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Cédric Vasseur (Cofidis) : "On attendait avec impatience un message d'espoir"

Manager de l'équipe Cofidis, Cédric Vasseur accueille avec soulagement le report du Tour de France 2020 du 29 août au 20 septembre prochain. Au-delà de permettre aux coureurs de retrouver un objectif, le maintien du Tour était un enjeu d'ordre vital pour la structure économique du cyclisme. L'ex-consultant évoque le chantier qui attend son équipe en vue du retour à la compétition.
Article rédigé par Andréa La Perna
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 9min
  (BAZIZ CHIBANE / MAXPPP)

Comment accueillez-vous le report du Tour de France du 29 août au 20 septembre prochain ?
Cédric Vasseur
: “C’est d’abord une grande bouffée d’oxygène dans un contexte difficile. C’est la première bonne nouvelle que le monde du sport accueille depuis le début de l'épidémie, après les annulations en série, que ce soit celle des Jeux Olympiques ou de l’Euro de football. On attendait avec beaucoup d’impatience un message d’espoir. Le fait, premièrement de voir le Tour de France 2020 maintenu, et à des dates beaucoup plus plausibles sur le plan sanitaire, ça va permettre à tout le monde de recentrer ses activités, de se remotiver.

Dans une interview accordée à Franceinfo, vous souligniez justement l’importance pour les coureurs d’avoir une date en tête pour continuer à garder la motivation de s’entraîner dans les conditions du confinement.
CV
: “Pour être honnête, ces dernières semaines on ne savait pas trop où on allait. Après plus de trois semaines de confinement, une certaine forme de démotivation a pu commencer à s’installer. Quand on a une lumière comme celle du Tour de France, on retrouve un objectif, on sait aussi pourquoi on travaille. Dans notre sport, on a besoin de visibilité, on a besoin de se fixer des objectifs précis. Le menace d’une saison blanche, complètement gâchée, est écartée. Maintenant, tout n’est pas définitif et il va falloir prendre des mesures particulières. Mais, l’officialisation du report du Tour, est forcément une très bonne chose.

Est-il légitime de sauver le Tour de France avant n'importe quelle autre course ?
CV
: “Ce n’est faire préjudice à personne que de dire qu’il y a certaines courses qui font figures de locomotives. Dans le contexte qui est le nôtre, il faut donner la priorité aux courses qui ont marqué l’histoire du cyclisme, qui ont fait naître des champions, qui ont fait naître cette effervescence. Et la première qui vient à l’esprit, c’est forcément le Tour de France. Maintenant qu’il a trouvé sa place, on va essayer d’établir un calendrier à partir ça. On ne peut pas prendre le départ d’une course aussi exigeante sans avoir participé à certaines épreuves au préalable, pour vous permettre de vous aguerrir physiquement. L’envie est déjà présente chez les coureurs. Ils sont impatients de reprendre la compétition. Mais avant de le faire, il y a quasiment six à huit semaines de travail de préparation à effectuer. Pour des raisons purement sanitaires, il n’est peut-être pas judicieux de tabler sur un gros stage collectif. De notre côté, chez Cofidis, on envisage d’organiser plusieurs petits stages en comité restreint, pour exposer au minimum nos athlètes et notre staff.

Inimaginable pour les coureurs d’envisager de doubler deux Tours

Les programmes de chacun des coureurs sont voués à être chamboulés ?
CV :
Dans les prochaines semaines, on aura un gros travail d’élaboration d’un nouveau calendrier. Je crois que tout ce qui avait été prévu en début d’année 2020 est désormais aux oubliettes. Ce qui est clair, c’est qu’au vu de la proximité des trois grands Tours, s’ils venaient à être tous maintenus, il est inimaginable pour les coureurs d’envisager de doubler. Une structure comme celle de Cofidis doit désigner 8 coureurs pour le Tour, 8 pour la Vuelta et 8 pour le Giro. 24 coureurs sur un effectif de 28, c’est beaucoup. On n’a pas le droit à l’erreur. Nous ne sommes pas à l’abri qu’un coureur soit hors de forme ou blessé dès les courses de reprise.

Est-ce qu’un décalage de deux mois est suffisant pour que les coureurs puissent être à 100% de leurs capacités sur le Tour ?
CV
: “C’est évident que non. Le confinement aura forcément des conséquences. Il faut abandonner l’idée d'une préparation idéale, de se dire qu’il faut préparer le Tour du 4 mai au 25 mai, qu’il faut être à 2400m d’altitude. Les théoriciens du cyclisme doivent bien comprendre qu’il va falloir s’adapter. Le Tour est exigeant, on le sait. Mais le spectacle ne sera pas terni par le décalage de deux mois, bien au contraire. Tous les scénarii stéréotypés, qui amenaient à une course un peu lassante ces dernières années, vont être mis à mal. A mon sens, les équipes rouleau-compresseur seront les plus pénalisées. On risque d’avoir de vraies surprises sportives sur le Tour de France. Souvent, ce sont ces surprises qui font la grandeur et la notoriété d’une épreuve. On va probablement avoir un Tour de France moins prévisible et moins calculable que les années précédentes, mais qui va s’en plaindre ?

Imaginons que l’épidémie compromette à nouveau le calendrier fixé par l’UCI. Y-a-t-il un risque de voir l’équilibre économique de l’équipe Cofidis être compromis ?
CV :
Non. En ce qui nous concerne, on a une totale confiance de l’investissement de notre sponsor dans le cyclisme. Il dure depuis 1997. On sait très bien que Cofidis n’est pas dans le cyclisme pour faire un coup d’éclat. L’entreprise joue son rôle de soutien au développement du cyclisme. Avoir une visibilité sur le Tour de France est suffisant pour justifier l’existence de l’équipe et le soutien de Cofidis. Quand on traverse une période difficile, comme c’est le cas aujourd’hui, cela permet de faire le tri entre les investisseurs qui viennent pour des buts personnels et de rentabilité, et ceux qui sont là pour apporter leur pierre à la construction d’un monde.

C’est un peu l’inverse de la CCC, dont le sponsor a très rapidement menacé de quitter le peloton...
CV :
Certains sponsors utilisent le cyclisme comme un vecteur de rentabilité. Ils veulent absolument être présents aux avant-postes. Ils mettent peut-être beaucoup plus de pression sur les résultats de leurs athlètes que d’autres structures comme la nôtre. Bien sûr, le fait de ne pas avoir eu de Paris-Roubaix dimanche, par exemple, porte préjudice à une équipe comme Cofidis. Notre sponsor n’a pas eu la visibilité qu’il aurait pu avoir avec un coureur dans l’échappée. Mais, Cofidis reste confiant. Des questions se poseront si le Tour de France venait finalement à être annulé. On ne peut pas soutenir une équipe cycliste qui reste à la maison pendant une année entière.

On sait que votre formation a été particulièrement active sur le marché des transferts à l’intersaison. On a pu voir sur le début de l’année que les automatismes n’étaient pas encore là, notamment du côté d’Elia Viviani. Est-ce qu’une année aussi tronquée ne rend pas la tâche encore plus compliquée ?
CV :
C’est sûr que c’est un peu frustrant en termes d’intégration. Le schéma n’est pas idéal pour créer des automatismes. On avait d’ailleurs vu sur Paris-Nice que l’équipe travaillait pour en créer. Elia (Viviani) n’avait pas encore trouvé son chemin. Christophe Laporte s’était fracturé le scaphoïde. On avait peur du retard accumulé. Finalement, il n’a rien manqué. A la limite, j’ai envie de dire que cette coupure est moins gênante pour nous que pour les équipes qui avaient déjà trouvé l’alchimie. Celles-là auraient pu mettre la balle au fond. On sait très bien qu’on ne peut pas maintenir un pic de forme indéfiniment. Quand vous êtes à 100% de vos moyens, il faut en profiter au maximum. Nous, on n’en était pas là. Ces semaines qui viennent de s’écouler et celles qui nous séparent de la reprise de la compétition doivent nous servir à établir un nouveau plan pour gagner.

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