Duel Karsten Warholm-Armand Duplantis sur 100 m : pourquoi la vitesse est-elle un facteur capital même sur le 400 m haies et le saut à la perche ?
Les paris sont ouverts. Qui de l'exhubérant Norvégien Karsten Warholm, prodige du 400 m haies, ou d'Armand Duplantis, roi suédois du saut à la perche, se montrera... le plus rapide sur 100 m ? Après l'euphorie des Jeux olympiques, où le premier est reparti argenté et le second avec l'or et un énième record du monde, les deux têtes d'affiche de l'athlétisme s'offrent une parenthèse rafraîchissante. Ils vont s'affronter sur la ligne droite dans une course d'exhibition, mercredi 4 septembre à 21h30, à Zürich, à la veille du meeting de Ligue de diamant suisse.
A en croire les tablettes de la fédération internationale d'athlétisme (World Athletics), le record personnel de Karsten Warholm sur 100 m remonte à janvier 2017 (10"49). Il avait alors 21 ans. Huit mois plus tard, il devenait pour la première fois champion du monde sur 400 m haies. Du côté de Mondo Duplantis, World Athletics relève un 10"57 en avril 2018, chrono estampillé "non officiel". Le Suédois avait alors 17 ans et courait les championnats lycéens américains. Depuis lors, ni Karsten Warholm ni Mondo Duplantis n'ont couru un 100 m en compétition. Malgré tout, le sprint fait partie de leur quotidien.
"Dans les déterminants de la performance en saut à la perche, la différence se fait souvent dans la vitesse d'arrivée au butoir."
Philippe d'Encausse, entraîneur national de saut à la percheà franceinfo: sport
A côté de la technique même du saut, des exercices de renforcement et de musculation, les séances de vitesse constituent le troisième axe de travail d'un perchiste. "Très souvent, celui qui est capable de sauter 6 m court plus vite que celui qui a un record à 5,80 m", assure Philippe d'Encausse. L'entraîneur du perchiste français Thibaut Collet précise que son élève court le 100 m autour de 10"80-10"90, tout en nuançant le lien direct entre qualité de sprint et hauteur vertigineuse : "Renaud avait lui un record à 11"04..."
La vitesse, axe majeur de progression d'un perchiste
"Le travail de course occupe la majeure partie de la semaine. Je passe beaucoup de temps dessus car je pense qu'il y a beaucoup à gagner avec", justifie Philippe d'Encausse. Ainsi, lorsque Thibaut Collet a deux séances hebdomadaires de sauts, il en aura deux autres de vitesse, sans compter celles autour de la technique de course (bondissements par exemple). Et si l'élan d'un perchiste s'étale sur 40 à 45 m, les athlètes de Philippe d'Encausse peuvent s'exercer sur des courses jusqu'à 100 à 150 m, sans engin à bout de bras. "On cherche à faire en sorte qu'ils sachent courir sans bouffer trop d'énergie", éclaire le spécialiste.
Du côté du 400 m haies aussi, le travail de sprint prend une place centrale dans l'entraînement. "Il y a deux écoles. La mienne est celle de travailler la vitesse pour avoir une réserve et ainsi pouvoir partir vite sans griller toutes les cartouches", image Olivier Vallaeys. Le coach du hurdleur français Wilfried Happio constate que de plus en plus d'entraîneurs de 400 m haies s'inscrivent dans cette démarche, dont celui de Karsten Warholm. Pour travailler cette vitesse, les athlètes ne courent à intensité très élevée que sur des distances inférieures ou égales à 400 m, et s'appuient aussi sur la musculation et le gainage. En parallèle, ils développent l'aérobie avec des footings.
"Il y a un quart de préparation physique, un quart de travail d'aérobie pour reculer les effets de l'acidification du corps, un quart de travail de vitesse et un dernier quart sur le calibrage des foulées entre chaque haie."
Olivier Vallaeys, entraîneur sur 400 m haiesà franceinfo: sport
Si Philippe d'Encausse ne se mouille pas à annoncer le gagnant du duel Warholm-Duplantis, le spécialiste tricolore du saut à la perche se réjouit d'enfin savoir ce que vaut "vraiment" Mondo Duplantis sur 100 m. "Tout le monde voit bien qu'il court plus vite que tous les autres. On a des mesures mais ce ne sont que des estimations. S'il fait 10"20, on comprendra pourquoi il va sauter 6,30 m", lâche l'entraîneur, amusé par l'exhibition à venir. De son côté, Olivier Vallaeys met une pièce sur Karsten Warholm. Il voit le Suédois démarrer plus fort que le Norvégien sur les 40 premiers mètres. "Mais après, il en reste 60. Karsten a plus de force pour tenir 100 m."
Avec des starting-blocks, avantage Warholm ?
"Mondo n'utilise en plus jamais de starting-blocks donc la technique va jouer un peu", poursuit Olivier Vallaeys. Un argument repoussé par Philippe d'Encausse, qui a observé fin août une séance de départs du champion olympique de saut à la perche au meeting de Lausanne, aux côtés du médaillé de bronze du 100 m Fred Kerley. "Il était loin d'être ridicule", assure-t-il.
Depuis que le duel est annoncé, Armand Duplantis n'a d'ailleurs pas manqué de solliciter son ancien coach et son ancienne camarade de lycée, la sprinteuse américaine Sha'Carri Richardson, argentée à Paris sur la ligne droite. Un luxe pour obtenir de précieux conseils et grapiller quelques centièmes.
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