1982, la révélation Wilander
Qui va succéder à Bjorn Borg ? La question est posée en ce début de tournoi 1982. Semi retraité depuis la fin de l'année précédente, le sextuple vainqueur de Roland Garros a décidé, comme prévu, de faire l'impasse cette année. C'est de son pays que viendra la relève. Les pronostiqueurs spéculent volontiers sur la retraite définitive du champion suédois et sur les chances des uns et des autres de graver leurs noms sur le socle de la Coupe des Mousquetaires. Nombres d'outsiders des années Borg figurent au premier rang des favoris de cette édition enthousiasmante : Guillermo Vilas (vainqueur en 1977), Jimmy Connors, Vitas Gerulaitis, José-Luis Clerc, José Higuera ou surtout Ivan Lendl, finaliste en 1981, qui avait fait vaciller Borg sur son trône en le contraignant à la limite des cinq manches. C'est pourtant un quasi inconnu, Mats Wilander, qui va se révéler au grand public en s'adjugeant le prestigieux trophée, au nez et à la barbe de tous les « grands ».
Il sort Lendl
Arrivé paisiblement en huitièmes de finale, le jeune Suédois (17 ans) voit se dresser sur sa route un Lendl ambitieux mais peut-être sûr de lui. Pas assez méfiant vis-à-vis de ce Scandinave non classé tête de série, le Tchécoslovaque va s'user sur la défense exceptionnelle et le lift précis de Wilander. Après cinq manches éprouvantes, il s'incline 4-6 7-5 3-6 6-4 6-2. La surprise est totale parmi les observateurs qui s'entichent immédiatement de cet adolescent nordique. Contre toute attente, la foule de Roland se prend à rêver de voir le jeune Mats accéder au piédestal de Bjorn Borg. En quarts de finale, ce Suédois aux nerfs d'acier mate le coriace Vitas Gerulaitis, finaliste de l'édition 1980, en quatre sets 6-3 6-3 4-6 6-4. Une demi-finale face à José-Luis Clerc se profile pour Wilander. Redoutable crocodile de la terre, l'Argentin se situe bien dans la lignée de son aîné Guillermo Vilas, dont il ambitionne de poursuivre l'œuvre. Demi-finaliste l'année précédente, battu par Lendl, Clerc semble à même de mettre un terme au brillant parcours de Mats la menace. Wilander l'accroche pourtant d'entrée, gagne le premier set (7-5) puis le deuxième (6-2) mais subit un gros contre coup lors de la troisième manche (6-1 pour le Sud-Américain). La rencontre devient indécise et s'équilibre au cours d'un quatrième set passionnant. Le moment fort se produit à 6-5 pour Wilander, qui se procure une balle de match sur l'engagement adverse. Balle de match qu'il concrétise lorsque Clerc expédie un revers un poil trop loin. La foule se lève et applaudit, l'arbitre proclame « Jeu, set et match Wilander » mais José-Luis Clerc conteste sa faute.
Champion du fair-play
Incompréhension, incrédulité du public, quelques sifflets fusent que Wilander éteint immédiatement en redonnant deux balles à Clerc. Le public, médusé par tant de fair-play et (peut-être) de naïveté, crie au jeune suédois son amour. Il ne supporterait pas que ce jeune homme si bien élevé puisse perdre ce match qu'il a mérité de gagner. Ce qui n'advient pas puisque Wilander enlève le point et conclut un match rondement mené (7-5 6-2 1-6 7-5). L'ovation des spectateurs est encore plus forte pour saluer le talent et l'honneur d'un homme qui préférait gagner « proprement » plutôt que de voir son succès entaché d'un soupçon. En finale, Mats le brave viendra à bout d'un autre Argentin, le revenant Guillermo Vilas. Après un début de rencontre à l'avantage de Vilas, le Suédois a pris le match à son compte, parvenant à user son adversaire (1-6 7-6 6-0 6-4) au cours de la finale la plus longue de l'histoire du tournoi (4h56). Chapeau bas, Monsieur Wilander.
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