Pour les agents de Rudy Gobert, "c'est mort" pour la saison
Tout d’abord, comment vivez-vous ce confinement ?
Jérémy Medjana : "Moi j’ai été infecté par le virus début mars. Ça a été assez violent : pneumonie, grosse fièvre, quasiment deux semaines à ne rien faire. Maintenant, tout est rentré dans l’ordre et le téléphone chauffe à nouveau."
Bouna Ndiaye : "Je suis confiné chez moi à Dallas (Bouna s’y est installé en 2007). Ici, il n’y a pas de confinement strict avec contrôles de police, mais les gens font très attention. A part pour les courses, je ne sors pas de chez moi."
Et comment se passe le confinement pour vos joueurs ?
Les deux : "Les dix premiers jours ont été très durs, on a eu des joueurs, même en NBA, qui ne faisaient plus rien. Ils se levaient à midi et ne s’entraînaient plus. Il a donc fallu remettre tout le monde en ordre de marche. C’est pour cela que l’on a créé des rendez-vous quotidiens sur notre chaîne You Tube avec des coaches sportifs. Personne n’aura l’excuse de dire : on ne pouvait pas travailler. Avec une chaise, des bouteilles d’eau, on peut s’entretenir. Nicolas Batum a fait une vraie salle de musculation dans son garage. Rudy Gobert est le mieux loti, c’est le seul qui a une salle de basket à domicile."
Quel discours tenez-vous à vos athlètes ?
Les deux : "Ça va durer. On va avoir du temps pour travailler. Notre discours, c’est : mettons à profit ce temps que chacun va avoir pour travailler individuellement sur les points à renforcer. Sans équipes de France cet été, ils vont avoir quatre ou cinq mois pour bosser. Les blessés auront le temps de revenir tranquillement. Par exemple, pour Rudy Gobert, on lui a dit de trouver une machine qui renvoie les ballons. Il va pouvoir faire jusqu’à 500 tirs par jours."
Pour vous, il faut donc tirer un trait sur cette saison ?
Les deux : "C’est mort. Il ne faut pas rêver. En France, la fin des championnats élites va être annoncée bientôt. Entre les Américains qui sont tous repartis chez eux (ils forment près de la moitié des effectifs), entre les contrats qui s’arrêtent le 30 juin, c’est impossible de reprendre. Seule la NBA aurait les capacités de reprendre. Ils font tout ce qu’ils peuvent pour rejouer fin juin jusqu’à mi-août mais là aussi, on n’y croit pas beaucoup."
Economiquement, cela va avoir des répercussions sur les joueurs, les clubs ?
Les deux : "En NBA, il y aura sans doute moins d’argent que d’habitude. Le salary cap (la somme que les clubs ne doivent pas dépasser en salaires) va être revu à la baisse. Les contrats signés cet été seront moins conséquents. Aux Etats-Unis, les joueurs pourraient perdre 1% de leur salaire par match non joué. Comme il reste une vingtaine de matches, ça pourrait faire 20-25% du salaire annuel. En France, ce sera plus compliqué, les clubs pourraient perdre jusqu’à 20% de leur budget. Peut-être qu’ils ne pourront pas prendre autant de joueurs professionnels que les saisons précédentes. Ils s’appuieront plus sur les jeunes. Il va falloir faire les comptes à la fin de la crise."
Votre activité d’agent est-elle à l’arrêt ?
Les deux : "On n’a jamais été autant en contact avec les joueurs, les clubs. Comme on ne voyage plus, on gagne du temps pour négocier. On fait le tour des équipes car l’activité autour des joueurs continue. Ian Mahinmi arrive en fin de contrat à Washington. Evan Fournier (Orlando Magic) et Nicolas Batum (Charlotte Hornets) peuvent lever leur option pour changer de club. Il faut donc continuer à négocier. Pour la draft (prévue normalement fin juin), on va revenir aux années 50. Il n’y aura pas de workouts (les joueurs inscrits à la draft font des entraînements devant les staffs des équipes NBA intéressées). Il y aura seulement des interviews par Zoom ou Skype. Nous sommes en train de faire des montages vidéo de la saison d’Abdoulaye Ndoye qui est inscrit à la draft 2020. Les joueurs pourront se montrer seulement à distance."
Pour finir, comment avez-vous géré le cas Rudy Gobert, premier athlète de haut niveau frappé par le Covid-19 aux Etats-Unis, et qui, quelques jours plus tôt plaisantait en touchant tous les micros en conférence de presse ? Les critiques furent très violentes.
Jérémy Medjana : "Il a d’abord fallu gérer le fait qu’il soit infecté, comme moi je l’ai eu presque en même temps, on a beaucoup parlé au téléphone. Il y a eu du stress, on se rendait compte petit à petit de la dangerosité de ce virus et de l’ampleur que ça allait prendre dans le monde."
Bouna Ndiaye : "Sur les critiques de la presse américaine, des autres joueurs NBA, de certains de ses coéquipiers (Donovan Mitchell, un joueur de son équipe infecté juste après lui, fut assez virulent à son égard), Rudy est assez philosophe. Il a fait une bêtise, il s’est excusé, il s’est engagé (plus de 500 000 dollars de dons) et puis il s’est très vite projeté vers l’avenir. Il a servi de bouc-émissaire mais on peut dire aussi qu’il a évité une plus grande catastrophe en mettant la NBA et le sport américain à l’arrêt. Il a fait prendre conscience du danger. C’est sûr qu’au retour il va falloir ajuster certaines choses dans le vestiaire mais tout cela est en train de se tasser."
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