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Mondiaux d'athlétisme : pays hôte des championnats, la Hongrie veut s'ancrer comme place forte du sport mondial

Alors que le pays a déjà accueilli entre autres l'Euro de football et les Mondiaux de natation, l'accueil des championnats du monde d'athlétisme est la suite logique d'une politique mise en place il y a plus de six ans. A terme, la Hongrie rêve des Jeux olympiques à domicile.
Article rédigé par Apolline Merle, franceinfo: sport - Envoyée spéciale à Budapest
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 6min
Le président de World Athetics, Sebastian Coe, et la présidente hongroise Katalin Novak, lors de la cérémonie d'ouverture des championnats du monde d'athlétisme à Budapest, au stade national, le 19 août 2023. (ZHENG HUANSONG / AFP)

Construit sur la rive est du Danube, dans le sud de la ville, sur une ancienne friche industrielle, le nouveau stade national d'athlétisme de Budapest se repère de loin et offre un panorama majestueux sur le fleuve qui traverse la ville. Pour le premier ministre hongrois, Viktor Orban, l'accueil des championnats du monde d'athlétisme est la suite logique d'une politique d'accueil d'événements sportifs internationaux menée depuis plus de six ans. Après avoir accueilli l'Euro de football en 2021, les championnats du monde de natation en 2022, les trois premières étapes du Giro la même année, ou encore récemment la finale de la Ligue Europa le 31 mai dernier au stade Ferenc-Puskás, Budapest ne passe ainsi plus une année sans accueillir un grand événement sportif international.

"La politique mise en place par Orban a davantage une visée d'image internationale qu'à des fins domestiques, analyse Jean-Baptiste Guégan, enseignant en géopolitique du sport. Comme le président russe Vladimir Poutine, il sait que l'accueil d'événements sportifs permet de dynamiser et d'ouvrir un pays, de se positionner en tant qu'Etat européen certes, mais aussi d'affirmer son influence régionale, et de porter certaines revendications vis-à-vis de sa propre population, mais aussi vis-à-vis du reste du monde." Par le sport, il veut aussi "réactiver l'idée d'une grande Hongrie, qui a perdu 70 % de son territoire après le traité de Trianon [en 1920, officialisant la dislocation de l'Empire austro-hongrois], en investissant dans les pays voisins comme en Roumanie, Slovaquie, dans des projets sportifs", précise l'auteur de Géopolitique du sport : une autre explication du monde (Ed. Bréal).

Premier événement de cette importance en Hongrie

Le rendez-vous en capitale hongroise est d'autant plus fort que les championnats du monde reviennent en Europe pour la première fois depuis ceux de Londres en 2017, et il s'agit du premier événement de cette ampleur que le pays reçoit. Et à un an des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, ces championnats du monde sont le dernier grand rendez-vous mondial de préparation pour les délégations, et permettra aux athlètes de valider leurs minimas olympiques. "Budapest arrive à un niveau d'organisation qu'elle n'avait pas avant, ce qui prouve que sa politique sportive a réussi", relève Jean-Baptiste Guégan.

"Aujourd'hui, ils ont la capacité d'accueil et sont capables de répondre au cahier des charges des grandes manifestations sportives internationales de niveau global."

Jean-Baptiste Guégan, enseignant en géopolitique du sport

à franceinfo: sport

Pour atteindre cet objectif, Viktor Orban est monté crescendo dans l'accueil d'événements. Pour l'expert, la Hongrie mise "sur une stratégie de moyen terme", où elle a multiplié l'organisation de compétitions, d'abord à l'échelle européenne ou d'ordre moindre, pour ensuite viser le niveau mondial. 

"La Hongrie accueille de plus en plus d'événements, même s'ils sont souvent moins exposés, comme les championnats du monde d'échecs, ou du hockey sur gazon. Mais à chaque fois, ce sont des manches du circuit international, remarque Jean-Baptiste Guégan. Il y a aussi la volonté d'aller sur des sports intermédiaires, mais tous olympiques, où il est plus facile de candidater quand on est un État plutôt moyen." Sans oublier qu'ils hébergent aussi un Grand Prix de Formule 1, ce qui est à souligner dans un contexte où les pays européens sont en train de perdre leurs GP. "Le fait que le Grand Prix de Hongrie existe encore, dit quelque chose aussi du soutien de l'État", note-t-il.

Les Mondiaux, "un crash test" pour aller plus loin

Surtout, l'accueil des Mondiaux est une nouvelle étape afin de montrer si la Hongrie serait en mesure d'organiser les Jeux olympiques. "En dehors des polémiques, l'Euro 2021 de foot a été une réussite. Ils ont montré qu'ils étaient capables d'organiser ce genre de compétition mondiale. Les Mondiaux sont clairement un crash test pour l'accueil des JO", assure Jean-Baptiste Guégan.

"S'ils veulent aller plus loin et continuer dans cette logique, il faut qu'ils réussissent. Ils seront, je pense, scrutés de près, car c'est l'événement qui ressemble le plus aux JO."

Jean-Baptiste Guégan, enseignant en géopolitique du sport

à franceinfo: sport

Une analyse confirmée par Corentin Léotard, journaliste indépendant installé en Hongrie depuis une quinzaine d'années, et rédacteur en chef du Courrier d'Europe centrale. "C'est le coup d'essai avant les JO, qui seraient vraiment le graal pour Orban, et la concrétisation de sa politique. Depuis qu'il est revenu au pouvoir en 2010, il ne parle que de l'accueil des Jeux olympiques."

La Hongrie avait d'ailleurs postulé pour les Jeux de 2024, face à Paris. "Mais les opposants au projet avaient organisé un référendum contre l'accueil des JO par Budapest. Cela a montré à quel point la politique dispendieuse d'Orban, pour faire briller le sport hongrois, était et est encore très critiquée en Hongrie", rappelle-t-il. Pour qu'une telle candidature soit envisageable, les deux spécialistes s'accordent : la Hongrie seule ne pourrait pas accueillir le plus grand événement sportif de la planète mais une candidature partagée entre plusieurs pays serait la possibilité la plus plausible.

L'adhésion de la population encore faible

Si les Hongrois suivent particulièrement les Jeux olympiques, selon Corentin Léotard, "le pays est souvent celui qui a le plus de médailles aux Jeux d'été par tête d'habitants", mais l'athlétisme y reste toutefois moins populaire. "En temps normal, l'athlétisme est à peine diffusé à la télévision et peu suivi en l'absence de Hongrois au top niveau. Donc je doute de l'engouement populaire autour de l'événement, confie-t-il, alors que deux jours après le début de la compétition, le stade n'a jamais été rempli plus qu'au deux tiers. Surtout qu'une part importante de la population conteste complètement cette politique d'investissement à outrance dans le sport, alors que dans le même temps l'état du service public est très mauvais et qu'il y a notamment une grave pénurie d'enseignants dans les écoles." 

Qu'importe ce manque d'adhésion, Viktor Orban ne compte pas s'arrêter là. Juste avant les Jeux de Paris 2024, la Hongrie accueillera les Jeux universitaires européens et les championnats d'Europe féminin de handball durant l'automne 2024 [avec l'Autriche et la Suisse]. De quoi montrer pour la Hongrie de Viktor Oran encore un peu plus ses ambitions sur la scène mondiale.

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