Armstrong part, les sponsors du vélo restent en selle
Malgré le départ de Rabobank du peloton professionnel, les autres marques qui parrainent le cyclisme n'envisagent pas d'abandonner un sport excellent pour leur notoriété.
SPORTS – 175 millions d'euros investis en dix-sept ans, pour s'en aller, après un simple communiqué (lien en néerlandais). L'équipe Rabobank, pilier du peloton, s'est retirée du cyclisme professionnel la semaine passée. Le timing choisi n'est pas innocent : la banque néerlandaise fait référence au rapport de l'agence antidopage américaine sur Lance Armstrong pour justifier son départ. Seule l'équipe féminine et les juniors continueront de rouler sous les couleurs bleues et orange.
Est-ce annonciateur d'un retrait massif des sponsors du cyclisme, dans l'onde de choc du déclassement du coureur américain par l'UCI (Union cycliste internationale), lundi 22 octobre ? "Ce sont eux qui ont triché, mais c'est nous qui allons payer, avec moins de sponsors, moins d'équipes", écrit William Bonnet, coureur de la FDJ-Big Mat, sur son compte Twitter. A voir.
Ce sont eux qui ont triché mais c'est nous qui allons payer, avec moins de sponsors, moins d'équipes
— William Bonnet (@willbonnet) Octobre 22, 2012
Le cyclisme reste un produit attractif
Le cyclisme présente l'immense avantage, pour un sponsor, de donner son nom à une équipe. Chaque année, Europcar, FDJ-BigMat, AG2R et Cofidis voient leur notoriété boostée sur les routes de France au mois de juillet. Sur les trois sports dans ce cas, les deux autres, la Formule 1 et la voile, sont catalogués comme élitistes alors que le cyclisme jouit d'une image populaire et "terroir". Le tout au tarif raisonnable de 10 millions d'euros pour une équipe de Pro Tour (pour les meilleures équipes comme Sky, celle de Bradley Wiggins, vainqueur du Tour de France 2012, la facture approche plutôt les 15 millions) et un taux de mémorisation de 40% contre 15% pour la publicité classique (PDF, p.23). Pas étonnant que 61 marques se soient associées à la petite reine en 2011, contre 40 trois ans plus tôt, remarque Vélochrono.
Quid des affaires de dopage ? Paradoxalement, l'affaire Festina en 1998 a fait exploser la notoriété du fabricant andorran de montres. "Une chose est sûre, sa notoriété a doublé en 1996 et 2000, ce qui a permis à la marque de devenir le sponsor le plus mémorisé du Tour", rappelait en 2006 le communicant Jean-Henri Francfort dans le quotidien suisse L'Hebdo. Est-ce pour autant risqué d'associer son nom à une équipe cycliste ? "Le vélo ne représente aucun danger particulier, pas plus que de sponsoriser le handball, nuance Philippe Audry, dirigeant de l'agence In-Yellow Consulting. Tout sport présente un risque. Le cyclisme demeure un magnifique support pour une marque." André Richelieu, professeur de marketing sportif à l'université Laval à Québec, surenchérit : "tous les sports de haut niveau sont susceptibles d'être gangrenés par la tricherie, qu'il s'agisse de dopage ou encore de matches truqués, comme dans le football en Italie et au Canada récemment. Dans le cas du cyclisme, il y a un risque de transfert d'image négative du sport commandité vers le sponsor à cause des scandales de dopage accumulés dans ce sport."
Le vélo français plutôt épargné
A la Française des Jeux, on insiste lourdement : "nous n'avons pas cette culture de remporter la victoire à n'importe quel prix. Notre identité, c'est d'aller remporter des victoires avec panache, à la pédale. Notre engagement, conforté par une excellente année 2012, est déterminé, solide et durable." Chez Europcar, dont le contrat de sponsoring se termine dans un an, on se montre plus inquiet.
Pourtant, les équipes françaises jouissent d'une bonne image auprès du public, grâce à leur politique de formation de jeunes talents. Une bonne image renforcée par le fait que les spectateurs apprécient l'engagement antidopage des formations tricolores (Le livre blanc du cyclisme, PDF, p.7). Chaque équipe française a développé une politique conséquente contre les produits dopants et tient à le faire savoir. "Celui qui triche n'a pas sa place chez Cofidis", peut-on lire dans la présentation de l'équipe (PDF, p.7).
Ce qui leur permet de ne pas être assimilées à de grosses machines comme l'US Postal. "Les sponsors qui s'en sortiront le mieux sont ceux qui privilégient une association sur la base de valeurs de marque partagées avec le sport, et qui par ricochet, sauront projeter une image d'authenticité au travers du sport", analyse André Richelieu. "En cette période de moralisation, dans la finance, mais aussi dans le sport, les gens s'attachent à des valeurs moins clinquantes, plus stables", conclut Laurent Damiani, président de Sporsora, association des acteurs de l'économie du sport.
Le "Tour du renouveau", une vieille rengaine
La chute du coureur texan marque-t-elle le début d'une nouvelle ère pour le vélo, comme l'a déclaré le président de l'Union cycliste internationale, lundi 23 octobre ? Méfiance, car l'opération de com' du "Tour du renouveau" en est déjà à sa troisième mouture. Il y a quand même des raisons d'y croire. "Le cyclisme est plutôt sorti grandi de cette affaire, veut croire Laurent Damiani. C'est la preuve que le système antidopage fonctionne, même après des années."
Reste à voir si, enfin, le cyclisme est débarrassé de ses vieux démons. "On parlait en 1999 du Tour du renouveau mais j'ai toujours pensé qu'il y aurait besoin d'une génération de cyclistes après l'affaire Festina, souligne le directeur du laboratoire suisse d'analyse du dopage, à Lausanne, Martial Saugy, au journal Le Temps. Cette génération est en train de s'éteindre." A la FDJ, on se montre prudent : "l'avenir nous dira si on a vraiment tourné la page Armstrong, d'ici une ou deux saisons. Maintenant, c'est encore un peu tôt."
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