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F1 : "Psychologiquement, Lewis Hamilton a pris un réel ascendant", analyse l'ancien directeur de l'écurie Renault Cyril Abiteboul

L'ancien directeur de l'écurie Renault (devenue Alpine) revient pour Franceinfo: sport sur le spectaculaire Grand Prix d'Arabie saoudite remporté par Lewis Hamilton, dimanche.

Article rédigé par Vincent Daheron, franceinfo: sport
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Cyril Abiteboul, en conférence de presse en 2019, a été le manageur de l'écurie Renault en Formule 1 jusqu'au début de l'année 2021. (ANTONIN VINCENT / DPPI MEDIA / AFP)

La Formule 1 a encore été le théâtre de rebondissements incroyables, dimanche 5 décembre, à l'occasion de la victoire de Lewis Hamilton (Mercedes). Grâce à son succès, le Britannique est à égalité parfaite (369,5 points) avec son rival Max Verstappen (Red Bull) dans la lutte pour le titre. Le duel a été épique sur le circuit de Jeddah. Cyril Abiteboul, ancien patron de l'écurie Renault (devenue Alpine), analyse cette course folle pour franceinfo: sport.

Franceinfo: sport : Quelle est votre analyse de la course de dimanche ?

Cyril Abiteboul : Si un scénariste d’Hollywood écrivait un scénario pareil, il se ferait rétoquer en disant que ce n’est pas réaliste. La F1 arrive toujours à nous surprendre. En allant sur ce circuit, avec cette piste très serrée, ces virages à l’aveugle, tout incident se paie cher. Donc tout le monde s’attendait à des drapeaux rouges, et ça n’a pas manqué. On avait jusqu’à maintenant deux équipes en dehors du peloton, désormais on a deux hommes. C’est un sport dans le sport, une ligue dans la ligue, un univers à part dans la Formule 1. Ces deux hommes-là sont sur une autre une planète.

Avons-nous assisté à la course la plus folle de ces dernières années ?

Dès qu’il se met à y avoir des drapeaux rouges et des restarts, ça donne toujours des courses folles. A chaque restart, l’adrénaline monte d’un cran, les pneus sont dans de moins bonnes conditions, donc le premier freinage est toujours plein de surprises. Cette année, on a quand même eu la course spectaculaire en Hongrie avec la victoire d’Alpine et d’Esteban (Ocon). Le moment de grâce, comme dimanche, c’est quand le spectacle visuel, générateur d'émotions, s’aligne avec l’enjeu sportif du championnat. Je trouve ça assez extraordinaire.

"Est-ce que Verstappen est monté sur le frein ou alors était-ce le frein moteur ?"

Pensez-vous que la rivalité entre Hamilton et Verstappen ait dépassé les limites ?

Je ne suis pas choqué. C’est plutôt bon pour le sport d’avoir des rivalités extrêmes. On peut discuter du côté sportif, anti-sportif, est-ce que Verstappen est monté sur le frein ou alors était-ce le frein moteur ? Mais je pense que c’est toute la dramaturgie, l’intensité de ce sport qui sont mises en lumière. On a deux personnes avec des profils de sportifs, des psychologies et des moments de leur vie différents. Tous les deux ont la même soif de gagner, de triompher sur l’autre et d’avoir ce championnat qui est à leur portée. On vibre avec eux.

Comment analysez-vous l'accrochage entre les deux hommes au 38e tour ?

Pour avoir été sur un pitwall, il y a énormément d’informations à gérer en temps réel, il y a beaucoup d’échanges avec la FIA. Cela peut générer beaucoup de confusions. On ne sait pas très bien pourquoi Lewis (Hamilton) reste derrière. Effectivement, s’il n’a pas eu l’information, ce n’est pas complètement évident car ce n’est pas dans la nature de Max (Verstappen) de laisser passer ni de ralentir. Les choses se décident en une fraction de seconde. Il y a même eu de la confusion entre-eux quand Max (Verstappen) a laissé passer Lewis (Hamilton) une deuxième fois pour éviter une pénalité à laquelle il n’échapperait pas. Il y a une limite à la quantité d’informations que les pilotes sont capables de gérer dans ce genre de situations.

Qu’avez-vous pensé du rôle de la FIA et de sa proposition faite à Red Bull pour que Verstappen reparte derrière Hamilton au deuxième restart ?

C’est assez nouveau, c’est peut-être un peu hasardeux de commencer à donner des options.

"Toto (Wolff) est beaucoup plus latin, Christian (Horner) est beaucoup plus cinglant"

On a vu la colère du directeur de l'écurie Mercedes Toto Wolff après l’accrochage. Comment analysez-vous la nervosité de Toto Wolff et de Christian Horner ?

Je les connais bien, j’ai beaucoup de sympathie et de respect pour tous les deux. Ce sont deux grands patrons d’équipes. Ce sont des profils différents. Toto (Wolff) est beaucoup plus latin, Christian (Horner) est beaucoup plus cinglant avec des colères très, très froides, brutales. C’est beau de voir ces moments-là. C’est une bataille psychologique sur toute une année, auprès de la FIA ou des médias. J’aime bien voir Toto (Wolff) lâcher prise comme ça, c’est une très belle image.

Lewis Hamilton a-t-il pris l’ascendant ce week-end ?

Oui, parce qu’il y a quand même cette loi des séries avec trois victoires de suite. Au Grand Prix de Mexico, on donnait Lewis (Hamilton) à peu près perdant. C’était un Grand Prix crucial pour lui ce week-end, plus que le prochain potentiellement. Il se remet en position d’égalité alors qu’il était en position de challenger. S’il y avait un incident de course qui devait éliminer l’un des deux, Lewis (Hamilton) avait beaucoup plus à perdre que Max (Verstappen). Psychologiquement, le fait qu'il ait résisté à la pression de cette course lui donne un ascendant réel. Mais Max (Verstappen) ne sera pas vraiment ébranlé quand il va arriver à Abu Dhabi. La saison va se jouer sur une course et il sera redoutable.

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