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Toyota à l’assaut du Mans avec la TS030

Pendant que la crise frappe fort chez Peugeot, Toyota ouvre plein gaz. Le constructeur japonais a levé le voile sur sa nouvelle arme : la TS030 HYBRID. Une voiture essence hybride qui va défier le roi Audi sur sa planète. 2012 sera une année d’apprentissage et de démonstration avant de viser clairement la victoire dès l’année suivante.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 7min
Toyota TS030 (TMG COPYRIGHT FREE)

La GT-One a une petite sœur. Voiture emblématique de Toyota en endurance, ce prototype racé avait la ligne autant que la vitesse. Il n’a jamais connu la consécration mancelle. Treize longues années, dont cinq de F1, plus tard, le constructeur japonais revient à ses amours de jeunesse, les plus beaux. Les plus douloureux aussi. Mais c’est comme cela qu’on se construit. Toyota ne repart pas de zéro. De son passage en F1, le groupe a hérité d’une unité de haute de technologie à Cologne. De ses années de route avec ses Prius, il a aussi acquis un savoir faire dans le domaine de l’hybridation des moteurs. C’est par ce biais qu’il s’attaque au mythe du Mans autour duquel s’est recréé un championnat du monde d’endurance. L’histoire dira si la vérité d’un week-end de juin augure d’un futur semi ou tout électrique. Une tendance est lancée.

Au début, il y a la dynamo qui éclaire le vélo. L’intensité varie avec la vitesse. Depuis la fin des années 1800, l’idée d’une alimentation électrique d’un véhicule a fait son chemin dans l’ombre de l’empire de l’essence. En course automobile, le poids des batteries et la transmission au sol ont longtemps été un casse-tête pour les ingénieurs. Encore faut-il y obtenir un gain en performance ? Une fois n’est pas coutume, c’est de la série qu’est venu le système hybride de Toyota. Testé en course en 2006 et approuvé dès 2007 avec une victoire à Tokachi. C’est sa descendance qui se retrouve aujourd’hui dans la TS030. Si en F1, le Srec est trop contraignant, ce n’est pas le cas dans le règlement du WEC. C’est même d’une grande simplicité. Les batteries se chargent à chaque freinage d’au moins 2G pendant deux secondes. Les 500 Kj accumulés se réutilisent dès l’accélération suivante sans l’intervention du pilote. « Le règlement nous autorise à récupérer l’énergie au freinage afin de renforcer l’accélération en sortie de virage, et donc d’abattre de meilleurs chronos, explique le directeur technique Pascal Vasselon. Et à niveau de performances égal, un groupe motopropulseur hybride est moins gourmand en carburant. C’est donc une technologie tout à fait pertinente, que nous sommes impatients d’appliquer à l’endurance. »

La discrétion est de mise

Wurz et Lapierre conquis
Alexander Wurz et Nicolas Lapierre ont été les premiers à se relayer au volant de la TS030. A leur retour, les feelings étaient bons. « La première fois que j’ai conduit la TS030 Hybride, c’était vraiment super : le simple fait de quitter le garage en mode électrique est complètement futuriste, se souvient Wurz. Puis, quand on relâche l’embrayage et que le moteur thermique se met en marche, on a l’impression de retrouver un vieux copain ! Quand nous avons chaussé les slicks, j’ai perçu la très bonne adhérence de la voiture ; je pense donc que nous avons une bonne base et qu’il est possible d’en faire une voiture vraiment rapide. » Même son de cloche pour Lapierre, impressionné par l’appui au sol de l’auto. « Ça n’a rien à voir avec tout ce que j’ai connu jusqu’à présent, car la philosophie est différente, explique-t-il. Les premiers essais sont donc prometteurs, et nous avons vu le potentiel de la voiture à plusieurs niveaux. » Le 3e pilote, Kazuki Nakajima est lui impatient de monter à bord après des heures sur un simulateur. « Il est temps de conduire en réel. »

Favorable à l’introduction de nouvelle technologie depuis sa création, les 24 Heures du Mans et par ricochet l’endurance est la discipline idéale. « C’était difficile à mettre en place en F1 à cause du règlement et du poids du système, avoue Vasselon. Dans une LMP1, la place du passager est vacante… » D’où l’installation du pilote à gauche même si on évoque plutôt une question de visibilité du côté du team. Question poids, Toyota joue la discrétion pour ne rien dévoiler à la concurrence, notamment Audi qui devrait également se lancer dans l’aventure de l’hybride dès cette année. Question stratégie, on en sait un peu plus. Avec l’hybride, on peut soit opter pour l’augmentation de la performance avec le gain de puissance du système, soit opter pour une diminution de la consommation, facteur essentiel au Mans. De même que l’hybride peut aussi se substituer à un moteur thermique en cas de panne d’essence. Si la batterie est rechargée, la voiture pourrait rouler au moins deux kilomètres selon les premiers tests menés par Nicolas Lapierre.

Le retrait de Peugeot du WEC a beau avoir attristé Toyota, cela resserre la concurrence autour d’Audi, puis de Porsche (avec une voiture hybride) en 2014. Si la firme nippone s’engage, c’est pour gagner. Elle a mis les moyens pour cela. Toutefois, pour la saison qui s’annonce, on préfère parler « d’objectif réaliste ». « Et ce n’est pas complètement réaliste de gagner au Mans en 2012. En revanche, il est réaliste d’y montrer notre performance. Mais on doit gagner en 2013 », ajoute Vasselon. Depuis plusieurs mois, Toyota s’activait autour de son projet. Si le tsunami au Japon n’a pas stoppé la décision, il en a retardé l’exécution. « Le développement était en cours mais il manquait le top départ des opérations de construction, révèle, Pascal Vasselon. Il y avait d’autres chats à fouetter que le motorsport. » Mise en piste début janvier, la TS030 ne pouvait pas se risquer à Sebring en mars. Pour combler le banc d’essais floridien et monter en charge d’ici Spa et surtout Le Mans, quatre séances de tests sont prévues. « Ce n’est jamais assez, assure Alexander Wurz, transfuge de Peugeot et double vainqueur dans la Sarthe. Mais on fera de notre mieux. Cette course est si spéciale, si difficile avec ses hautes vitesses et ses longues lignes droites. »

Vitrine du WEC et aspirateur médiatique, les 24 Heures du Mans restent le Graal de Toyota. Pour bien y figurer et surtout bien apprendre, il y aura deux TS030. Pour les pilotes, trois manquent encore à l’appel, ceux de la deuxième voiture. Toyota n’ayant pas confirmé la signature de Sebastian Buemi, il y a peut-être une ouverture pour d’anciens de la maison sochalienne. Après les 6 Heures de Spa et la classique mancelle, Le programme n’a pas encore été défini. On imagine mal le constructeur nippon zapper la tournée en Asie. Question d’image et question d’expérience. Car il faudra déjà penser à préparer la saison 2013.

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