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Williams contre Williams, la dure loi des fratries dans le sport

Les deux sœurs, qui se retrouvent en quarts de finale de l'US Open, ont eu une relation compliquée par leur rivalité sportive. Et ce n'est pas le seul exemple.

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les sœurs Williams (Serena à gauche, Venus à droite) s'étreignent après leur match des 16es de finale à Wimbledon, le 6 juillet 2015. (JULIAN FINNEY / GETTY IMAGES SPORT)

Serena contre Venus, c'est l'affiche des quarts de finale de l'US Open mardi 8 septembre. Cela fait plus de quinze ans que les sœurs Williams sont en haut de l'affiche, trustant les titres du circuit féminin. Jouer contre sa sœur, c'est loin d'être évident. Et ne vous arrêtez pas aux discours de façade façon "on peut être adversaires sur le court et amies en dehors". Les histoires de fratries dans le sport – on aurait pu vous parler des Coppi, des de Boer ou des Indurain – finissent assez mal, en général. 

La soupe à la grimace de Venus Williams 

Venus, l'aînée, née en 1980, débarque la première sur le circuit, à 16 ans, en 1996, balayant tout sur son passage. Pendant ce temps, Serena, née en 1982, ronge son frein chez les juniors. La grande sœur décroche les contrats publicitaires, l'attention médiatique, les unes des magazines. "C'était très dur de rester dans l'ombre de Venus, reconnaît la cadette dans le documentaire Venus and Serena. Les journaux n'en avaient que pour elle. Je n'étais pas censée être celle qui joue bien au tennis, juste une copieuse. C'est pour ça que j'ai persévéré dans le tennis." Lors de leur première rencontre sur le circuit professionnel, Venus bat une Serena déchaînée. "Elle jouait comme si c'était son dernier jour sur Terre", se souvient Venus. 

Si la cadette se sent sous-estimée, c'est pourtant elle qui décroche le premier titre du Grand Chelem de la famille. Un coup terrible pour Venus, qui jusque-là jouait le rôle de la grande sœur protectrice. Dans la player's box du court Arthur-Ashe de l'US Open, Venus tire une tronche de dix pieds de long quand Serena s'impose en finale contre Martina Hingis. "C'était un moment dur à vivre pour moi, reconnaît-elle dans le documentaire. En tant qu'aînée, je pensais que c'était à moi que le premier titre du Grand Chelem devait revenir." 

Les premières années de cohabitation sont dures. Serena pleure toutes les larmes de son corps quand Venus l'écarte en demi-finale de Wimbledon en 2001. Le bruit court que Richard Williams, leur père, mentor et coach, arrange les résultats des matchs entre elles. Battue par Venus en finale de l'US Open 2001, Serena lâche, suffisamment fort pour que les micros l'entendent : "Vous n'avez encore rien vu." Effectivement. La rivalité s'estompe quand Serena devient une des plus grandes joueuses de tennis de tous les temps alors que la carrière de Venus décroche. Le coach de Serena, Patrick Mouratoglou, a beau jeu de dire à ESPN : "Serena préférera perdre contre Venus que contre n'importe qui. Mais elle déteste perdre." 

Joël Cantona, l'homme qui aurait aimé "être un grand footballeur"

La relation entre les deux frères est résumée avec humour dans la fameuse pub pour les rasoirs Bic, en 1995.
"Moi, je m'appelle Cantona, lâche Eric, affalé sur un canapé.
- Moi aussi je m'appelle Cantona, rétorque Joël.
- Oui mais moi, je suis célèbre.
- Et moi, je vais le devenir."

Un rien présomptueuse, cette affirmation. Quand le spot est tourné, Joël, cadet d'un an d'Eric, approche déjà de la fin de sa carrière. Qui a emprunté les chemins de traverse du foot professionnel plutôt que la voie royale. L'OM époque Tapie, sans beaucoup jouer, Rennes, Meaux, Anvers, Angers, Ujpest (c'est en Hongrie), l'OM rétrogradé en D2 après l'affaire VA-OM et quelques piges en Angleterre dans des clubs de seconde zone comme Stockport et Peterborough. Le niveau du frère d'Eric n'impressionne pas vraiment les entraîneurs anglais, qui le recalent. Une rumeur insistante, relayée dans le livre Cantona, le rebelle qui voulut être roi, affirme qu'Eric aurait proposé de payer le salaire de son frère pour qu'il joue outre-Manche pendant qu'il brillait à Manchester United. Sans succès.

"Vous savez, il y a très peu de footballeurs pros. Alors, frère d'Eric Cantona ou pas, il faut pouvoir y arriver. Et puis, je peux être fier d'avoir porté le maillot de l'OM en première division. Je ne jouais pas à Charleville-Mézières ou Calais, moi, s'emporte Joël Cantona dans Le Parisien. Même si je n'ai rien contre ces clubs-là." Dans une interview au magazine Le Foot Marseille, Joël regrette de ne pas avoir percé. "J’aurais aimé être un très grand footballeur. J’en avais les capacités à un certain âge, mais ensuite ça s’est compliqué." 

Ralf Schumacher, sauvé par son nom de famille

Les frères Ralf et Michael Schumacher lors d'une compétition de karting, à Kerpen (Allemagne), le 21 juillet 1997. (OLIVER MULTHAUP / DPA)

Dans le paddock, on l'a longtemps appelé "Monsieur Frère". Après avoir été recalé par McLaren, Ralf Schumacher signe son premier contrat dans l'écurie Jordan en 1997 alors que son frère Michael, double champion du monde, est LA star de ce sport. La réputation de maquignon d'Eddie Jordan n'est plus à faire, et le petit monde de la F1 se dit qu'il a embauché un nom plutôt qu'un bon pilote, histoire de faire les yeux doux aux sponsors. Les débuts sont calamiteux : Ralf est rapide, c'est indéniable, mais maladroit, sanguin, peu concentré. Avec sa voiture capricieuse, les abandons s'enchaînent.

Eddie Jordan, dont l'écurie vire à mi-saison avec zéro point au compteur, envisage très sérieusement de le remercier, reconnaîtra Ralf dans une émission de télé allemande. Les sponsors, pas mécontents d'être associés à la marque Schumacher, font patienter l'Irlandais, lassé des démarches insistantes de l'agent de la famille, Willi Weber, pour lui faire signer un nouveau contrat, relate le documentaire Driving ambition : A season with Eddie Jordan, consacré à l'écurie. Arrive le Grand Prix de Silverstone, où, à la surprise générale, Ralf, parti dernier, arrache la sixième place, synonyme de point inespéré pour l'écurie Jordan. "Quand tu es censé bien faire, tu merdes, et quand tu es censé merder, tu brilles", lui crie Eddie Jordan en l'étreignant à son retour dans le stand. "Et qu'est-ce qu'il fout, ton agent ? C'est maintenant qu'il doit venir rôder pour me demander de te faire signer un nouveau contrat !" 

Alessandro Zanardi, un ancien pilote, confie plus tard au site Car and driver que "le nom de Schumacher a quand même bien aidé la carrière de Ralf. Même si ça a été dur pour lui de trouver la lumière, à côté d'un frère meilleur pilote du monde." Une année seulement, en 2001, sa Williams aurait pu contrecarrer les plans de son frère, chez Ferrari. "Ça va se finir dans les larmes", prédit un de ses mécaniciens. Pas du tout, en fait. Moins bosseur que son frère, Ralf laisse passer sa chance de montrer qu'il vaut mieux que son étiquette d'honnête pilote, engoncé dans son rôle de "frère de".

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