, très bien. Mais elle le fait sur le Tour de France alors qu’on ne nous avait rien dit avant, dans les autres courses. C’est le Tour… » Et Zabel d’enchaîner sur l’hyper-médiatisation du Tour, coupable d’exacerber les tensions et les sanctions. « Il y a tant de caméras, de journalistes, de gens qui regardent chaque coup de pédale des sprints que ce n’est pas très drôle d’être commissaire. Ils doivent être stricts sur les règles car il n’y a pas de course plus importante que celle-là pour l’image du cyclisme. Les coureurs eux se donnent des coups de tête, font des vagues, etc, alors tu dois les sanctionner tout de suite. » Avec ses hélicos et ses caméras, France Télévisions est donc devenu une sorte d’œil de Moscou des commissaires. Sur des courses moins importantes comme en Coupe de France, le recours à la vidéo est quasi-inexistant. C’est plus facile pour les coureurs de ne pas respecter leur ligne ou donner des coups. Pas vu. Pas pris.

Plus de liberté
Cette marge de manœuvre, cet accord tacite entre les coureurs, « on règle ça entre nous », manque sur ces sprints intermédiaires. « Il faut être plus cool et laisser faire, réclame Jérôme Pineau. A partir du moment où on fait un sprint intermédiaire qui est une quasi-arrivée, il faut laisser libre cours aux sprinteurs. Un sprint, c’est toujours un peu comme ça. Hier (merdredi), ils sont déclassés alors qu’il n’y a pas de scandale. Je suis sûr que le même sprint pour une arrivée, il n’y a pas déclassement. Tant que les gars restent les mains sur le guidon et qu’ils ne changent pas de trajectoire soudainement. Après ils agissent pour notre sécurité… » Offrons donc un surcroît de liberté à nos sprinteurs. Qu’ils puissent s’exprimer normalement sans une épée de Damoclès au dessus du casque. « Le job des sprinteurs, c’est aussi de franchir cette ligne, rappelle Zabel. Le plaisir de gagner une étape dur le Tour est si fort. On peut devenir un héros en un jour. C’est pourquoi les coureurs sont si motivés et si nerveux, pleins d’adrénaline. Parfois ça peut paraître stupide de l’extérieur mais il faut comprendre qu’ils sont sous pression. »

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