Les trois glorieuses de Pescarolo
Depuis 1968 que Gérard Ducarouge a commencé à prendre en main léquipe, Matra se structure et se professionnalise. Ce fleuron de lindustrie française monte en puissance mais narrive pas encore à lutter contre les monstres que sont Ferrari et Porsche. Heureusement, la fin des Sports 5 Litres en 1972 remet Matra à égalité avec ses rivaux. Avec sa MS670, Matra va frapper très fort. Evincé par Jean-Luc Lagardère fin 70, Henri Pescarolo ne fait plus partie de la famille Matra. Au bord du précipice comme il le dit lui-même, Pesca na pas vraiment le choix. Sil veut relancer sa carrière et remporter Le Mans, un retour chez Matra est la meilleure option. Même si la perspective de rouler avec le « vieux » Graham Hill ne lenchante guère, il cède aux avances de Gérard Combac et accepte la proposition de Jean-Luc Lagardère. Henri naura pas à regretter de rouler avec les Bleus. Quant à Hill, ce sera une idylle tant lancien champion du monde de F1 venu chercher un unique quadruplé (Indianapolis F1 Monaco et Le Mans) se montrera rapide et agréable.
Le coq chante enfin
Les essais au Paul Ricard ont porté leurs fruits et le nouveau moteur se montre aussi rapide que fiable. La décision est toutefois prise de reconfigurer une 670 avec un ancien moteur. Elle sera pour Hill-Pescarolo En juin, la Sarthe se pare de bleu. Matra débarque au Mans avec une armée de 120 hommes et des ambitions aussi haute que possible. Même le chef de létat, Monsieur Georges Pompidou, est venu apporter sa pierre à lédifice en donnant le départ. Face à cette démonstration de force, Ferrari prend-t-il peur ? Toujours est-il quà une semaine du pesage, la Scuderia, assurée du titre mondial, décide de jeter léponge. Le duel au sommet est décapité. Face à trois Alfa et deux modestes Lola, Matra se retrouve dans lobligation de gagner. Sur les coups de 16 heures, trois fusées bleues sarrachent de la meute et fondent, telle la patrouille de France, vers la courbe Dunlop. La victoire sera une formalité sauf quaprès deux tours, Beltoise rentre au stand, moteur en flamme. Au bout de trois heures, celle la 670 de Jabouille de plonger dans les profondeurs du classement. Qui reste pour sauver lhonneur de Matra et du pays ? Pescarolo Hill face à Cevert - Ganley. Un duel fratricide qui fait se dresser les cheveux sur la tête de Lagardère. A juste titre car les pilotes restent sourds aux consignes de prudence. La décision se fera au petit matin pendant une averse qui enverra Ganley au tapis et Hill, bien plus malin dans ses choix de pneus, sur une voie royale. Le public, qui na pas oublié la bravoure de Pescarolo en 1968 et son grave accident en 1969, acclame son nouveau héros. Mais lhommage le plus important vient du patron : « La victoire dHenri nous fait particulièrement plaisir. Cest lui le héros de 68, cest lui qui a souffert lannée suivante après son accident, personne ne méritait cette victoire plus que lui ».
Ferrari revient
Débarrassé de toute pression après son succès de lannée précédente, Matra attend Ferrari de pied ferme. Oui, les Italiens ont cette fois décidé daffronter toute une équipe de France au Mans. Cocardier, Jean-Luc Lagardère a exploité son idée à fond en installant tous les talents français dans ses voitures. Henri Pescarolo est de la partie avec les Cevert, Depailler, Jabouille, Jaussaud, Wollek, etc. Le duel avec Ferrari tient toutes ses promesses au Mans mais le rythme effréné de la course nest pas sans causer de dégâts. Comme à Spa, les MS670B sont frappées dun mystérieux mal. Elles explosent un pneu au bout des Hunaudières. Seule une voiture, la moins performante, échappe à la poisse : celle de Pescarolo et Larrousse. La tension est palpable car le duo na pas le droit à lerreur face à deux 312 PB. Ce nest quà deux heures de larrivée, avec labandon de Ickx-Redman, que Matra respire enfin. Pescarolo est lui tout sourire avec ce 2e succès en deux ans.
Et de trois !
A lautomne 73, la tristesse a assombri les Matraciens. François Cevert est mort lors des essais du GP des Etats-Unis. Dans la foulée, programme F1 oblige, Lagardère annonce que 1974 sera la der de Matra au Mans. Cest un terrible coup de massue. Mais à Velizy, on veut partir la tête haute sur une 3e victoire aux 24 Heures. Aboutissement ultime des équipes de Caussin, la 670 B et son surpuissant V12 sont prêts à relever le défi manceau tandis quune 680 « laboratoire » tentera elle aussi laventure. Mais sans Ferrari et Alfa Romeo, la partie sannonce aisée. Mais les casses moteur auront raison des plus téméraires. Sauf pour Pescarolo et Larrousse installés en tête depuis le départ. Tout va bien jusquà la 19e heure de course. Pescarolo sarrête dans la ligne droite des Hunaudières car la cinquième vitesse a sauté. Doué en mécanique, Pesca enclenche la 3e et rentre au stand pour faire réparer toute la pignonnerie. « Jeannot » Guiard y parviendra en 46 minutes. Heureusement que la Matra avait creuser un écart très important avec la Porsche de Müller-Van Lennep car la N.7 ressortira des stands avec 306 davance ! La messe est dite car la Porsche nest pas au mieux elle aussi. Matra triomphe dans la difficulté mais triomphe quand même. « Matra est la meilleure équipe que jai jamais vue, ce sont mes meilleures années », raconte Henri Pescarolo dans le livre de François Hurel Matra au Mans (Editions du Palmier). Avec trois succès de rang, du sang bleu coule dans les veines du pilote au casque verts.
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