F1 : comment est-on passé d'une des saisons les plus folles de l'histoire à une année sans suspense ?
La saison 2022 de Formule 1 a déjà rendu son verdict avec le titre de Max Verstappen à quatre Grands Prix de l'arrivée, quelques mois aprÚs un cru 2021 d'exception au dénouement épique.
MĂȘme casting, mĂȘmes lieux (ou presque) et pourtant, c'est comme si tout avait changĂ© en quelques mois pour la Formule 1. Si la saison 2021 devait ĂȘtre adaptĂ©e au cinĂ©ma, elle serait un blockbuster hollywoodien, un thriller haletant jusqu'Ă sa derniĂšre scĂšne, menĂ© par deux rivaux au sommet de leur art. 2022, elle, serait un long-mĂ©trage sans grande saveur, au scĂ©nario convenu. Tout n'est pas Ă jeter, mais cette annĂ©e autour des circuits aura Ă©tĂ© bien moins savoureuse que la prĂ©cĂ©dente, l'une des plus exceptionnelles que la discipline ait connue. Mais comment a-t-on pu passer d'un extrĂȘme Ă l'autre en si peu de temps, alors que la conclusion est la mĂȘme ? Voici quelques pistes.
Ferrari a sabordé le duel pour le titre
Il y avait pourtant les ingrĂ©dients pour offrir de nouveaux duels mĂ©morables. Les deux premiers Grands Prix de la saison avaient laissĂ© entrevoir un mano a mano de haute volĂ©e entre le tenant du titre Max Verstappen et Charles Leclerc. Les problĂšmes de fiabilitĂ© de Red Bull lors des premiĂšres courses ont permis un temps Ă Ferrari de revenir au sommet. Mais l'Ă©curie transalpine a enchaĂźnĂ© â bien qu'elle s'en dĂ©fende â les erreurs qui ont privĂ© son pilote monĂ©gasque et tous les fans de Formule 1 d'un vĂ©ritable suspense.
Erreur de stratĂ©gie Ă Monaco, de choix de pneus en Hongrie, bĂ©vue coupable lors de passages aux stands aux Pays-Bas⊠La Scuderia a collectionnĂ© les mauvais points, empĂȘchant Leclerc d'en engranger au championnat. Exceptionnel cette saison, Max Verstappen n'en attendait pas tant pour s'envoler au classement et ne plus jamais ĂȘtre repris.
Verstappen-Leclerc, rivalité sans électricité
Si l'opus 2021 a autant passionnĂ© bien au-delĂ de la sphĂšre purement sportive, c'est aussi parce qu'il racontait l'histoire de deux antagonistes quasi parfaits, prĂȘts Ă tout pour terminer devant l'autre. Entre Max Verstappen et Lewis Hamilton, autant qu'entre Red Bull et Mercedes, la lutte a Ă©tĂ© fĂ©roce, presqu'au-delĂ parfois du raisonnable. Ce piquant mĂȘme, avait rendu la saison tendue Ă l'extrĂȘme, jusqu'Ă ce dernier Grand Prix Ă©touffant Ă Abu Dhabi. La relation entre Verstappen et Charles Leclerc cette saison fut tout autre.
Entre le NĂ©erlandais, intrĂ©pide en piste mais de plus en plus calme dans ces propos, et le MonĂ©gasque, compĂ©titeur oui, mais propre sous tous rapports, le ton n'est jamais montĂ©. Les batailles sur la piste, qui ont surtout eu lieu en tout dĂ©but de saison, ont toujours Ă©tĂ© correctes. Sans le sel de la saison passĂ©e, la bataille des leaders n'a pas connu la mĂȘme saveur. Le champion du monde en titre n'a pas eu besoin d'en rajouter pour prendre le dessus. Et son challenger s'est vite rĂ©signĂ©.
La hiérarchie s'est resserrée par le bas
La Formule 1 de la décennie 2020 se dessine pour le moment comme celle des années 2010, avec deux écuries de pointe pour la gagne, et le reste du plateau qui fait au mieux pour gagner sa propre lutte. Cette fois, Ferrari a repris des couleurs, et a suppléé Mercedes. Mais le constat d'un recul de performances du "reste" du paddock est manifeste. Mercedes a eu sa propre interprétation, radicale, du rÚglement technique, mais s'est fourvoyé. Son pari aérodynamique d'une voiture presque dénuée de flancs n'a pas été payant et l'écurie de Lewis Hamilton a longtemps tùtonné avant de trouver de la performance.
DerriĂšre ce Top 3, Alpine et McLaren, qui avaient chacune remportĂ© une course la saison passĂ©e, ont vu l'Ă©cart se creuser un peu plus par rapport aux Ă©curies de tĂȘte. AlphaTauri et Pierre Gasly, rĂ©guliĂšrement parmi les six premiers en 2021, ont connu un net recul. VoilĂ comment seules deux Ă©curies ont triomphĂ© en 2022, et seules quatre (Mercedes et une troisiĂšme place pour McLaren avec Lando Norris) sont grimpĂ©es sur le podium. "Malheureusement, la Formule 1 reste trĂšs prĂ©visible, dĂ©clarait Fernando Alonso au mĂ©dia nĂ©erlandais NOS. Elle est dominĂ©e par Red Bull et Ferrari. Seuls Max Verstappen, Charles Leclerc, Carlos Sainz et Sergio PĂ©rez peuvent gagner. Je ne connais aucun autre sport oĂč ça se passe ainsi."Â
La nouvelle réglementation technique ne tient pas ses promesses
La direction de la F1 Ă©tait formelle, le spectacle ne serait que plus grand en 2022 grĂące aux modifications rĂ©glementaires sur l'aĂ©rodynamisme des monoplaces. Plus de possibilitĂ© de rester dans les roues, moins d'usure des pneus et donc plus de batailles : cette nouvelle esthĂ©tique ne pouvait qu'ĂȘtre bĂ©nĂ©fique. Les rĂ©sultats tardent Ă se concrĂ©tiser. Certes, les dĂ©passements sont plus nombreux, +16,7% sur les circuits prĂ©sents au calendrier en 2021 et en 2022. Mais ils sont surtout permis par l'appui gĂ©nĂ©rĂ© par le DRS, cet appendice de l'aileron arriĂšre qui se dĂ©plie quand un pilote se situe Ă moins d'une seconde de celui qui le devance.
2021 vs 2022 Season overtakes by circuit.
â Tracing Insights - F1 Analytics (@TracingInsights) October 4, 2022
The 2022 #SingaporeGP had 16 overtakes, 11 were shown in the live broadcast.
In 2017, the only other wet race at this circuit also had 16 overtakes.#F1 #TracingInsights pic.twitter.com/Psckj1IL3U
"Ces nouvelles monoplaces sont moins imprévisibles lorsque vous en suivez une autre, expliquait Carlos Sainz aprÚs le Grand Prix d'Arabie Saoudite. Elles permettent de rester plus proche dans les virages. Mais sans les trois ou quatre dixiÚmes de seconde que le DRS nous offre dans chaque ligne droite, il serait impossible de dépasser parce que l'effet d'aspiration est moins important que l'an dernier."
"Cette annĂ©e, le gros effort Ă©tait de faire en sorte que les voitures puissent se dĂ©passer et se suivre de beaucoup plus prĂšs. Mais je ne pense pas qu'il y ait une grande diffĂ©rence avec 2021, estimait quant Ă lui Sebastian Vettel Ă Motorsport.com le 30 septembre dernier. On se suit de plus prĂšs mais il y a moins de traĂźnĂ©e, donc il faut ĂȘtre plus prĂšs pour doubler aussi." Pour le show, comme pour le suspense, il faudra attendre encore un peu.Â
Une officialisation de titre confuse et proche du ridicule
La saison 2022 a mĂȘme ratĂ© son grand moment, son feu d'artifice final. A l'arrivĂ©e d'un Grand Prix du Japon surrĂ©aliste, Max Verstappen pensait, comme une bonne partie du paddock, que la course au titre serait encore une fois repoussĂ©e. AprĂšs une fin de course confuse, un drapeau Ă damier agitĂ© un peu trop tĂŽt, et des doutes sur le barĂšme des points, le NĂ©erlandais Ă©tait prĂȘt Ă repartir Ă l'entraĂźnement pour plier les dĂ©bats au Texas. Mais la pĂ©nalitĂ© tardive de Charles Leclerc et l'annonce que tous les points seraient attribuĂ©s l'a finalement propulsĂ© sur le toit du monde.
L'annonce de titre de champion du monde la plus bizarre de l'histoire#JapaneseGP pic.twitter.com/9RRAk7MDeN
â CANAL+ F1Âź (@CanalplusF1) October 9, 2022
Le pilote Red Bull l'a lui-mĂȘme appris au micro des interviews d'aprĂšs-course, au pied du podium, dans un moment de flottement, alors qu'il venait de donner son impression sur la course. EtonnĂ©, Verstappen Ă plusieurs fois demandĂ© confirmation Ă son entourage avant de finalement grimper sur la boĂźte. Un grand moment gĂąchĂ©, dans les derniers week-ends d'une saison dĂ©cevante conclue dans la confusion.
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