Confinement : "Le risque c'est la prise de masse graisseuse", explique Emmanuel Brunet
Q : Comment gérez-vous la situation depuis hier en particulier ?
Emmanuel Brunet : "Nous avons passé une journée de dingue. L’objectif était de regrouper, vérifier, calibrer et acheminer tous nos home-trainers connectés à nos athlètes éparpillés partout en France. Nous avons organisé des relais en voiture, j’ai fait le siège de la poste pour envoyer les derniers colis. L’objectif est, qu’à partir d’aujourd’hui, tout le monde soit en capacité de s’entraîner chez soi et qu’on puisse suivre à distance et aider chacun dans cette période compliquée pour tout le monde. Nous faisons passer une consigne stricte, en France les sportifs de haut niveau sont soumis au même régime que chaque citoyen, c’est à dire le confinement. Cela nous interdit les sorties à vélos, nos avons été très clairs avec les routiers en particulier."
Q : Mais est-ce possible de s’entraîner correctement à domicile, ou doit-on se limiter à de l’entretien ?
EB : "Notre objectif c’est qu’ils suivent un vrai programme d’entraînement, cela peut même être l’opportunité de travailler des aspects que je souhaite développer depuis longtemps mais que nous ne faisons pas faute de temps. Par exemple, entre le home-trainer et les rouleaux, chacun peut pédaler plusieurs heures chaque jour mais on peut faire du travail spécifique inhabituel et utile, comme le pédalage unijambiste qui permet de développer les muscles ischio-jambiers (arrière de la cuisse - ndlr), ceux qui tirent sur les pédales. C’est très utile pour les sprints, les attaques ou les contre-la montre, or peu de cyclistes routiers le travaillent. Pour tous, on va plus travailler la force explosive à base de pompes sautées, de pompes sur des ballons, d’extensions ou encore des sprints très courts sur home-trainer. On peut suivre tout cela à distance, je pense que cela peut même une opportunité pour certains."
Q : Vous n’allez quand même pas nous dire que c’est une aubaine, ce confinement ?
EB : "Certes non mais si on se lamente, on est cuit. Les quinze jours qui viennent vont être un défi. Il est certain que pour nos pistards sprinteuses et sprinters habitués à un cycle d’entrainement à base de force max. ce sera plus compliqué. Impossible pour eux de faire des squatts (soulevé de barre avec extension - ndlr) avec 100kg sur les épaules, ou du développé-couché avec 80kg au bout des bras. C’est là que le côté psychologique va jouer. Les plus optimistes s’en sortiront mieux que d’autres. Le risque aussi bien sûr, est physiologique. Une semaine sans entrainement fait déjà perdre beaucoup de muscle et prendre de la masse graisseuse, le cycle s’inverse déjà après 72h, ensuite c’est très long à rééquilibrer. Nos cyclistes, comme tous les sportifs de haut niveau, sont habitués à une importante dépense énergétique, une activité intense avec deux entraînements durs, quotidiennement. Confinés, la machine se grippe rapidement. C’est pourquoi le suivi à distance que nous mettons en place est très important. Mais si le confinement doit se prolonger, ce à quoi nous nous préparons, il serait alors bon d’envisager des dérogations, pour les sportifs de haut niveau, avec des accès, restreints mais possibles, à des lieux d’entraînements. Comme c’est déjà le cas en Italie par exemple."
Propos recueillis par Thierry Vildary
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