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Je raque donc je roule : le dur lot des pilotes payants en Formule 1

Vous avez le permis de conduire et vous venez de recevoir dix millions d'euros de la part d'un généreux sponsor ? Alors vous pouvez tenter votre chance en F1...

Article rédigé par Pierre Godon
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Les sponsors du pilote de F1 Bruno Senna, le 7 février 2012. (MARK THOMPSON / GETTY IMAGES)

Ce n’est pas une nouveauté, et ça commence même à devenir une habitude : cette année, les pilotes "payants" trusteront plus de la moitié du peloton des Grands Prix, qui regroupe au total 24 sportifs. Un pilote payant, c'est un pilote qui a des sponsors très généreux, ce qui le rend très désirable pour une écurie qui peine à boucler ses fins de mois.

En 2012, les impétrants sponsorisés ont poussé dehors des figures historiques de la discipline. Ainsi, le jeune brésilien Bruno Senna (neveu d'Ayrton), qui n’a encore rien prouvé, a pris le baquet, chez Williams, de son compatriote Rubens Barichello. Lequel comptait presque 400 Grands Prix au compteur, et pas mal de places d’honneur. Motif : Senna amène une valise de dollars fournie par ses sponsors, quand le vétéran Barichello, moins soutenu par des marques, ira se recycler en IndyCar, la version américaine de la F1.

• Pour cent briques, t'as plus un volant

Crise économique oblige, même les équipes de milieu de grille, qui auparavant pouvaient ne pas s'embarasser avec ces questions, engagent des pilotes payants. En 2011, seules les quatre top teams (Ferrari, McLaren, Red Bull, Mercedes) roulaient avec des pilotes gratuits, soit un tiers du plateau. 

Les pilotes payants existent depuis le début du championnat du monde, en 1950. Quelques-uns sont restés dans les mémoires comme particulièrement mauvais, en tout cas pas aidés par leur voiture, comme le Suisse Jean-Denis Deletraz ou le Malais Alex Yoong. Même des pilotes qui ont réussi dans d'autres disciplines se sont parfois ridiculisés en F1, comme Paul Belmondo dans l'improbable écurie Pacific. Un internaute de Confidential Renault se remémore son passage en Formule 1 en ces termes : "Je me rappelle qu'avant, y'avait la pole position et la position de Paul (Belmondo)."

Aujourd'hui, la situation s'est compliquée : même pour courir dans une écurie respectable, il faut avoir des sponsors ET du talent.

• Dis-moi de quel pays tu es, je te dirai qui est ton sponsor

Pastor Maldonado est vénézuélien et ramène chez Williams 15 millions de dollars du pétrolier local, détenu par l'Etat. Donc par le contribuable vénézuélien. Le gouvernement révolutionnaire d'Hugo Chavez finance donc un pilote de F1 sans sourciller, comme le remarque le site regards-venezueliens.com.
Pastor Maldonado, sponsorisé par la compagnie pétrolière vénézuélienne, le 18 janvier 2012.  (LEO RAMIREZ / AFP)
Kamui Kobayashi (Japon) est arrivé chez Sauber avec le soutien de Panasonic (3 millions de dollars).

Sergio Perez 
(Mexique) ramène, chez l'écurie Sauber, 10 millions de dollars de Telmex, un opérateur téléphonique mexicain.

Narain
 Karthikeyan (Inde) a reçu 8 millions de dollars du constructeur automobile Tata pour courir dans l'écurie HRT.

Bruno Senna
apporte chez Williams 12 millions de dollars grâce à l'aide de l'homme le plus riche du Brésil, Eike Batista, et plus curieusement, de Gillette et Embratel.

Les pilotes français ne sont pas en reste : Charles Pic débarque chez Marussia avec 10 millions de dollars dans sa besace, et Romain Grosjean bénéficie du soutien de Total chez Renault (5 millions de dollars).

Vitaly Petrov
, l'ancien pilote Renault, et Jarno Trulli sont en balance pour une place dans l'écurie Caterham. Petrov doit trouver 12 millions de dollars via des entreprises russes (Lukoil et Autovaz) pour convaincre le patron de l'écurie d'écarter Trulli, moins bien doté en sponsors. On assiste donc à une guerre des nerfs surréaliste entre les deux pilotes. L'agent de Trulli affirme que le contrat est bouclé ; le patron de l'équipe affirme que l'Italien "fera partie de l'équipe" sans préciser s'il sera titulaire ou troisième pilote ; et l'agent de Petrov dit que tout se jouera avant le 10 février, date limite d'inscription des pilotes.

Dans ces conditions, être un pilote talentueux, comme Jérôme d'Ambrosio, ne suffit pas si on intéresse un petit marché comme la Belgique, son pays. Et être soutenu par une flopée de sponsors, comme l'Allemand Adrian Sutil, ne suffit plus pour s'assurer un baquet en F1.

Les pilotes qui ont plusieurs saisons de F1 au compteur l'ont mauvaise, comme Jarno1 Trulli, le plus menacé des "historiques", cité par ESPN : "Les pilotes qui payent ne sont pas habitués à souffrir, ils sont moins impliqués. Les engager est une décision de business, mais à mon avis ça n'en vaut pas la chandelle." Même des pilotes des équipes de pointe, comme Felipe Massa chez Ferrari, s'inquiètent : "Un jeune qui a tout gagné dans les catégories inférieures doit s'en remettre à la chance ou doit avoir de l'argent pour obtenir un volant en Formule 1."

Une autre Formule 1 est possible

Existe-t-il une alternative à cette course à l'argent ? L'écurie Lotus a en tout cas affirmé qu'elle abandonnait le système des pilotes payants. D'autres équipes, comme Red Bull, ont mis en place un système de détection des jeunes talents qui font leur armes dans les catégories inférieures (Formule 3...). La plus belle réussite est le pilote allemand Sebastian Vettel, qui a écrasé le championnat du monde l'an passé. Beaucoup de pilotes passés par la filière Red Bull ont garni le plateau de la F1 ces dernières années.

Un mal nécessaire, les pilotes payants ? Les plus grands sont aussi passés par là. En 1991, un jeune pilote payant avait été appelé en catastrophe pour un remplacement au sein de feu l'écurie Jordan. Son sponsor, Mercedes, avait payé 150 000 dollars par course pour l'aligner. Son nom ? Michael Schumacher. 

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