Il y a quinze ans, le club de Béziers sortait de l'élite pour atterrir en Pro D2 après avoir constitué l'un des palmarès les plus fournis du rugby hexagonal avec pas moins de onze titres de champion de France. Malgré sa place historique, jamais plus l'ASBH n'a revu le Top 14 et végète désormais dans l'ombre en deuxième division après avoir fait un passage en Fédérale 1. Cette traversée du désert pourrait cependant trouver un épilogue heureux dans les prochains jours avec l'arrivée d'investisseurs émiratis qui secouent le microcosme biterrois depuis désormais de nombreuses semaines.Un repreneur émirati pour BéziersL'histoire débute il y a quelques mois lorsque des investisseurs en provenance des Emirats arabes unis rencontrent Yannick Pons, un viticulteur de la région, afin d'acheter des vignes. Selon Robert Ménard, le maire de Béziers qui connaît bien Pons, une discussion au sujet de la situation du club s'en suit et les Emiratis se montrent intéressés par une reprise. Un rendez-vous est organisé à la mairie quelques semaines plus tard pour évoquer ces questions. Collaborateur du viticulteur, Christophe Dominici prend alors les choses en main. Son statut d'ancien international et d'ex-entraîneur adjoint au Stade français le légitime. "Les gens qui m’ont confié cette tâche ne connaissent que très peu le rugby. Ils avaient besoin de quelqu'un qui connaît le milieu", dira-t-il.L'ASBH est dans une situation compliquée et selon les aveux de Ménard, le club perd entre 800 000 et 1 million d'euros par an pour une dette totale s'élevant aux alentours de 3,5 millions d'euros. Le club et ses deux présidents Cédric Bistué et Pierre-Olivier Valaize reconnaissent d'ailleurs dans un communiqué diffusé le 17 mai dernier "travailler depuis plus de dix mois sur la possibilité de reprise ou d’une évolution capitalistique de la SASP". Mais la rencontre avec Yannick Pons, Samir Ben Romdhane et son bras droit Philippe Ballard, représentants la société Sotaco (une entreprise qui travaille notamment dans le secteur du BTP) censés représenter les futurs investisseurs ne convainc pas. Il est question en premier lieu de sponsoring puis d'une reprise. Le communiqué revient sur cet épisode. "Nous avons tout de même laissé une porte ouverte à une proposition concrète de leur part, restée sans réponse". Voir sur Twitter Un peu plus tôt, Dominici avait décidé d'investir le terrain médiatique et détaillé le profil des futurs investisseurs dans une interview à Midi Olympique : "Il est issu d’une famille émiratie. C’est un très proche du pouvoir royal, quelqu’un qui a fait fortune dans l’extraction du pétrole". Interrogé de nouveau sur la question cette semaine, l'ancien international aux 65 sélections s'est agacé. "Je ne crois pas que lorsque Hans-Peter Wild, le repreneur du Stade-Français, a racheté le club, on lui a demandé d’où il venait et avec quelle société il allait officier. Donc ça suffit de poser ces questions. Quand j’achète une maison, je la visite, je vois son état et je vois si je veux l’acheter, le reste n'est pas important."Un audit et des zones d'ombreA la fin du mois de mai, les discussions s'intensifient cependant sous l'impulsion de Dominici qui multiplie les sorties dans la presse et les saillies à l'encontre des dirigeants du club. Les deux parties s'écharpent autour des comptes du club. Un audit externe est demandé afin d'aller plus loin quand l'ASBH demande des garanties sur la solvabilité du potentiel repreneur.Un accord est finalement trouvé début juin et, selon nos informations, les documents financiers ont été transmis au cabinet Mazars vendredi dernier afin de les décortiquer. C'est une tête connue qui est en charge de réaliser l'audit. Il s'agit de l'ancien secrétaire d'Etat aux Sports Thierry Braillard. L'avocat est spécialisé dans ces processus. Seule ombre au tableau, il avait déjà été mandaté par Benjamin Leigh Hunt en vue d'une reprise des clubs de football de Nice et Nantes. Mais sans succès, la question de la capacité de son client à fournir les fonds n'ayant pu être réglée. Un temps réticent, Robert Ménard est cependant rassuré par la présence de Thierry Braillard dans cette affaire.Selon le maire de Béziers, une lettre d'intention avec une proposition de rachat devrait en outre être transmise d'ici la fin de la semaine. Avant un passage devant la DNACG, le gendarme financier de la Ligue nationale de rugby, pour acter la reprise du club avec un audit cette fois sur les garanties bancaires des repreneurs. Si le rachat aboutit, il permettrait notamment d'éponger les dettes du club et aussi d'investir une dizaine de millions d'euros.Objectif Top 14"On va essayer de remonter très vite en Top 14. Avec humilité car le niveau est élevé. On va essayer de faire partie de ceux qui montent. Et après bâtir une équipe qui soit respectée et qui développe un rugby attractif", détaille Christophe Dominici. Si ce dernier refuse de se positionner quand à son futur poste, il pourrait cependant prendre la présidence du club si la vente aboutissait.Comme évoqué avec Robert Ménard, l'ancien international tricolore souhaite notamment faire revenir au club d'anciennes gloires et s'appuyer sur des noms forts du rugby français. Si côté terrain, le nom de l'ex-international Benjamin Fall a été évoqué, des contacts ont été établis pour le poste d'entraîneur avec Frédéric Michalak. Une information confirmée par Dominici. Celui qui rêve de marcher sur les traces de son ancien président et modèle Max Guazzini (président du Stade Français entre 1992 et 2011) a des ambitions et ne s'en cache pas. Si la vente aboutit, Béziers pourrait ainsi reprendre le cours de son glorieux passé. En attendant, le pavillon émirati se déplie en douceur dans la ville biterroise.