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Coupe du monde à Chamonix, une parenthèse éphémère au cœur d'un hiver sans ski

Alors que les stations françaises vivent pour l'instant une saison blanche, sans remontées mécaniques et donc sans touristes, Chamonix accueille samedi et dimanche une étape de coupe du monde. Avec deux slaloms au programme samedi et dimanche, la station française compte bien s’offrir une bulle d’oxygène dans cet hiver étouffant à cause de la crise sanitaire.
Article rédigé par franceinfo
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Souvenez-vous : 8 février 2020, la Covid n’est alors qu’une « grippette ». À Chamonix, 35 000 personnes se massent pour assister à la victoire du jeune prodige français Clément Noël. Sa première à domicile en Coupe du monde. La foule est en délire. Près d’un an plus tard, ce même Clément Noël aura l’occasion de rééditer, deux fois, sa performance en cette fin janvier.

À la différence près que cette fois-ci, il n’y aura personne dans l’aire d’arrivée. Personne en dehors des 2 000 membres de l’organisation et des staffs des différents athlètes. Un an plus tard, la Covid plane toujours sur le globe. Et si le week-end chamoniard a bien lieu pour la Coupe du monde, c'est une parenthèse éphémère au coeur d'un hiver sans ski pour l'instant.

L'ombre de la saison blanche

La pandémie de Covid-19 empêche l'ouverture des remontées mécaniques cette saison, et si elles finissent par rouvrir en fin d'hiver, ce sera déjà trop tard pour éviter des conséquences économiques douloureuses.

"C’est dramatique. Pour bien comprendre l’économie de la montagne : les stations font vivre les vallées. La fermeture des stations ce n’est pas juste le problème des hôtels. Par exemple toute la chaîne d’approvisionnement alimentaire est touchée, tous les fabricants de matériels aussi, tous les travailleurs indépendants qui sur quatre ou cinq mois génèrent leurs revenus d’une année", dresse Nicolas Durochat, président de l’office du tourisme de Chamonix. Du haut de ses 13 000 habitants, la ville a au moins la « chance » de ne pas être une station intégrée, mais une commune historique avec une vie autre que le ski. Il n’empêche que tout y tourne autour du ski. Ou plutôt de son absence cette année. 

"C’est aussi un problème pour la sphère publique parce qu’il y a une fiscalité qui ne rentre plus, comme la TVA, la taxe de séjour, la taxe sur les remontées mécaniques", ajoute Nicolas Durochat, habité par la crainte de la saison blanche qui se dessine. Et qui va faire des dégâts selon le directeur de l’office du tourisme : "J’y pense tous les matins. Certains ne s’en remettront pas, et pour ceux qui y arriveront, ça prendra des années. C’est sûr que côté remontées mécaniques ça va mettre à mal la capacité d’investissements pendant plusieurs années, cinq ou dix ans. Les hôteliers, qui investissent dans de grosses infrastructures, vont mettre quatre ou cinq ans à s’en sortir, pour ceux qui y arriveront… Mais même des gros groupes hôteliers de la vallée ont des doutes sur leur capacité à se relever d’une saison blanche"

 

A l’aube de ce week-end de coupe du monde, la vallée du Mont-Blanc reste dans l’ombre de cette saison blanche, faite d’un nuage mêlant colère, incertitude et peur. Heureusement, les deux slaloms messieurs de samedi et dimanche vont enfin offrir une éclaircie. "On n'a que ça cet hiver. Tout le monde donne tout pour que la course ait lieu", assure Fred Comte, directeur du Club des Sports de Chamonix, organisateur de l’évènement.

Il ajoute : "On n’a pas eu de mal à recruter des bénévoles cette année, puisque c'est la seule façon d'assister à la course (rires). On va faire de belles courses pour donner le sourire, de la satisfaction à tout le monde. Et aussi donner de la visibilité à la vallée dans cet hiver morose". Du côté de l’office du tourisme, Nicolas Durochat approuve : "La lumière que va apporter la course, dix jours avant les vacances, ça reste une belle mise en valeur. Cette date est choisie ainsi chaque année dans ce but, mais elle va encore plus remplir son rôle cette année. On a besoin de montrer une vallée en vie"

Des retombées pas mécaniques

Ce week-end, Chamonix sera effectivement sur les écrans de tous les amateurs du ski du monde, ce qui n’a pas de prix. "Il y a deux volets habituellement : la notoriété internationale de cette retransmission TV, et le côté fête populaire qui nous manquera cette année", expose Fred Comte. "Malgré tout ça nous donne des images de ski et ça nous fait du bien d'en voir. Et puis tout ce qui peut apporter la lumière médiatique a un rôle à jouer pour expliquer notre écosystème et l’aider dans cette crise", espère Nicolas Durochat.

D'un point de vue sanitaire, pas de quoi s'inquiéter non plus selon Fred Comte : "Le protocole sanitaire a été mis en place par la Fédération internationale de ski dès cet été, et il a fait ses preuves depuis. Ce n’est pas nous qui avons essuyé les plâtres. La grande question de l’automne, c’était le public : mais comme il n’y en aura pas…"

 

L’absence du public pèsera forcément, mais elle simplifie aussi la vie des organisateurs, notamment pour l’office du tourisme qui gère d’habitude l’accueil du public et les animations : "Mais on préférerait être débordés. Aujourd’hui on l’est parce qu’on passe notre temps à faire des plans B, C. Enfin on en est plutôt au plan K ou M". Fred Comte le reconnaît : "Ce huis clos total enlève beaucoup de pression, notamment pour le parking, normalement on bloque l’autoroute quand même !". Mais ces quelques avantages pèsent peu, comparés à leurs conséquences : "L’énergie qu’on consacre d’habitude pour l’accueil du public sera cette année dévolue au volet sanitaire et aux bulles. Toute l’organisation doit être testée en PCR a minima une fois, donc 2 000 personnes. Ce n’est pas anodin".

Surtout, l’absence de public prive la vallée des principales retombées d’un tel évènement : celles issues du public. "En temps normal, pendant quatre ou cinq jours, on a de vraies retombées économiques majeures parce que ça fait venir du public. L’année dernière on avait des gens de Suisse, d’Italie et de toute la France. On a des retombées sur l’hébergement et la consommation des spectateurs plus que des skieurs et de leurs équipes", détaille Nicolas Durochat. À défaut, les organisateurs garderont l’œil sur les athlètes et leurs équipes, mais pas que : "On est surtout focus sur la piste, qu’on prépare depuis janvier. La piste, c’est notre souci quotidien". Et ce sera celui de tout le monde ce week-end, lorsque Clément Noël, Alexis Pinturault et les autres étoiles tricolores s’élanceront dans le portillon. 

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