Giro : Arnaud Démare, un maillot pour entériner une transformation
En allant franchir en tête le sprint intermédiaire lors de la 20e étape de ce 103e Tour d’Italie, il avait entériné mathématiquement une issue qui ne faisait plus guère de doute. Assuré de le célébrer lors de l’arrivée à Milan dimanche, Arnaud Démare (Groupama-FDJ) a pu profiter une dernière journée de ce maillot cyclamen, signe du vainqueur du classement par points de ce Tour d'Italie.
Confinement et retour aux bases
Le bilan de son Giro est sans équivoque : quatre victoires d’étape, 16 jours en mauve, et surtout une impression de domination écrasante qu’on ne lui avait jamais connue jusqu’ici. Sa progression a toujours été linéaire : premier championnat de France en 2014, Milan-San Remo en 2016, première victoire sur le Tour en 2017, première sur le Giro en 2019. Mais jamais Démare n’avait à ce point assommé la concurrence sur une épreuve World Tour. Depuis la reprise de la saison suite à la pause liée à la Covid-19 qui lui a été salvatrice, le Beauvaisien a encore changé. Mieux, il semble transfiguré.
"On a été confinés ensemble avec l'équipe au Tour UAE (fin février), c’était bizarre. Ensuite, il y a eu le deuxième confinement. Puis je me casse le scaphoïde cinq jours après la reprise. Mais à aucun moment on a baissé les bras. C’est tout un travail, une persévérance", racontait Démare à La Chaine L’Equipe à l’issue du Giro. Son directeur sportif, Sébastien Joly, acquiesce : "Il a fait un gros travail sur lui. Humainement, il s’est passé quelque chose là-bas (au Tour UAE). Ce que je retiens, c’est que quand Arnaud rentre de Burgos avant Milan Turin (début août), il me dit : 'maintenant, j’ai compris qu’il fallait que je m’adapte.'"
Un temps de pause forcée rare que certains ont mal vécu, mais que d'autres ont utilisé pour réfléchir à la suite à donner à leur carrière. "Arnaud s’est beaucoup remis en question, il s’est posé, il a fait le bilan. Il s’est aperçu que les classiques, ce n'était pas forcément vers quoi il devait se projeter, mais plutôt les sprints avec un bon noyau autour de lui, avance de son côté Cédric Pineau sur le plateau de L'Equipe. Il a peut-être eu un déclic, de se dire que les victoires d’étape, c’est ce qui compte dans une carrière." Résultat, le Picard est revenu bien plus fort que tout le monde : 14 victoires depuis la reprise, aucune avant. Un record annuel dans le peloton, cinq unités devant les deux prodiges Tadej Pogacar et Remco Evenepoel.
D’un homme de coups au sprinteur insatiable
Dans cette année 2020 sinusoïdale pour tous les coureurs, Démare a profité des courses de préparation pour nous laisser entrevoir la razzia du Giro : des victoires sur tableau noir lors de Milan-Turin ou des Championnats de France, une victoire en costaud sur le Tour de Wallonie, ou un insatiable appétit sur le Tour du Poitou-Charentes (trois étapes sur quatre et le classement général). Ce Tour d’Italie - délesté il est vrai de ses tous meilleurs adversaires que sont Caleb Ewan, Pascal Ackermann, Sam Bennett - devait être sa prise de pouvoir sur un Grand Tour. Ca n’a pas raté.
On dit souvent que l'on juge la performance d’un sprinteur à la valeur de ses adversaires. Certes, Démare n’a pas battu le gratin mondial des grosses cuisses cité un peu plus haut. Mais plus que la valeur de Peter Sagan ou Michael Matthews, tout de même redoutables en arrivées massives, c’est la sérénité d’Arnaud Démare qui a impressionné. Lui qui a longtemps tourné autour d’un première victoire sur le Tour de France, puis vainqueur en Italie en 2019 sur une étape bouleversée dans le final par la chute du maillot cyclamen Pascal Ackermann, il a cette fois mis un point d’honneur à ce que ses victoires ne souffrent d’aucune contestation.
“J’ai des coéquipiers en or”
Emmené par un train Groupama-FDJ Scotson - Konovalovas - Sinkeldam - Guarnieri qui fait désormais frémir d’envie nombre d’adversaires directs, Démare n’a pas une seule fois raté sa chance sur ce Tour d’Italie, signe d’une puissance individuelle mais aussi collective qui ne faillit (presque) plus. "Sur le podium, c’était plus émouvant que ce que je pensais. J’avais tous mes équipiers présents. Je pensais au parcours qui s’est fait avant d’arriver ici, la force collective des coureurs, de bosser pour moi, de le faire aussi bien tout le temps. J’ai des équipiers en or.", racontait Démare, dimanche, jamais avare de compliments envers ses coéquipiers.
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Imperturbable face à Sagan
Il a mis au fond toutes les opportunités qui se sont offertes à lui, et ce sur la régularité des trois semaines pourtant contrariées. Quatre victoires d’étapes qui n’ont pourtant failli pas suffire à assurer ce maillot mauve devenu au fur et à mesure un objectif, le souffle d’un Peter Sagan enfin victorieux mais sevré de maillot distinctif encore présent dans sa nuque au départ de la 20e étape. "J’avais eu une déception l’année dernière, je savais qu’on pouvait gagner une étape mais le maillot cyclamen n’était pas gagné même avec quatre étapes. Sagan, c’était le plus coriace que je pouvais avoir."
En allant chercher les derniers point nécessaires pour l’assurer, Démare a montré les muscles comme il l’a fait pendant trois semaines : sur ce Giro, le patron du sprint, c’était lui et personne d’autre. "J’ai vécu un Giro exceptionnel, et surtout une saison exceptionnelle. Les petites choses que j’ai faites cet hiver, je sais que ce sont les choses qui marchent. Je vais essayer de les reproduire chaque année." Rendez-vous sur le Tour 2021 ?
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