"Le basket est une échappatoire" : les Cèdres, espoir du peuple libanais à la Coupe du monde
Dimanche, le Liban est largement dominé par le Canada et son escouade de sept joueurs NBA (128-73). Chaque panier des Cèdres est malgré tout acclamé, célébré bruyamment par sa colonie de supporters venus spécialement à Jakarta pour l'occasion. Qu'importe si la sélection n'a pas pu résister aux Canadiens et à la Lettonie (109-70), elle dispute sa première Coupe du monde depuis 2010 et vient de tenir tête pendant longtemps à l'équipe de France, vainqueure dans la douleur (85-79).
"C'est un rêve qui devient réalité", raconte Ghassan, rencontré dans les travées de l'Indonesia Arena, maillot blanc de son équipe sur le dos. Âgé de 28 ans, il a voyagé vingt-quatre heures avec son frère Marc depuis Houston (Etats-Unis), où ils habitent désormais, spécialement pour soutenir leur sélection au Mondial. Preuve de l'engouement qui entoure la 43e nation au classement FIBA.
"Les trois dernières années ont été compliquées et le basket est comme une échappatoire", assure l'arrière Sergio El Darwich. Le 4 août 2020, une dramatique explosion au port de Beyrouth, la capitale, faisait plus de 200 morts et 6 500 blessés. Trois ans plus tard, l'enquête judiciaire est au point mort et le Liban s'est enfoncé dans une crise majeure. Politique, d'abord, puisque le poste de président est vacant depuis dix mois. Économique, ensuite, puisque l'inflation a atteint + 170 % en 2022. Sociale, enfin, puisque le taux de chômage a progressé de 11 % en 2018 à 30 % en 2023, en particulier chez les jeunes (58 %).
"Ce sont nos héros"
"Les Libanais regardent le basket pour oublier le quotidien qu'ils doivent gérer, poursuit le deuxième marqueur de son équipe au Mondial (14 points par match). Ils peuvent ressentir un peu de joie, d'espoir. Quoiqu'ils fassent à la maison, ils sentent qu'il y a de la vie, que vous pouvez toujours créer quelque chose à partir de rien."
"L’équipe nationale peut donner un peu d’espoir au peuple pour avoir du changement au pays", estime Wissam, 41 ans, qui réside dans la banlieue de Beyrouth, venu en Indonésie avec son ami Moustapha. "Ces joueurs et ce staff sont notre fierté, confirme Ghassan. Parce que tous les politiciens et les personnes qui détiennent des responsabilités détruisent notre pays, alors ce sont eux nos héros."
Cette pression peut-elle peser sur les épaules des douze joueurs présents au Mondial ? "Non, la pression, ce sont les Libanais qui n'ont pas accès à leur argent dans les banques. La pression, c'est la pauvreté dans le pays, rectifie Karim Ezzeddine, ailier fort de la sélection. Nous, on est très bien payés, on voyage dans le monde entier, ce n'est pas ça la pression."
D'autant que "le basket est une religion" au pays du Cèdre, poursuit celui qui possède aussi la nationalité française. "Tout le pays regarde. Quand il y a un match de basket à la télévision, personne ne demande de changer la chaîne, car toute la famille est intéressée. Ce n’est pas le cas des autres sports collectifs au Liban", explique Jabre Nemer, journaliste au Mondial pour le quotidien Annahar.
"Un match pour l'histoire"
"C'est le sport national depuis les années 1990 quand les clubs ont commencé à gagner la FIBA Asia Champions Cup", poursuit-il. Le club beyrouthin de Sagesse, affilié historiquement à la communauté chrétienne, a inscrit trois fois son nom au palmarès de la compétition continentale à la fin des années 1990 et au début des années 2000.
Le Liban participe cette année à sa quatrième Coupe du monde après 2002, 2006 et 2010. Il s'était également qualifié en 2014 avant d'être finalement suspendu pour des ingérences au sein de la Fédération nationale. L'année dernière, l'équipe nationale libanaise a réalisé un parcours exceptionnel en Championnat d'Asie, s'inclinant seulement en finale contre l'Australie (75-73).
Une performance qui n'égale pas pour autant le plus grand exploit du basket libanais : une victoire surprise contre l'équipe de France lors du premier tour de la Coupe du monde 2006 (74-73). "J'avais onze ans, je regardais le match", se souvient Ghassan. "C'était un match pour l'histoire", abonde Jad El Hajj. De là à imaginer un tel scénario, mardi, alors que la France semble au fond du trou après son élimination précoce du Mondial ? "Aujourd'hui, c'est complètement différent, poursuit le sélectionneur. La plupart d'entre eux sont des joueurs NBA, mais on fera de notre mieux."
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