Cet article date de plus de treize ans.

Les trois glorieuses de Pescarolo

Depuis ses débuts au Mans, on ne peut pas dire que Matra grille les étapes. Mais à vouloir jouer sur tous les tableaux en F1, en endurance et ailleurs, les troupes de Jean-Luc Lagardère ont oublié de se concentrer sur l’essentiel : la victoire sur le billard sarthois. L’heure est venue de passer à l’attaque. Avec Henri Pescarolo.
Article rédigé par Xavier Richard
France Télévisions
Publié
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Henri Pescarolo et Gérard Larrousse s'imposent sur Matra en 1973

Depuis 1968 que Gérard Ducarouge a commencé à prendre en main l’équipe, Matra se structure et se professionnalise. Ce fleuron de l’industrie française monte en puissance mais n’arrive pas encore à lutter contre les monstres que sont Ferrari et Porsche. Heureusement, la fin des Sports 5 Litres en 1972 remet Matra à égalité avec ses rivaux. Avec sa MS670, Matra va frapper très fort. Evincé par Jean-Luc Lagardère fin 70, Henri Pescarolo ne fait plus partie de la famille Matra. Au bord du précipice comme il le dit lui-même, Pesca n’a pas vraiment le choix. S’il veut relancer sa carrière et remporter Le Mans, un retour chez Matra est la meilleure option. Même si la perspective de rouler avec le « vieux » Graham Hill ne l’enchante guère, il cède aux avances de Gérard Combac et accepte la proposition de Jean-Luc Lagardère. Henri n’aura pas à regretter de rouler avec les Bleus. Quant à Hill, ce sera une idylle tant l’ancien champion du monde de F1 venu chercher un unique quadruplé (Indianapolis – F1 – Monaco et Le Mans) se montrera rapide et agréable.

Le coq chante enfin

Les essais au Paul Ricard ont porté leurs fruits et le nouveau moteur se montre aussi rapide que fiable. La décision est toutefois prise de reconfigurer une 670 avec un ancien moteur. Elle sera pour Hill-Pescarolo… En juin, la Sarthe se pare de bleu. Matra débarque au Mans avec une armée de 120 hommes et des ambitions aussi haute que possible. Même le chef de l’état, Monsieur Georges Pompidou, est venu apporter sa pierre à l’édifice en donnant le départ. Face à cette démonstration de force, Ferrari prend-t-il peur ? Toujours est-il qu’à une semaine du pesage, la Scuderia, assurée du titre mondial, décide de jeter l’éponge. Le duel au sommet est décapité. Face à trois Alfa et deux modestes Lola, Matra se retrouve dans l’obligation de gagner. Sur les coups de 16 heures, trois fusées bleues s’arrachent de la meute et fondent, telle la patrouille de France, vers la courbe Dunlop. La victoire sera une formalité …sauf qu’après deux tours, Beltoise rentre au stand, moteur en flamme. Au bout de trois heures, celle la 670 de Jabouille de plonger dans les profondeurs du classement. Qui reste pour sauver l’honneur de Matra et du pays ? Pescarolo – Hill face à Cevert - Ganley. Un duel fratricide qui fait se dresser les cheveux sur la tête de Lagardère. A juste titre car les pilotes restent sourds aux consignes de prudence. La décision se fera au petit matin pendant une averse qui enverra Ganley au tapis et Hill, bien plus malin dans ses choix de pneus, sur une voie royale. Le public, qui n’a pas oublié la bravoure de Pescarolo en 1968 et son grave accident en 1969, acclame son nouveau héros. Mais l’hommage le plus important vient du patron : « La victoire d’Henri nous fait particulièrement plaisir. C’est lui le héros de 68, c’est lui qui a souffert l’année suivante après son accident, personne ne méritait cette victoire plus que lui ».

Ferrari revient

Débarrassé de toute pression après son succès de l’année précédente, Matra attend Ferrari de pied ferme. Oui, les Italiens ont cette fois décidé d’affronter toute une équipe de France au Mans. Cocardier, Jean-Luc Lagardère a exploité son idée à fond en installant tous les talents français dans ses voitures. Henri Pescarolo est de la partie avec les Cevert, Depailler, Jabouille, Jaussaud, Wollek, etc. Le duel avec Ferrari tient toutes ses promesses au Mans mais le rythme effréné de la course n’est pas sans causer de dégâts. Comme à Spa, les MS670B sont frappées d’un mystérieux mal. Elles explosent un pneu au bout des Hunaudières. Seule une voiture, la moins performante, échappe à la poisse : celle de Pescarolo et Larrousse. La tension est palpable car le duo n’a pas le droit à l’erreur face à deux 312 PB. Ce n’est qu’à deux heures de l’arrivée, avec l’abandon de Ickx-Redman, que Matra respire enfin. Pescarolo est lui tout sourire avec ce 2e succès en deux ans.

Et de trois !

A l’automne 73, la tristesse a assombri les Matraciens. François Cevert est mort lors des essais du GP des Etats-Unis. Dans la foulée, programme F1 oblige, Lagardère annonce que 1974 sera la der de Matra au Mans. C’est un terrible coup de massue. Mais à Velizy, on veut partir la tête haute sur une 3e victoire aux 24 Heures. Aboutissement ultime des équipes de Caussin, la 670 B et son surpuissant V12 sont prêts à relever le défi manceau tandis qu’une 680 « laboratoire » tentera elle aussi l’aventure. Mais sans Ferrari et Alfa Romeo, la partie s’annonce aisée. Mais les casses moteur auront raison des plus téméraires. Sauf pour Pescarolo et Larrousse installés en tête depuis le départ. Tout va bien jusqu’à la 19e heure de course. Pescarolo s’arrête dans la ligne droite des Hunaudières car la cinquième vitesse a sauté. Doué en mécanique, Pesca enclenche la 3e et rentre au stand pour faire réparer toute la pignonnerie. « Jeannot » Guiard y parviendra en 46 minutes. Heureusement que la Matra avait creuser un écart très important avec la Porsche de Müller-Van Lennep car la N.7 ressortira des stands avec 3’06’’ d’avance ! La messe est dite car la Porsche n’est pas au mieux elle aussi. Matra triomphe dans la difficulté mais triomphe quand même. « Matra est la meilleure équipe que j’ai jamais vue, ce sont mes meilleures années », raconte Henri Pescarolo dans le livre de François Hurel Matra au Mans (Editions du Palmier). Avec trois succès de rang, du sang bleu coule dans les veines du pilote au casque verts.

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