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"À la fin du match, tous se sont mis à danser" : quand le sport se veut vecteur de paix

Ce lundi est célébrée la journée mondiale de la paix. C'est l'occasion d'évoquer quelques initiatives d'ONG, d'entreprises ou d'organismes publics pour utiliser le sport comme un vecteur de paix. Et de se poser la question de leur viabilité.
Article rédigé par Guillaume Poisson
France Télévisions - Rédaction Sport
Publié
Temps de lecture : 5min
 

Tous les ans, des habitants de Gitega, au Burundi, rencontrent des Congolais et des Rwandais sur un terrain de football pour les Jeux de l'Amitié. C'est une compétition amicale de football organisée par l'ONG Peace and Sport, censée susciter des liens de proximité entre des peuples en conflit, et favoriser les "dialogues interculturels". "En Europe, quand vous voulez des vacances, en Allemagne, en Italie, vous partez, estime Venuste Nyangabo, champion olympique burundais du 5000m et ambassadeur de l'ONG dans son pays natal, joint par téléphone. Au Burundi, au Congo, au Rwanda, les frontières sont fermées. Grâce aux Jeux de l'Amitié, des hommes et des femmes du Burundi ont pu jouer avec des Congolais". 

Depuis sa création en 2008, cette ONG multiplie les initiatives et projets pour "démontrer l'impact fédérateur, éducatif, et social du sport" : en formant des éducateurs à une méthodologie spécifique au sein d'écoles burundaises, en organisant des activités sur un camp de réfugiés en Jordanie, ou encore en instaurant cette tradition des Jeux de l'Amitié.

Mais alors qu'elle était à l'époque l'une des seules à ainsi user du sport pour apaiser des tensions entre Etats ou entre individus, d'autres se sont emparés du même filon entretemps. L'Agence Française de Développement (AFD) a ainsi intégré le sport dans son plan d'orientation stratégique 2018-2020. Ils ont par exemple favorisé l'organisation "d’activités sportives et de loisir dans neuf parcs publics" du centre-ville de Johannesbourg, l'une des villes où le taux de criminalité est le plus élevé au monde. 

En août 2013, l'Assemblée générale des Nations Unies a décidé de faire du 6 avril la "Journée internationale du sport pour le développement et la paix" et a fait de l'UNESCO son agence spécialisée dans le domaine. Avec le plan d'action de Kazan, voté en juillet 2017, l'agence s'est engagée à contribuer à l'élaboration de cours d'EPS notamment en Afrique du Sud ou dans les Fidji, afin de les rendre inclusifs et d'aider les enseignants "à familiariser les élèves de huit à douze ans avec des valeurs portées par le sport".

La question de l'héritage

Mais tous ces projets sont-ils vraiment efficaces ? Dépassent-ils la seule opération de communication ? Venuste Nyangabo, de Peace and Sports, en est certain, et convoque pour cela l'issue de l'une de ces rencontres sportives interculturelles : "C'étaient des gens qui venaient de cultures et de pays qui ne s'entendaient pas. Et à la fin du match, ils ont fait quelque chose de totalement spontané, que nous n'avions pas du tout prévu : tous se sont mis à danser,  chacun sur sa propre musique locale, pour échanger avec l'autre. C'était incroyable". Mais au-delà de ces brefs moments de fusion, les ONG doivent s'assurer, avant tout, de la pérennité de leurs actions. Surtout, éviter les pièges dans lesquels l'humanitaire pouvait - et peut encore - tomber : opérations sporadiques, application systématique de solutions hors-sol et bourrées de préjugés liés à la culture occidentale.  

"Il y a toute une série d'indicateurs qui peuvent évaluer le sérieux et l'efficacité d'une action, analyse Carole Gomez, chercheuse à l’IRIS, spécialisée sur l’impact du sport dans les relations internationales. Est-ce qu’il y a eu un travail préparatoire en amont ? Est-ce qu’il y a un suivi après l'opération ? Il y a toute une réflexion engagée depuis quelques années autour de l'héritage. L'important désormais est qu'un évènement seul ne soit plus suffisant, mais soit suivi de tout un programme, qui s'inscrit dans la durée."

Pour l'ONG Peace and Sport, cette exigence se concrétise notamment dans l'adaptation aux réalités locales. "Nos coordinateurs locaux nous remontent toujours des informations, et nous nous basons dessus pour adapter notre méthodologie aux différentes réalités locales. Nos ateliers et nos programmes ne sont jamais les mêmes d'un endroit à l'autre" explique Jean-Jérôme Perrin-Mortier, directeur des programmes terrains de Peace and sport.

La paix par le sport, un concept souvent assez fourre-tout où l'on trouve aussi bien l'aide au développement que des politiques d'éducation par le sport, pose finalement avant tout la question de l'efficacité de ces interventions. Pour Carole Gomez, "il ne faut surtout pas considérer le sport comme une baguette magique. Il ne peut résoudre à lui seul des conflits multidimensionnels et qui peuvent remonter à plusieurs années. Mais le sport peut permettre de rétablir un dialogue, amoindrir une relation de défiance. S'il ne peut pas être un élément unique, indéniablement le sport a toute sa place dans les processus d’entente entre les populations". 

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