Mondiaux d'athlétisme 2022 : "Ça me fait acquérir de l'expérience à vitesse grand V", s'enthousiasme la perchiste Margot Chevrier
Qualifiée pour les Mondiaux d'Eugene, qui démarrent vendredi, la leader française en saut à la perche entend faire de l'événement une rampe de lancement pour Paris 2024.
Margot Chevrier devra patienter pour étaler sa serviette de plage sur les galets de la baie des Anges. La perchiste de 22 ans s'est qualifiée pour les Mondiaux d'Eugene (Oregon), qui débutent vendredi 15 juillet, et les championnats d'Europe à Munich (15-21 août).
Quand elle nous appelle pour l'interview, la championne de France, qui récupère tout juste du Covid-19, se rend à l'entraînement, programme une date d'examen pour ses partiels de médecine, et prépare une levée de fonds pour financer le voyage de son entraîneur aux Etats-Unis. La Niçoise vit ainsi son été à toute allure, à l'image de sa progression.
Franceinfo: sport : Vous réalisez 4,70 m en juin, synonyme de record personnel et de minima pour les Mondiaux d'Eugene. Est-ce que c'était une surprise pour vous ?
Margot Chevrier : Non, car avec les progrès techniques accomplis, on savait que ça pouvait sortir n'importe quand dans la saison. Forcément, n'ayant encore jamais réalisé 4,70 m auparavant, je ne pouvais pas partir sur une préparation calée sur les Mondiaux. Cela aurait été trop risqué. Donc je m'étais préparée pour les championnats de France. Avec ces 4,70 m, je suis maintenant plus attendue, j'ai un super bilan au niveau européen et mondial, et je n'arrive plus comme une outsider.
Participer aux championnats du monde d'Eugene est une étape importante à deux ans des Jeux de Paris...
Oui, je l'ai vu cet hiver, sur un grand championnat, on a beau arriver avec plein de convictions, on peut être déstabilisés. Pas forcément par la concurrence mais parce que l'organisation est différente : tout est plus grand, tout est plus long. Ça n'a rien à voir avec les autres compétitions ou même les gros meetings en France. La différence, aussi, c'est qu'il y a des qualifications avant la finale, comme aux Jeux olympiques. C'est peut être la partie la plus difficile du championnat en matière de pression et de gestion. Car 48 heures plus tard il faut aussi être en forme pour la finale.
Dans ces concours, je suis la petite dernière. J'ai 22 ans et je suis face à des filles au palmarès à rallonge. J'ai beau être la meilleure une bonne partie de la saison, je suis tout à coup potentiellement la dernière. Il faut trouver le truc mental pour se dire : "Je peux aussi être la meilleure aujourd'hui si je mets tout en place."
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Le calendrier est chargé cet été avec les championnats de France, puis les Mondiaux et enfin les championnats d'Europe. Avez-vous dû ajuster votre préparation ?
C'était une année super dense pour moi parce que les championnats du monde en salle [en mars] et en extérieur, ce n'était pas prévu. On partait plutôt sur les Europe en extérieur. Finalement, la progression a fait que je vais faire les trois championnats. Ça me fait acquérir de l'expérience à vitesse grand V ! Puis c'est un bon timing d'avoir les Mondiaux avant les Europe. Ça dédramatise beaucoup de choses pour finir la saison en beauté à Munich, même si le niveau européen est proche du niveau mondial.
Pour l'organisation des entraînements, c'est beaucoup de feeling, de l'expérience et de l'expertise de mon entraîneur. Ça fait sept ans qu'il m'entraîne et il sait comment je vais réagir. C'est lui qui fait sa sauce, il met tous les ingrédients, et puis après on prépare la salade à deux.
Comment fait-on pour atteindre trois fois un pic de forme lors d'un même été ?
La perche, contrairement au 100 mètres ou au demi-fond, est une discipline où on n'a pas vraiment besoin d'être en pic de forme pour faire une performance. Surtout chez les jeunes où on est encore en train de comprendre plein de choses techniques.
C'est un peu ce qu'il s'est passé à Salon-de-Provence quand j'ai fait 4,70 m. Je ne me sentais pas forcément au top physiquement mais techniquement tout était en place. J'ai pu jouer sur l'élan, le matériel, la technique de saut. Parfois, c'est presque sur une méforme que l'on va réussir à sortir une grosse performance.
Vous avez contracté le Covid-19 juste avant les championnats de France, fin juin. En sentez-vous encore les effets physiquement ?
Je me suis pris un sacré coup de bambou, surtout la dernière semaine avant les championnats de France. Avec 40 de fièvre, c'était déjà dur de sortir de mon lit ou de mon canapé, alors aller au stade, c'était vraiment compliqué. Musculairement parlant ça m'a mise K.-O. Or c'est tombé au moment où, normalement, on "fait du jus" avant une compétition. Donc on a adapté l'entraînement en faisant des petites séances.
Aux championnats de France, j'ai fait trois sauts à l'échauffement et après mon autonomie était terminée. L'objectif était de gagner et il est rempli. Mais avec une forme normale, j'aurais pu bien me préparer pour les Mondiaux. Là, c'était plus délicat, j'ai sauté à 100% sur du mental. Maintenant, ça y est, je n'ai plus du tout de symptômes et je vais reprendre un entraînement intensif aux Etats-Unis.
Vous menez des études de médecine en parallèle de cette saison très dense. Comment faites-vous pour combiner vos deux vies ?
Pour les cours de médecine, j'ai des aménagements. Je fais un seul semestre par an. Ça reste sportif mais ça se fait. J'ai de la chance, ma fac est très ouverte. J'ai grandi à Nice, je suis licenciée à Nice, je vais à la fac de Nice. Pour eux, je suis un peu le produit du terroir, donc ils ont envie de m'accompagner. Des fois, ça demande une petite gymnastique.
En juin, sur la même semaine, j'ai eu mes partiels, j'ai vu venir gros comme une maison le rattrapage sur une matière, et j'ai fait 4m70, les minima pour les Mondiaux. Conséquence : j'ai un rattrapage trois jours après mon arrivée aux Etats-Unis. Je ne vais clairement pas pouvoir être en amphi à Nice ni être connectée à distance à 2 heures du matin. Donc on s'est arrangés.
C'est sûr que le rythme reste intense. Ces deux dernières années, avec le Covid-19, on a fait une seule et grande saison où les championnats s'enchaînent. Cet été encore, au lieu de partir en vacances après les Mondiaux, on aura une semaine de repos relatif le temps d'encaisser le décalage horaire, et puis on reprendra l'entraînement pour les championnats d'Europe. Pour ce qui est des vacances, ça attendra septembre. Au moins, il n'y aura pas de touristes.
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