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Bodyboard : Amaury Lavernhe, le champion aux multiples talents

Sur l’île de Gran Canaria aux Canaries, Amaury Lavernhe, double champion du monde professionnel de bodyboard, a retrouvé la liberté de surfer. Son palmarès, son expérience, son charisme en font désormais un des acteurs incontournables du bodyboard au niveau de la planète.
Article rédigé par Eric Cintas
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 15min
 

Moz, son surnom reçu à La Réunion, a retrouvé ses vagues d’entraînement depuis le 4 mai. Pendant la crise sanitaire, le champion réunionnais a très vite su s’adapter au confinement imposé en Espagne, et particulièrement aux Canaries où il réside. Amaury vit à Gáldar, au nord de Gran Canaria. Malgré son relatif isolement, l'archipel a été aussi touché par le virus du Covid-19, mais à une échelle moindre que dans le reste de l’Europe, et surtout de l’Espagne. Sur les îles canariennes, il n’y aura eu que 153 décès sur un peu plus de 2000 cas pour plus de 2 millions d’habitants, c‘est peu.

" Les 48 jours de confinement, sans surfer et sans toucher l’eau ont été longs, c’était un peu difficile au début, car je n’y croyais pas. Ni en ma capacité de tenir sans surf ni à la docilité des Canariens", précise Amaury. "Le Canarien ne se laisse pas mettre en cage et on ne le canalise pas facilement. Un peu plus à Tenerife peut-être. Ici il y a une très grande liberté d’action, beaucoup d’espaces naturels vierges, peu de problèmes et les gens se sont habitués à ça. "

Le sport, indispensable à sa vie

Pour gérer l’attente du confinement, le champion réunionnais a tout de suite réagi positivement. " Ce n’est pas que le bodyboard qui est indispensable dans ma vie, c’est le sport. Bouger mon corps, l’oxygéner, sentir que je peux dépenser de l’énergie. J’ai ainsi adapté mon rythme de vie avec ma famille pour avoir une activité physique quotidienne. "  

Il a aussi profité de cette situation étrange pour faire avancer ses activités avec un mot d’ordre : dynamique et réussite. Amaury, à bientôt 35 ans, mène en effet de nombreux projets et sait que ce ne sera pas simple de décrocher son troisième titre de champion du monde. Mais la façon dont il a traversé cette période trouble qui a frappé le monde entier, est symptomatique d’un homme qui reste au plus haut niveau et qui ne renonce jamais.

Les réseaux sociaux en mode training

Depuis quelques années, il est devenu l'un des sportifs français spécialistes des réseaux sociaux. Ses chaînes You Tube et Vimeo, son compte Instagram et sa page Facebook fonctionnent à fond avec ses fans. Sa force c’est l’écoute, et surtout pas le doute. Et pendant la crise, ses relations ont été intenses avec ses fans. "Je suis resté en contact avec ma communauté durant cette période (Ndlr il a près de 100 000 fans sur ses différentes pages). Les réseaux sociaux ont eu du bon pour tous les amoureux de la mer qui ne pouvaient pas surfer. J’ai fait ça de façon organisée, en restant pas mal collé sur le mobile toute la journée. Avec les enfants et la vie à la maison, ce n’est pas simple mais j’ai pu gérer cela."

Il y a eu d’abord des posts du Lavernhe nostalgique, du papa poule à la maison avec ses enfants, et il a très vite enchaîné sur les entraînements physiques à domicile en faisant des live sur Instagram. Il s’est adjoint l’aide d’un professeur de gymnastique portugais et un professeur de yoga canarien installé en Indonésie. Avec le live, on peut rapprocher les antipodes.

"J’ai eu des retours du monde entier et j’ai commencé à concentrer mes messages sur des choses positives"

Pendant le confinement, Amaury s’entraîne avec la motivation de revenir dans les vagues, même dans peu d’espace. Il dispose d’une petite salle de sport privée qui lui permet d’enchaîner les séances rythmées de gainage, de cardio, d’équilibre, de proprioception. L’homme est une véritable liane de muscles, il est souple et impressionnant avec son tatouage tahitien de requin sur le côté de son corps. Des gens du monde entier se connectent pour regarder ses trainings qui s’enchaînent à un rythme intense.

"Je me suis pris au jeu, au début c’était beaucoup plus sport qu’autre chose, et après je passais un peu plus de temps que prévu à discuter avec les gens qui me posaient plein de questions. Car au moment du live c’était des séances physiques et je ne pouvais pas parler théorie. " Depuis la fin du confinement, il a organisé des cours techniques payants, il se rend désormais disponible sur Instagram pour des petits groupes de fans afin de parler technique, vagues, nutrition et concentration.

IBC, le nouvel organisateur du Tour pro 

Depuis son deuxième titre mondial en 2014 lors de la dernière étape de l’APB Tour à Sintra (Portugal), Amaury Lavernhe gagne sur de nombreuses étapes du Tour Mondial, finissant n°2 mondial en 2016. Avec Pierre-Louis Costes, ils sont les deux seuls Français à avoir effectué ce doublé dans toute l’histoire de la glisse européenne.  Mais depuis 2017,  il a décidé de lever un peu le pied avant de reprendre une course au 3ème titre. " Je donne la priorité à ma femme et mes enfants. Ce n’est pas encore dans ma tête, j’aimerais avoir le temps et l’apport financier pour suivre le Tour en entier. Et puis y aller oui, mais pas n’importe comment. Avec le temps et l’expérience, j’apprécie de plus en plus des vagues de qualité, depuis deux ans, j’ai privilégié les étapes sur des spots où les vagues sont extrêmes. Mais je prépare mon retour complet sur le World Tour, ça mûrit. "

Ses deux étapes favorites sont Arica au Chili, où il a cette année encore pulvérisé les records de scores et bien sûr, Le Fronton à Gran Canaria. Il remporte l’étape en 2015, 2016 et 2018 et prend la seconde marche du podium en 2017 et 2019. C’est le spot favori de Moz, il évolue à domicile "a la casa" où il demeure un des rares riders à pouvoir enchaîner plusieurs fois la note maximale. Les fans adorent et le public aussi. En 2019, Amaury a reçu le prix APB Best Performance of the Year, pour ses scores sur les vagues du Tour Mondial.

 

Pour 2020, les fans de compétition seront au régime sec. La crise sanitaire a bouleversé tout le programme mondial dans lequel devaient se dérouler dix épreuves. Seules trois resteront : Kayama en Australie en août, Sintra au Portugal en septembre et Gáldar aux Canaries en novembre, mais qui ne décerneront pas de titre. Ceci dit l’avenir se profile bien car le monde du bodyboard professionnel évolue et s’organise aujourd’hui avec la création d’un organisme public. L’International Bodyboarding Corporation (IBC) remplace l’Association of Professional Bodyboarding (APB), pour diriger le bodyboard professionnel mondial. Désormais ce sont les organisateurs d’évènements qui gèrent le Tour mondial. "Médias, public et riders et promoteurs devraient tous être gagnants" s’enthousiasme  Amaury.

"Je suis la voix des trente-deux meilleurs bodyboarders du monde. C’est un job que j’aime beaucoup car je canalise les opinions de chacun, Brésiliens, Sud-africains, Européens, Australiens ou Chiliens" 

D’autant que Moz, qui parle trois langues couramment et fait l’unanimité depuis longtemps sur le circuit mondial, a été élu représentant des riders dans l’IBC. Il va commencer à travailler le contenu pour la plateforme médiatique de l’IBC qui prévoit aussi des directs sur lesquels il serait consultant. C’est encore une facette de ce sportif à 360°.

La Réunion en a fait un Waterman

Amaury Lavernhe possède un autre surnom dans le monde du Bodyboard, le Waterman. On retrouve quelque fois ce surnom dans les sports de glisse, pour qualifier quelqu’un qui passe sa vie dans l’eau en utilisant plusieurs supports. Amaury pratique l’apnée, le dropknee *, la chasse sous-marine et la natation en pleine mer "C’est très culturel en Polynésie et dans le Pacifique. J’ai dédié ma vie au bodyboard en Europe, mais aussi ma vie à l’Océan. Je ne peux pas me passer de pouvoir toucher l’eau de mer, de ressentir la sensation qu’on éprouve après s’y être baigné, la richesse de l’océan. Tout ça rythme ma vie, celle de ma femme, Malennhy et de nos enfants Oliver et Nahara. "

* le dropknee est une discipline du bodyboard qui se pratique un genou sur la planche. Il est aussi appelé la pose hawaïenne. Amaury a été champion du monde de Dropknee aux ISA Games 2014.

 

Né à Poitiers où il a grandi, Amaury est arrivé à La Réunion à 7 ans. C’est là-bas qu’il a appris le bodyboard dès l’âge de 9 ans, avec Jérémy Florès, le numéro un français de surf. Les deux garçons pratiquaient ensemble à Boucan-Canot à leurs débuts et sont restés proches, Moz est toujours licencié à La Réunion au Radical Surf Club (Saint Gilles les Bains). Mais comme d’autres riders, il a dû s’exiler à cause de la crise requin qui frappe l’île depuis 2011 pour continuer à pratiquer son sport et préserver sa vie. Quand il pense à La Réunion, il a toujours ce pincement au cœur : " La situation continue à me faire un petit peu peur. Si on ancre dans la culture réunionnaise le fait de ne pas pouvoir profiter de l’océan, où va-t-on ? Il y a un vrai un travail de fond à effectuer pour trouver des solutions, Jean-Francois Nativel le fait avec l’association Océan Prévention Réunion, mais c’est aussi un travail politique et culturel ". C’est son île, celle où à l’âge de 7 ans, il a commencé à communier avec l’océan et avec l’esprit du bodyboard. Et ça ne s’oublie jamais.

Son Académie, valeur de transmission

Visionnaire et altruiste, Amaury Lavernhe a lancé en 2015 Amaury Academy : une école de bodyboard itinérante pour partager son expérience de bodyboarder, tant sur le plan sportif que technique. Le principe est simple, il se déplace dans le monde entier invité par un club ou une école de bodyboard, du Sénégal au Costa Rica, en passant par le Mexique, Puerto-Rico, la Côte d’Ivoire, le Chili, Madère, le Portugal, L’Espagne et la France bien sûr. Il s’adapte au niveau des riders et organise les cours théoriques, la pratique, le feedback, la préparation physique etc. Cette année 2020, il devait partir en Indonésie, au Chili et en Angleterre. Mais ces projets initiaux sont annulés.

 

"Avec mon académie je partage le bodyboard autour du globe et j’apporte mon grain de sable partout où il le faut" 

Qu’importe, il en faut plus pour décourager un Lavernhe. Il va faire un focus avec son Académie aux Canaries, entre Lanzarote et Tenerife et la faire évoluer localement. " C’est la première fois que je vais si peu voyager depuis ces quinze dernières années, " déclare-t-il. Malennhy et les enfants vont être contents de l’avoir à la maison de la Furnia.

A Gran Canaria, où le bodyboard est très populaire, il a ouvert Amaury Academy Gáldar, pour les jeunes Canariens avec des cours réguliers sur les spots du nord de l'île. " C’est de l’initiation et du perfectionnement. J’espère former chaque rider pour qu’il puisse voler de ses propres ailes avec ses copains, pour rider de manière saine et sûre dans l’eau",  explique Amaury qui ne prépare pas encore les jeunes à la compétition. Ceux-ci ont entre 9 et 15 ans et apprécient la proximité et le charisme du champion dont les conseils sont précieux. Au hasard d’une rencontre sur la place de Sardina lorsqu’ils passent en vélo en train de faire des acrobaties, Amaury leur répond et discute vagues et bodyboard avec eux.

 

L’homme aux 1000 projets a lancé un concept inédit d'apprentissage en ligne, STEP to the TOP autour d’Amaury Academy. Il s’est attaché les services d’une société de production pour éditer des tutoriels vidéo payants. Le chapitre 2 vient d’être publié sur Vimeo On Demand. Ces vidéos sont de vraies Master Class disponibles en 3 langues. Elles sont abouties, innovantes, avec des infographies, du slow motion, des tournages studio, des vagues et des manœuvres décomposées : c’est un vrai travail d’orfèvre. Du Moz tout craché.

 

" C’est un travail très précis qui me plaît et j’ai de très bons retours. Les gens ne sont pas habitués à voir du contenu payant, car on accède à tellement d’informations gratuites avec internet mais pas toujours valables ni utiles. Vu la qualité de ce que je propose en terme visuel et didactique, c’est nécessaire. La qualité a un prix. D’autant que c’est moi qui finance tout et c’est un investissement. Mais c’est ce qui nous fait vivre aujourd’hui. Car on ne gagne pas vraiment notre vie en bodyboard par rapport au surf. Après la période que nous venons de vivre, on se réinvente un petit peu, c’est le moment non ? "

 

Amaury est pressé car il part surfer avec un autre Réunionnais qui l’a rejoint aux Canaries il y a trois ans, Robin Legros. Tous deux vont sur le spot du Fronton, ce spot dangereux pour les non-initiés, avec des vagues somptueuses qui déroulent sur le rocher, dont Amaury est le roi, el Rey en espagnol. Il a gagné trois fois l’épreuve du Fronton King, dernière  étape du Tour Mondial. En octobre 2019, il a prêté sa couronne à Tristan Roberts le Sud-Africain qui a eu du mal à soulever le régime de bananes, rituellement offert au vainqueur. Lui, Amaury, n’a jamais vacillé. El Francès est devenu un vrai Canarien.

 

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