: Interview "C'est la meilleure manière de s'imposer" : un livre retrace les KO légendaires de la boxe anglaise
Journaliste passionné par les sports de combat et présentateur de l'émission KO, diffusée sur Canal+ International, Christian Mpanzu signe Dans l'ombre des KO (Amphora), disponible en librairie le 31 octobre. Le journaliste revient en détail sur 26 combats qui ont marqué l'histoire du noble art et s'entretient avec les boxeurs concernés, leurs proches ainsi que des entraîneurs de renommée mondiale pour tenter de définir ce moment fascinant qu'est le KO.
franceinfo : Comment est née l'idée du livre ?
Christian Mpanzu : De par mon métier et l'émission "KO" que je présente, je vois des KO tous les jours, en boxe anglaise et dans d'autres disciplines, et je ne m'étais jamais vraiment posé la question de savoir ce qu'était un KO. Et pour moi, le meilleur moyen d'avoir la réponse la plus précise était donc d'aller le demander aux boxeurs. J'ai pris le parti de parler de boxe anglaise avant tout parce qu'il y a des combats légendaires depuis le début du siècle dernier, donc les amateurs de boxe tout comme le grand public peuvent connaître ces combats. Les boxeurs et la boxeuse qui sont cités dans le livre s'entretiennent vraiment à cœur ouvert. Certains ont avoué des secrets que même en amoureux de la boxe, je ne connaissais pas. Il faut s'imaginer que c'est difficile de se confier sur des KO. D'ailleurs certains boxeurs ont refusé de me parler de leur défaite.
Tout d'abord, c'est quoi un KO ?
Concrètement, c'est un boxeur qui envoie son adversaire au tapis. L’adversaire ne peut pas se relever au compte de 10 de l'arbitre et il est déclaré KO. Il n'est pas forcément inconscient, mais il n'est pas capable de poursuivre le combat. Après, sur les 30 personnes que j'ai pu interviewer pour ce livre, il y a une trentaine de définitions différente du KO, car c'est propre à chacun des combattants. Pour certains, c'est une résurrection, parce que c'est une sorte de renaissance de mettre son adversaire KO. Pour d'autres, c'est une mort, parce que perdre par KO, c'est comme s'oublier soi-même et cela peut représenter une mort sportive. Mais si vous interviewez 50 autres boxeurs, il y aura 50 nouvelles définitions du KO.
Pourquoi le KO représente le Graal pour le boxeur, mais aussi pour le public ?
Du point de vue du boxeur, c'est tout simplement la meilleure manière de s'imposer et de ne pas laisser son sort entre les mains des juges. Surtout dans la boxe où il y a eu beaucoup d'histoires de tricherie et de problèmes avec les juges.
"Du point de vue du public, c'est ce qu'il y a de plus spectaculaire. Les spectateurs ne viennent pas forcément pour assister à des combats très techniques. Ils veulent voir les plus beaux coups et de façon un peu tribale, "voir du sang". En tout cas, ils veulent voir des boxeurs éprouvés et le K.O amène cela et c'est pour ça que c'est fascinant."
Christian Mpanzu, journaliste spécialiste des sports de combatà franceinfo
Le KO paraît très violent, pourtant, certains boxeurs le préfèrent à une salve de coups. Pourquoi ?
Il y a effectivement plusieurs boxeurs qui m'ont confié qu'il valait mieux un gros KO plutôt qu'une avalanche de coups qui n'est pas arrêtée par l'arbitre, car c'est cette dernière qui va causer pas mal de dommages au cerveau notamment. Si on prend l'exemple de Mohamed Ali, c'est en partie ce qui a causé sa mort : il n'a jamais été durement mis KO, mais la somme de tous les coups lui a coûté cher par le passé puisqu'il a été atteint de la maladie de Parkinson et qu'il en est mort.
Comment les boxeurs apprennent à mettre un KO ?
Certains entraîneurs diront qu'on n'apprend pas à mettre un KO, soit on a la technique, soit on ne l'a pas, mais il y a quand même des zones propices qui sont le menton, les tempes. On parle moins du foie, mais c'est un KO dévastateur.
Un seul KO féminin est cité dans le livre, c'est celui de la française Anne-Sophie Mathis. Est-ce qu'il y a moins de KO chez les femmes en boxe anglaise ?
Il y a de plus en plus de combats féminins qui resteront dans l'histoire, mais il y a 20 ou 25 ans, c'était plus difficile de trouver des combats de grande envergure chez les femmes en boxe anglaise malheureusement. Le combat d'Anne-Sophie Mathis est légendaire parce qu'elle devient championne du monde, mais l'histoire de ce KO, c'est qu'elle va combattre aux États-Unis, chez son adversaire Holly Holm, qui avait clairement les juges dans son camp. Anne-Sophie Mathis vient d'un coin de Lorraine et même en France, elle n'était pas spécialement attendue pour être une star de la boxe qui allait s'imposer aux États-Unis face à la championne américaine. C'était quelque chose d'extraordinaire. En plus, le combat avait lieu à Albuquerque, au Nouveau-Mexique, à 1 600 mètres d’altitude, donc avec une préparation très difficile.
Et pour souligner les difficultés des femmes dans la boxe, il faut savoir que son entraîneur ne voulait pas la préparer justement parce que c'était une femme. Par la suite, lorsqu'il a compris que c'était une excellente boxeuse et qu'il pouvait l'amener au plus haut niveau, il s'est occupé d'elle et ils sont devenus un duo inséparable.
Est-ce que le KO a été remis en question dans l'histoire de la boxe suite à des KO mortels ?
Non, terminer avant la limite a toujours été le but recherché dans les sports de combat pour assurer sa domination sur l'adversaire. Mais dans les années 1960, il y a eu une commission, uniquement dans l'État de New York, pour bannir la boxe après le décès de Benny "Kid" Paret lors de son combat contre Emiel Griffith en 1962 au Madison Square Garden. Cet accident avait été vu par des millions de personnes en direct à la télévision. La boxe n'a pas été bannie par cette commission, mais le sport a subi un creux médiatique à ce moment-là. Il est important de noter que la plupart du temps, les boxeurs ne meurent pas sur le coup sur le ring. C'est plutôt après, lorsqu'ils sont à l'hôpital, que l'on constate que la mort est due à la somme de coups encaissés pendant le combat, mais aussi sur plusieurs années.
Quel est le dernier KO qui vous a marqué ?
Le dernier en date, c'est celui d'Anthony Joshua qui s'incline face à Daniel Dubois après un direct du droit au menton qui l'a fait tomber au sol, tête la première. Pour un si grand champion, c'était une image assez étonnante. Ce qui est intéressant, c'est qu'Anthony Joshua représente en l'espace d'un an la dualité qu'est le KO : il gagne, au mois de mars 2024, face à Francis Ngannou par KO de manière incroyable et en septembre de la même année, il est battu avec un KO dévastateur.
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