La Rétro-Pédale : 1995, Indurain remporte son bras de fer contre Riis à Seraing
Vainqueur : Miguel Indurain (Banesto)
Profil de l’étape : 8e étape du Tour de France entre Huy et Seraing. Contre-la-montre : 54 kilomètres
Contexte : 10 juillet 1995. Miguel Indurain est en lice pour s’adjuger un cinquième Tour de France consécutif. Il doit faire la différence dans les chronos pour se mettre à l’abri des purs grimpeurs.
La course
Miguel Indurain a eu bien des surnoms au cours de sa carrière. Miguelon, le Roi Miguel ou l’Extra-terreste. Mais le « Gestionnaire » aurait certainement été le plus approprié pour résumer son profil. Fin stratège, l’originaire de Navarre a toujours su compenser sa grande taille et son poids trop élevé pour la montagne par une puissance inégalable dans les chronos. Une fois de plus en 1995, Indurain va faire parler toute sa force dans cet exercice pour distancer ses adversaires.
Entre Huy et Seraing, il n’est pourtant pas aussi souverain qu’à l’accoutumé. Il faut dire que la veille, l’Espagnol a laissé des plumes sur la route de Liège en rejoignant en tête de la course le Belge Johan Bruyneel. Une très belle opération sur le plan comptable - son plus beau rodéo sur le Tour - qui lui a permis de prendre 50 secondes d’avance sur ses principaux rivaux, mais qui lui a coûté physiquement.
Son adversaire ce jour là ne sera pas Berzin, Rominger ou Zülle mais Bjarne Riis. Coureur chez Gewiss, le Danois rivalise tout au long du parcours, là où le reste de la concurrence s’est cassé les dents sur le profil escarpé, tout en relance et tellement exigeant. A 31 ans, l’équipier modèle de Berzin entre dans l’âge d’or de sa carrière et termine l’étape en transe*.
A cinq kilomètres de l’arrivée, Riis compte cinq secondes d'avance sur Indurain ! Le crime de lèse-majesté n’a jamais été aussi proche. Le roi de la Banesto s’apprête à tomber de son trône. Deux événements vont pourtant influer sur la fin de course. Le Danois a manqué le ravitaillement en eau à 20km de l’arrivée. Et c’est dans une quasi-apnée – sans un bidon pour s’hydrater - qu’il s’échinera à rivaliser sur sa bécane. La seconde erreur est propre à sa voiture suiveuse, qui ne lui donne à aucun moment les temps intermédiaires au cours de l’étape. Le Danois a couru pour la gagne sans même le savoir. Il finit à 12 secondes du vainqueur. « J'ai manqué de moral pour finir. Je ne savais pas que j'étais aussi près de Miguel. Je pense que j'aurais trouvé des forces supplémentaires si j'avais su. »
Au terme d’une course haletante, le Danois se révèle aux yeux de tous comme un vainqueur potentiel du Tour. Ce sera le cas, dès l’année prochaine. Et si Indurain a eu un adversaire inattendu à sa hauteur, l’histoire retiendra qu’en 1995, c’est lors de cette étape entre Huy et Seraing qu’il a mis ses concurrents au pas et raflé le maillot jaune. « L'effort que j'ai fait dans l'échappée avec Bruyneel samedi a sûrement eu des conséquences, mais je ne regrette rien. Ce qui est à mon avantage, c'est que j'ai creusé des écarts importants avec Pantani et Virenque. Riis, c'est un coureur qui a déjà fait de bonnes choses sur le Tour et c'est un rival dangereux que je vais surveiller. »
Pourquoi c’est mémorable : Deux semaines plus tard, Indurain rejoindra des grands noms du cyclisme comme Jacques Anquetil, Eddy Merckx et Bernard Hinault. Mais il sera le premier – et le seul à ce jour ** - à en remporter cinq consécutivement.
Le saviez-vous ? Durant son règne de 1991 à 1995, Miguel Indurain n’a jamais remporté une étape en ligne du Tour de France, mais « seulement » des contre-la-montre (8 au total + 2 prologues). Ses deux victoires en ligne sur le TDF, il les a signées en 1989 et 1990.
* En 2007, Bjarne Riis reconnaîtra s'être dopé durant sa carrière, notamment l'année de sa victoire en 1996.
**Lance Armstrong, vainqueur de sept Tour de France de 1999 à 2005, a été déchu de ses titres.
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