Cyclisme : 2020, année déjà noire
La saison cycliste avait déjà connu des soubresauts qui avaient entaché le bon déroulement de son lancement, mais jamais elle n’avait subi une telle conjonction de contretemps. En l’espace de trois semaines, un vent de panique transpercé d’un courant funeste a frigorifié un peloton prêt à en découdre après la préparation hivernale.
Tout était prêt. Les premiers Tours de chauffe et les classiques inaugurales avaient ravivé progressivement la flamme (rouge) qui s’agite frénétiquement lorsque le calendrier cycliste reprend ses droits. En janvier, puis début de février, le spectre d’un certain coronavirus planait encore à bonne distance du peloton. Le Tour d’Oman (11 au 16 février) avait lui déjà préféré jeter l’éponge en mémoire du sultan, décédé le 12 janvier dernier. Premier coup d’arrêt. Puis tout s’est accéléré. Ou effondré.
Confinés et pestiférés
Les premiers pavés ont réussi à passer à travers les gouttes. A peine le temps de voir Deceuninck-Quick Step entamer son festin annuel avec Rémi Cavagna et Kasper Asgreen qu’on a dû rebrousser chemin. L’UAE Tour (23 au 27 février) s’est malgré tout élancé dans un climat risqué, le virus étant désormais mondialisé. Il n’a pu aller à son terme, stoppé trois jours avant son terme pour éviter d’aggraver les deux cas positifs recensés. Stupeur dans le peloton et deuxième coup d’arrêt pour cette saison 2020.
Cette fois, l’annulation est brutale, et surtout inquiétante. Elle oblige trois équipes, Cofidis, Groupama-FDJ et Gazprom-RusVelo, à faire de leur hôtel à Abu Dhabi leur camp de base forcé malgré des résultats négatifs. Ce qu’ils imaginaient être quelques jours d’enfermement nécessaire s’est finalement transformé en camisole forcée pendant deux semaines, au moins jusqu’au 14 mars prochain. Du jamais-vu. Une situation ubuesque, avec un personnel d’hôtel qui s’enfuit en courant devant des coureurs aux résultats pourtant négatifs.
La faucheuse est tristement venue s’immiscer dans cette actualité anxiogène et contagieuse. Le directeur sportif d'Ineos (ex-Sky) Nicolas Portal a été emporté soudainement par un infarctus du myocarde mardi. Orphelin d’une figure estimée de tous, le peloton a partagé sa peine à cœur ouvert. L’année 2019 avait apporté son lot de douleurs éternelles avec les disparitions du Bergamasque Felice Gimondi et du surdoué Bjorg Lambrecht en août. Une légende et un “fuoriclasse” emportés, avant Raymond Poulidor en fin d’année. Endeuillé, le monde du cyclisme avait pansé ses plaies en espérant une nouvelle année rayonnante.
Le Covid-19 s’est chargé de l’en empêcher. Une cascade de reports et d’annulation d'événements sportifs par mesures de sécurité, qui ont logiquement ricoché sur le cyclisme. Mitchelton-Scott, Ineos et désormais Astana ce jeudi. Chaque équipe chavire son programme normalement aussi cadenassé qu'une course à laquelle participe Ineos. Quoiqu’il arrive, la suite de la saison en sera bouleversée, possiblement asséchée de courses aussi majeures que Milan-San Remo. Les réunions s’enchaînent et toutes accouchent de la même décision : un report obligatoire, comme les Strade Bianche, annoncé jeudi par l’organisation. Trois semaines sans compétition pour éviter toute propagation. Difficile d'imaginer pire scénario pour lancer une saison.
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