Formule 1 : "C'est une saison piège pour Lewis Hamilton", estime notre consultant Cyril Abiteboul, ancien patron de l'écurie Renault
L'ancien patron de l'écurie Renault, Cyril Abiteboul évoque l'état d'esprit du pilote britannique, et décrypte les nouveautés de cette saison 2022 de Formule 1, qui débute à Bahreïn vendredi.
L'heure des cinq feux rouges et des drapeaux à damier est de retour. La Formule 1 reprend ses droits avec le Grand Prix de Bahreïn, dimanche 20 mars. L'excitation et les attentes avaient rarement été aussi hautes pour une reprise, du fait des nombreux changements dans la discipline. A quelques jours du premier départ de la saison 2022, notre consultant Cyril Abiteboul livre son sentiment sur le nouveau règlement technique de la F1, ses favoris et son regard sur Lewis Hamilton. Retrouvez son analyse tout au long de la saison sur franceinfo: sport.
Franceinfo: sport : Cette saison est marquée par la mise en place du nouveau règlement technique en Formule 1. Est-ce bien la révolution que certains imaginaient ?
Cyril Abiteboul : Il y a un seul objectif : rendre la Formule 1 plus spectaculaire en rendant la grille plus compétitive. On veut des courses plus imprévisibles. L'idée consiste à "industrialiser" cette imprédictibilité, ce chaos, non par des faits extérieurs, la météo ou des accrochages, mais par un règlement conçu pour la surprise. La F1 a été très forte, très rigoureuse dans ce qu'elle a élaboré pour rendre le sport plus spectaculaire sans trahir son ADN. On va voir des choses surprenantes cette année, j'ai hâte de voir la qualification samedi et la course dimanche pour avoir une vision claire sur ce qui peut se passer.
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Il y a le changement de règlement aérodynamique, mais c'est aussi un changement plus large : le carburant E10 avec 10% de biocarburant, les pneumatiques, mais aussi le plafonnement des dépenses, qui va limiter les capacités des équipes pour développer, rattraper leur retard ou travailler sur la voiture de l'année prochaine. Cela va aussi changer la physionomie de la Formule 1.
Comment expliquez-vous de telles différences d'interprétation du règlement entre les écuries sur l'aérodynamisme des voitures ?
Une des grandes raisons expliquant que les voitures finissaient par se ressembler toutes, c'est qu'elles étaient visibles de tous. Cela n'a pas été le cas avec ce règlement, avant qu'elles ne soient révélées cet hiver. C'est la première fois que la Formule 1 travaille aussi longtemps sur un nouveau règlement "à livre fermé". On l'oublie parfois, on croit que la F1, c'est du temps réel alors que le produit d'aujourd'hui est le résultat de discussions qui datent de 2019, 2020. Avec Renault, nous avions commencé à avoir des préconcepts totalement confidentiels dès 2019. Pendant deux-trois ans, vous prenez une direction, et chaque équipe a fait ainsi.
Il y a eu aussi pas mal de postures politiques et médiatiques de la part de directeurs techniques, qui "pleuraient" et alertaient sur des voitures qui seraient toutes identiques. Comme ce sont les sachants, ils ont réussi à obtenir de la direction de la F1 plusieurs réouvertures du règlement qui ont conduit à davantage de libertés.
@MercedesAMGF1 vs @ScuderiaFerrari #F1 pic.twitter.com/sZ7Ri9Cj2u
— Formula 1 (@F1) March 15, 2022
A qui ces nouveautés vont profiter le plus selon vous ?
C'est difficile à prédire, comme tous les hivers. Il semble se dégager pour l'instant trois groupes. Ferrari et Red Bull ont été impressionnants en matière d'exécution des essais et de chronos. Ferrari a été à l'aise qui plus est à Barcelone lors des pré-essais, et à Bahreïn, qui sont des circuits aux caractéristiques très différentes. C'est aussi une bonne nouvelle pour les écuries partenaires de Ferrari, Alfa Romeo et Haas. Red Bull, contrairement à Ferrari, a beaucoup évolué au fil de l'hiver et l'a fait à la Red Bull : à la dernière minute pour masquer son jeu, impressionner et se rassurer.
Le groupe Mercedes semble, lui, avoir du mal. Si on compare les chronos par rapport à la saison dernière et les tests de cette année, les quatre écuries qui ont le plus d'évolution négative sont celles motorisées par Mercedes, avec Williams, Aston Martin et McLaren. Il faudra voir avec le temps si le moteur Mercedes a du mal à digérer le passage au carburant E10. C'est une possibilité. Alpine, Aston Martin et McLaren forment le groupe le plus difficile à lire avec des moments de gloire et d'autres beaucoup plus compliqués, notamment pour ce qui est de la fiabilité, durant ces essais.
Introducing the 2022 teams...
— Formula 1 (@F1) March 13, 2022
In order of who was fastest at #F1Testing ⏱️#F1 pic.twitter.com/9DQ6DIYglm
Mercedes légèrement en retrait, que faut-il attendre de Lewis Hamilton, champion déchu et qui est resté très discret depuis la fin de la saison 2021 ?
C'est une saison piège pour Lewis. C'est quelqu'un d'assez mystique. Il n'est plus là pour des raisons économiques ou de construction de sa notoriété, de son image. Il a besoin psychologiquement d'avoir une conviction très forte.
"On voit ses prises de position autour du mouvement Black Lives Matter. Quand il a des convictions, il les transforme en engagement très fort. Sa blessure de la fin de saison 2021 peut lui donner envie de démontrer quelque chose."
Cyril Abiteboul, ancien patron de l'écurie Renaultà franceinfo: sports
Son nouveau coéquipier, George Russell, n'est pas dans la même dynamique que ne l'était Valtteri Bottas. Un nouveau coéquipier, c'est un changement majeur pour tout pilote et toute équipe, mais en particulier pour Mercedes, qui fonctionnait autour de Hamilton, avec Bottas comme numéro deux et une hiérarchie extrêmement claire. Ce n'est pas le projet de carrière de Russell, et il a d'autres capacités que Bottas.
Mais il ne faut pas oublier sa fin de saison dernière, quand on donnait Max Verstappen champion à quatre-cinq courses de la fin. On a vu ce qu'il a fallu pour que Verstappen en sorte gagnant. On va voir si le changement d'environnement va lui permettre d'avoir la même résilience. Ce sera un des enjeux passionnants à suivre cette saison.
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