Au circuit de la Ferté-Gaucher, les pilotes ont retrouvé la piste
Pour les amateurs de sports mécaniques, ce dimanche 24 mai devait être l’un des temps forts de l’année : le grand prix de Formule 1 de Monaco. C’était sans compter sur la pandémie de Covid-19 qui a bousculé le calendrier sportif. Finalement, pour les pilotes amateurs d’Île-de-France, ce dimanche a tout de même été un grand rendez-vous : celui de la réouverture du plus grand circuit de la région à la Ferté-Gaucher, pour la première journée de roulage du printemps. En tout, quarante véhicules ont pu rouler leur mécanique sur la piste du sud de la Seine-et-Marne, ce qui suffit à leur bonheur.
Entre parachutistes, champs et collines
Pour rejoindre cette partie de bitume francilien, il faut s’éloigner de Paris, et prendre la direction de la partie la plus pauvre de la Seine-et-Marne : son sud, agricole et rural, bien loin des cités pavillonnaires de la périphérie parisienne ou de la tentaculaire Marne-la-Vallée. Là, au milieu des champs et des collines, se trouve le circuit de la Ferté-Gaucher, du nom de la bourgade de 4 860 âmes en contrebas. Situé sur une ancienne base de parachutistes, il s’agit du plus grand circuit de la région avec une piste de 3,6 kilomètres. “La base était abandonnée. Il y a eu un projet de développement des lieux avec un circuit et un aérodrome. La piste a été tracée en 2008”, raconte Didier Lehembre en se dirigeant vers le paddock.
Veste à l’effigie des lieux sur le dos, le gestionnaire général du circuit a le sourire : pour la première fois depuis de longues semaines, il accueille aujourd’hui des pilotes amateurs pour une journée de roulage. “On attendait cela avec impatience. On a 40 véhicules aujourd’hui, et jusqu’à 24 en simultané sur la piste”, précise Didier. Son gérant, Pascal Desplanques, ajoute : “Normalement on monte jusqu’à 75 voitures, mais aujourd’hui, on a limité à 40 voitures maximum, pour le confort de chacun, et pour respecter la nouvelle organisation”. Et les places ont vite trouvé preneur, puisque les inscriptions étaient closes depuis 3 jours.
Paddock et gestes barrières
Cette nouvelle organisation, c’est celle imposée par le contexte sanitaire. De nouvelles contraintes, mais pas de quoi freiner les motivations des équipe du circuit, qui travaillent sur cette réouverture depuis le 10 mai, Pascal Desplanques en tête : “Il a fallu prendre connaissance des mesures sanitaires générales, et de celles communiquées par les fédérations. On a fait un mix de tout cela pour créer un règlement intérieur adapté pour les journées de roulage sans contact. Pour résumer : un pilote entre sur le circuit, il y passe la journée, et ne croise personne. On limite tous les contacts”.
Concrètement : le bâtiment principal de restauration est fermé, les réservations, paiements et signature de documents ont été faits en ligne et l’accès aux toilettes est aussi réglementé. “Le pilote entre, va se positionner à son numéro sur le paddock, et ne le quitte que pour rouler. Tous les emplacements sont distants de 6 mètres, et font 30m2 chacun”, ajoute Didier Lehembre. Pour les prochaines journées de roulage, le circuit proposera des plats à emporter servis par un traiteur pour pallier la fermeture actuelle de la salle de restauration. “Mais pour aujourd’hui, on n’a pas eu le temps”, glisse Pascal Desplanques.
Porsche, Renault GT et Peugeot 206
Qu’importe, sous un beau soleil estival, la journée est déjà réussie. Des bolides de toutes sortes enchaînent les tours, avec un avantage numérique pour les Porsche et Renault GT. “Les pilotes font des sessions de 15 minutes environ. Ils ne roulent pas plus parce qu’après la voiture se dégrade beaucoup plus vite. Une voiture sort, une autre entre sur le circuit, sous la surveillance de nos équipes”, explique Didier Lehembre, en se dirigeant justement vers les stands. Sur le paddock, Alexandre et son fils Erwan font justement refroidir leur Peugeot 206 : “On roule 15 min chacun, en alternant, puis on laisse la voiture se reposer. Au delà, ça ne sert à rien, on est moins attentif et moins efficace”, témoigne le père de famille venu de Bussy-Saint-Georges. “On est parti de la maison à 7h15, on va rouler toute la journée. L’ambiance est super sympa, on échange avec les autres pilotes en respectant les distances. Les équipes ont fait du très bon travail”, ajoute-t-il.
"Là, j’avais hâte de tester ma nouvelle voiture. Je l’ai reçue juste avant le confinement, c’est la première fois que je la pousse vraiment"
Nouveaux venus dans le milieu de la piste, Alexandre et son fils participent là à leur première journée de roulage. Autour d’eux, des pilotes plus expérimentés vivent ce retour comme une libération, à l’image d’Eric, 58 ans : “Je tourne sur les circuits à 250km de Paris depuis 8 ans. Là, j’avais hâte de tester ma nouvelle voiture. Je l’ai reçue juste avant le confinement, c’est la première fois que je la pousse vraiment”, sourit-il. Loin d’avoir perdu ses automatismes, Eric savoure avant de reprendre le volant pour rentrer chez lui : “D’habitude, je reste toute la journée, mais aujourd’hui je n’avais que la matinée de libre. C’était déjà bien, j’ai vite retrouvé mes marques et les trajectoires”.
A quelques mètres, trois amis profitent de leur pique-nique pendant la pause déjeuner obligée, entre 12h30 et 14h. Parmi eux, Nicolas, 39 ans : “Je suis chauffeur routier, donc j’ai conduit pendant le confinement, mais pas comme cela. J’avais prévu une journée de roulage en mars, je rattrape le temps perdu (rires)”. Assis en face de lui, Cédric approuve : “L’organisation est très bonne, on passe une bonne journée. Je roule 8 à 12 journées par an, mais ma dernière datait de septembre. Dès le troisième tour, les automatismes étaient revenus”, assure ce professionnel de l’automobile.
Une activité bridée
Après la pause déjeuner, les pilotes repartent. D’autres arrivent : “La journée est coupée en deux, avec un briefing le matin, et un autre l’après-midi. Les coureurs doivent y participer pour rouler sur le circuit. Mais sinon, seul le permis classique suffit”, éclaire Didier Lehembert. Pour assurer le bon déroulement de la journée, six personnes sont mobilisées : “On a deux moniteurs et des responsables sécurité piste prêts à intervenir. Des feux de signalisation sur le virage nous permettent de signaler des dangers à distance”, explique Didier, qui veille à ce que le volume sonore ne dépasse pas les 95 décibels réglementaires.
Après deux mois de chômage technique, les équipes du circuit de la Ferté-Gaucher savourent ce retour du doux bruit des moteurs sur leur piste. “En temps normal, on tourne 300 jours par an, minimum. Cette année sera forcément compliqué. D’autant que là on n’ouvre que le week-end pour des journées de roulage”, regrette le gestionnaire général. D’ordinaire, le circuit accueille en effet des stages loisirs ou des entreprises en semaine, mais avec le contexte sanitaire, impossible de prêter du matériel aux usagers, que ce soit des gants ou des casques. “Beaucoup de séminaires ont été annulés. On a réussi à en reporter quelques uns, mais ça va être dur”, prévient Pascal Desplanques. Alors, en attendant, le circuit de la Ferté-Gaucher se contente de journées de roulage moto et auto chaque week-end, pour prendre un nouveau départ après un arrêt aux stands forcé.
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