Millième Grand Prix : pour Alain Prost, la Formule 1 est aujourd'hui "un monde violent avec beaucoup de moyens"
Le Grand Prix de Chine qui se disputera dimanche à Shanghaï sera le millième Grand prix de l'histoire de la Formule 1. Alain Prost, quadruple champion du monde, revient pour franceinfo sur l'évolution de la F1.
Alors que le millième Grand prix de l'histoire de la Formule 1 se disputera le 14 avril en Chine, Alain Prost a comparé son époque "de passionnés" à celle d'aujourd'hui où le "business" a pris le dessus. Interrogé par franceinfo vendredi, celui qui a couru 199 Grand Prix dans sa carrière au volant notamment de McLaren, Renault et Ferrari, voit la F1 comme "un monde violent avec beaucoup de moyens". Alain Prost a assuré qu'on "n'était pas près, pour l'instant", de voir un Français champion du monde.
franceinfo : Que représente pour vous ce millième Grand Prix ?
Alain Prost : À titre personnel, je fais partie de l'histoire du sport avec 199 Grands Prix en tant que pilote. Mon premier Grand Prix, c'était en 1980 en Argentine, c'était le 329e de l'histoire. Je pense en avoir pratiquement accompli entre 450 et 500 en tant que pilote, directeur d'écurie, en tant que consultant pour Mercedes, en tant que consultant pour TF1 quand je faisais les commentaires, maintenant, bien entendu, avec Renault. Ce n'est pas qu'émouvant. On se dit, on a participé à l’évolution de son sport. On l'a suivi avec beaucoup de curiosité, d'intérêt et de passion. C'est ça qui est important.
Quelles sont les grandes évolutions dans l'histoire de la Formule 1 ?
L'histoire de la F1, cela a commencé par des gentlemen driver qui achetaient des voitures, qui les mettaient sur des remorques, qui roulaient sur la route et allaient faire des Grands Prix de F1. Moi, j'ai connu la transition. Ce n'était que des équipes d'artisans et de passionnés. Il y avait bien entendu Ferrari qui était là depuis le début, qui était un peu la bête noire d'une certaine manière, mais ce n'est pas pour cela qu'ils gagnaient tous les championnats. Il y a eu une évolution que j'ai vue arriver au milieu des années 80. Elle est arrivée en plusieurs étapes : d'abord la technologie, puisqu’en 1977, Renault est arrivé avec un moteur turbo. En 1978, il y a eu la première victoire d'un pneu Michelin, un pneu radial. Tout le monde disait que c'était impossible de faire gagner un pneu radial en compétition. En 1980, quand je roulais avec un moteur Ford Cosworth, il avait 450 chevaux et on nous disait que c'était pratiquement impossible, à 470 qu'on serait à la limite de ce qu'on pouvait faire en Formule 1. Six ans après, on atteint 1400 chevaux. C'est une période où on a ouvert des champs. Une équipe de F1 c'était, à mon époque quand j’ai commencé, 65 personnes, aujourd'hui les grandes équipes ont pratiquement 2000 personnes.
Quel regard portez-vous sur l'évolution de la Formule 1 ?
Il y a une grosse différence entre cette période et celle d'aujourd'hui, et c'est la société qui veut ça aussi, c'est que vous aviez que des passionnés, que ce soient des pilotes, des ingénieurs, des mécaniciens et même les journalistes. Ils étaient passionnés par la course automobile parce qu'elle représentait. Aujourd'hui, on est un peu plus dans le business. C'est un peu différent et un peu aseptisé aussi. Les pilotes qui commencent à 4 ans ou 5 ans au karting aujourd'hui, ce n'est pas eux qui choisissent de faire de la course automobile, ce sont leurs parents. On est un peu plus téléguidé.
Quelles sont vos grandes émotions ?
Ce qui m'a procuré le plus d'émotion, c'est que je n'avais pas du tout des parents fortunés. J’ai fait cela tout seul. Je ne pensais pas arriver à ce niveau-là. Ma plus grande satisfaction, c'est d'avoir pu faire tout ce que j'ai fait sans accident. J'ai connu la période des accidents très très graves avec beaucoup d'amis qui sont paralysés ou morts. Mais aussi d'avoir rencontré des gens, notamment des pilotes, dans la même équipe que moi, qui ont été plusieurs fois champion du monde. C'est une lutte incessante. On en sort toujours grandi. Aujourd'hui dans le monde entier, vous parlez de Ayrton Senna, on vous dit Prost, vous parlez de Prost, on vous dit Senna. C'est absolument incroyable.
Un titre de champion du monde pour un pilote français ou Renault, vous y croyez ?
On n'est pas prêt pour l'instant ni d'un côté ni de l'autre, bien qu'on ait des pilotes français talentueux. Pour Renault, c'est un petit peu tôt. On voit qu'on a des soucis en ce début de saison. On a un programme établi, on est en train de construire ce qui devrait être l'une des trois meilleures équipes dans le futur. On est dans un monde violent avec beaucoup de moyens, il faut juste qu'on soit un peu patient. On a beaucoup de pression, mais il faut être un petit peu patient.
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