Covid-19 : Le sport amateur tente de faire face à la pandémie mais peine face aux incertitudes
"Cette pandémie a tout bouleversé. C'est un choc inédit, et on ne sait pas ni quand ni si ça va repartir", résume le président du Comité national olympique et sportif français (CNOSF), Denis Masseglia.
Sur les hauteurs de Clamart (Hauts-de-Seine), les deux bulles du club de tennis qui jouxtent le bois sont fermées. Et désespérément vides. Une pluie fine et une température inconciliable d'ordinaire avec une partie de tennis n'ont pourtant pas découragé deux adhérents, qui bravent ces conditions sur l'un des quatre courts extérieurs, dont deux terre battues impraticables. "C'est mieux que rien", lâche l'un d'eux.
Une scène qui résume bien le fil ténu sur lequel le sport amateur tient depuis des mois, accumulant des mois de privation et une longue frustration. Plus les semaines passent, plus l'espoir de reprendre "comme avant" s'éloigne pour les 17 millions de pratiquants amateurs de sport. Depuis le 14 janvier, les mineurs qui avaient le privilège de pouvoir pratiquer leur sport en salle (judo, tennis, natation, volley-ball, basket-ball, gymnastique...) ont été priés de se rabattre vers les infrastructures extérieures. C'était déjà le cas pour les adultes depuis le mois d'octobre.
Une incertitude qui coûte cher
La crise, déjà bien ancrée dès la rentrée, s'est sensiblement aggravée ces dernières semaines avec désormais "entre 30% et 40% de baisse d'adhésions" dans les clubs, selon Denis Masseglia. "Pour certaines fédérations, c'est jusqu'à 50%, et c'est encore plus marqué dans les milieux ruraux et modestes"', assure Emmanuelle Bonnet-Ouladj, présidente de la FSGT (270.000 adhérents). Difficile de chiffrer précisément la perte, alors que le CNOSF évoquait dès le mois d'octobre un milliard d'euros en moins dans les caisses des clubs et des fédérations.
"En ce moment on n'en voit pas le bout. Quand on pense que ça va un peu mieux, et bien ça repart. On n'est pas le secteur le plus à plaindre, mais c'est vrai qu'au quotidien c'est usant pour les dirigeants, pour les éducateurs et pour les familles", souligne Denis Lafoux, directeur général de la Fédération française des clubs omnisports (près de 750.000 adhérents).
Pour le club de football amateur de Clamart, l'aspect financier n'est pas forcément le plus grand danger qui guette. "On va tenir, on n'a plus trop de frais avec les matches annulés. Non, le souci, c'est de gérer les familles, les parents, qui n'arrêtent pas de se plaindre", lâche, plutôt énervé, un bénévole du club qui a souhaité garder l'anonymat.
"Nous tenons mais jusqu'à quand? Les clubs les plus costauds vont s'en remettre, mais certaines fédérations ont vraiment du mal. Franchement je suis logiquement et normalement inquiet pour la suite", reconnaît Denis Masseglia.
Une situation difficile pour les salariés comme pour les bénévoles
"Moi je commence à en avoir marre. J'ai 70 ans, et je fais de la permanence téléphonique", s'énerve ce bénévole dont le club de 650 adhérents a seulement perdu 10% de licenciés. Cette lassitude des bénévoles, prémices à un éventuel décrochage de cette population invisible qui représentent près de 85% du personnel des clubs amateurs, constitue aussi un risque bien ciblé du milieu associatif.
Si la ministre des sports Roxana Maracineanu a évoqué une enveloppe d'aide de 200 millions d'euros pour le sport amateur, incluant notamment le fonds d'urgence pas encore en place, les clubs peinent à se dépêtrer de l'écheveau administratif pour réclamer ces aides.
"Ça devient dur pour eux", explique Morgane Oliviero, président du tennis club de Clamart qui compte 14 salariés pour 1.200 adhérents. "Les profs de tennis ne peuvent plus faire de stage, ne peuvent plus faire de leçons individuelles. Ils sont touchés financièrement". Et comme dans d'autres clubs, les demandes de remboursement de cotisations s'accumulent. "On fera un geste", assure par exemple Morgane Oliviero. D'autres clubs ne pourront pas.
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