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Mohamed Ali, plus qu'un boxeur, une légende

Maître incontesté de la catégorie des poids lourds dans les années 60, champion olympique en 1960 à 18 ans, Cassius Clay, converti à l'islam en 1964 et portant dès lors le nom de Mohamed Ali, a perdu son dernier combat la nuit passée à l'âge de 74 ans. Celui que l'on avait surnommé "The Greatest", outre ses faits d'armes sur le ring, avait mené de nombreuses batailles dans sa carrière, lui donnant une dimension exceptionnelle.
Article rédigé par Thierry Tazé-Bernard
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 6min
 

"Je vole comme un papillon, je pique comme une abeille, je suis le plus grand". En une phrase, à l'origine répétée par son entraîneur Drew Bundini Brown, Mohamed Ali a résumé toute sa personnalité sur et en-dehors du ring. Aérien, percutant, provocateur avec une bonne dose de confiance en lui. C'était la patte du plus grand boxeur de l'histoire.

Soixante-un combats livrés, 56 victoires dont 37 avant la limite, 5 défaites, entre 1960 et 1981, champion olympique des mi-lourds en 1960, champion du monde WBA 1964, 1967, de 1974 à 1978 (réunifiant la ceinture WBA et WBC), puis 1978-1979, sans oublier sa ceinture WBC de 1964-1967... Le CV de Mohamed Ali est exceptionnel sur le ring. Elu sportif du siècle par Sports Illustrated et la BBC en 1999, marié à quatre reprises et père de sept enfants, il était ce qu'il y a de plus beau dans la boxe: une technique pure, une étonnante mobilité et une puissance incroyable. A tout cela, il avait ajouté une hargne phénoménale, un goût pour la provocation et un sens de la communication qui ont fait de lui un sportif à part. Et ses combats lui ont donné un statut de modèle pour une grande partie de la population noire, notamment aux Etats-Unis où la ségrégation sévissait encore dans les années 60.

C'est par ses actes en-dehors de la boxe qu'il a obtenu le titre de Messager de la Paix de l'ONU entre 1998 et 2008, et reçu la Medal of Freedom, la plus haute distinction pour un civil aux USA en 2005. C'est pour tout ça qu'il était encore, lors de l'une de ses dernières apparitions publiques, invité aux Jeux Olympiques de Londres en 2012.

Lire aussi: Les cinq plus grands combats de Mohamed Ali, par CBS Sports

La boxe, il y est venu pour se venger d'un enfant qui lui avait volé son vélo. Lorsqu'il devient champion du monde aux dépens du redoutable Sonny Liston, à 22 ans, il décide, dès le lendemain, de se faire appeler Cassius X en l'honneur du leader des "Black Muslims", Malcolm X. Un mois plus tard, il se convertit à l'Islam et prend le nom de Mohamed Ali. En 1967, après avoir conservé sa ceinture de champion du monde trois ans durant, il est interdit de boxer. La raison ? Il a refusé d'aller combattre au Vietnam avec les troupes américaines. "Je n'ai pas de problème avec les Vietcongs", lance-t-il le 17 février 1966 dans une phrase devenu célèbre. "Ils ont fait ce qu'ils pensaient juste, et j'ai fait ce que je pensais juste", assure-t-il alors que le gouvernement américain veut le mettre en prison pour son refus de combattre au Vietnam. Finalement, il échappera à la prison, mais ne pourra plus boxer jusqu'en 1971, où il obtient la grâce.

Mais durant tout ce temps, s'il ne peut plus parler avec ses gants, il parle avec sa langue. "Dans le ring, il y a un arbitre pour arrêter le combat si un combattant risque d'être trop blessé. La boxe n'a rien à voir avec la guerre et ses mitrailleuses, ses bazookas, ses grenades et ses bombardiers", lance-t-il lors d'une manifestation contre la guerre à Chicao en 1967. Devenu un pilier de la contre-culture et un champion de la cause des noirs pour l'égalité des droits, Mohamed Ali reprend le cours de sa carrière, avec le "combat du siècle", face à Joe Frazier, au Madison Square Garden de New York le 8 mars1971. Pour la première fois de sa carrière, il va au tapis.

La revanche viendra en 1974, et la même année, le 30 octobre 1974, à Kinshasa (Zaïre), devant 100 000 spectateurs, il mystifie George Foreman dans la "bataille de la jungle" pour reconquérir le titre de champion des lourds. A cette occasion, dans une préparation plus médiatisée que jamais, il balance à la presse: "Vous croyez que le monde a été choqué par la démission de Nixon? Attendez que je botte le cul de George Foreman. Je vole comme le papillon, pique comme l'abeille, ses poings ne peuvent pas toucher ce que ses yeux ne voient pas. Là, tu me vois, là tu me vois pas. George croit qu'il peut, mais je sais qu'il ne peut pas. Je me suis déjà battu contre un alligator, j'ai déjà lutté avec une baleine. La semaine dernière, j'ai tué un rocher, blessé une pierre, et envoyé une brique à l'hôpital. Je suis tellement méchant, je rends la médecine malade."

Mohamed Ali à terre face à Joe Frazier au Madison Square Garden le 5 mars 1971 dans le "combat du siècle"

Ensuite, c'est à Manille, en 1975, qu'il conserve sa couronne dans une belle inoubliable face à Frazier, déclarant au président philippin Ferdinand Marcos: "Vous n'êtes pas aussi bête que vous en avez l'air, j'ai vu votre femme." Il conserve son titre jusqu'en 1978, où il perd contre Leon Spinks, à qui il reprend la ceinture sept mois plus tard, aux points. Faute d'avoir su gérer sa fortune, il doit remettre les gants en 1981, pour s'incliner contre Larry Holmes, avant de remettre ça contre Trevor Berbick, pour le même résultat. C'est son dernier combat sur un ring.

Vidéo: Ali, un document de Sports Illustrated

Dans la vie, très rapidement, il est confronté à la maladie de Parkinson. "Il (Dieu) m'a donné la maladie de Parkinson pour me montrer que je n'étais qu'un homme comme les autres, que j'avais des faiblesses, comme tout le monde. C'est tout ce que je suis: un homme", dira-t-il en 1987. En 1996 aux jeux Olympiques du centenaire, à Atlanta, c'est un homme tremblotant mais irradiant que le monde regarde avec émotion allumer la vasque olympique. Dans cette grande ville du sud des Etats-Unis où trente ans plus tôt la ségrégation persistait, il reçoit une deuxième médaille d'or. Car quelques années plus tôt, après avoir été refusé dans un restaurant "réservé aux blancs", il avait jeté la médaille gagnée en 1960 dans la rivière Ohio. Mohamed Ali n'est plu. Sa légende demeure.

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