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Droit de vote des étrangers : marqueur politique ou chiffon rouge ?

La gauche propose depuis 30 ans le droit de vote aux étrangers aux élections locales, sans l'avoir jamais mis en œuvre. La question revient sur le tapis avec la proposition de loi débattue au Sénat. Elle reste un marqueur entre droite et gauche.
Article rédigé par Anne Brigaudeau
France Télévisions
Publié Mis à jour
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"Votation citoyenne" pour ou contre le droit de vote des étrangers aux élections locales (23 mai 2011) (AFP)

La gauche propose depuis 30 ans le droit de vote aux étrangers aux élections locales, sans l'avoir jamais mis en œuvre. La question revient sur le tapis avec la proposition de loi débattue au Sénat. Elle reste un marqueur entre droite et gauche.

Le droit de vote des étrangers aux élections municipales était la 80e des 110 propositions du candidat Mitterrand en 1981... La promesse n'a jamais été mise en oeuvre.

Trente ans plus tard, à l'initiative des Verts, un Sénat passé à gauche examine jeudi 8 décembre la proposition de loi constitutionnelle adoptée par l'Assemblée nationale le 20 octobre 1999, visant à ouvrir aux étrangers non citoyens de l'Union européenne résidant depuis plus de cinq ans en France la possibilité de voter et d'être élu aux élections municipales.

Cet acte est purement symbolique, puisque la proposition sera rejetée par une Assemblée nationale à majorité de droite. Récapitulatif des positions en présence sur ce sujet.

Front National : contre

Le Front national est opposé au droit de vote des étrangers. Il a manifesté devant le Sénat jeudi 8 décembre contre la proposition d'Europe Ecologie-Les Verts.

L'Elysée parle de "détournement de procédure", la Droite populaire pétitionne

Nicolas Sarkozy, probable candidat à sa réélection, qualifie l'initiative de la gauche de "détournement de procédure" : "Cela s'appelle chercher un vote communautaire quand on n'est pas capable d'avoir un vote populaire", a-t-il dit devant des députés UMP, mercredi, selon Le Figaro.

Le 23 novembre, il qualifiait la proposition de loi d'"hasardeuse".

Avant d'entrer à l'Elysée, M. Sarkozy s'était déclaré favorable au droit de vote des étrangers. "Je ne trouve pas anormal qu'un étranger en situation régulière, qui travaille, paie des impôts et réside depuis au moins dix ans en France puisse voter lors des élections municipales", avait-il dit au "Monde", le 25 octobre 2005.

C'est François Fillon en personne, accompagné des ministre de l'Intérieur, Claude Guéant ,et de la Justice, Michel Mercier, qui ouvrira le débat au Palais du Luxembourg. Le premier ministre, qui intervient rarement au Sénat, souhaite envoyer un signal politique à la droite de la droite.

Sur l'aile droite de l'UMP, les élus de la Droite populaire ont mis en ligne sur leur site un arsenal de communication pour dire "non" au droit de vote des étrangers. On y trouve la pétition qui aurait recueilli plus de 36 000 signatures depuis le 19 octobre et un tract alliant le poids des mots et le choc des chiffres : "En 2014, souhaitez-vous que 4 millions d'étrangers choisissent les 36 000 maires de France ?"

Le centre se divise

Le candidat du MoDem, François Bayrou, s'est déclaré favorable à la "citoyenneté locale" , donc au droit de vote des étrangers non-communautaires. "Vous êtes roumain ou bulgare, vous êtes en France depuis six mois, vous avez le droit de vote aux élections locales" alors qu'un Marocain "en France depuis vingt ans" n'a "pas le droit de participer au choix des élus municipaux.", a-t-il noté.

Le candidat du Nouveau Centre, Hervé Morin, en 2010, proposait plutôt "d'améliorer les conditions de naturalisation que d'accorder le droit de vote aux étrangers".

Toujours au centre, Jean-Louis Borloo , finalement non candidat à l'Elysée, se dit, lui, "favorable au droit de vote aux élections locales après dix ans de résidence" donc "favorable au texte" défendu par la gauche.

PS et Europe Ecologie-Les Verts pour le droit de vote des étrangers aux élections locales

C'est dans le programme du PS : François Hollande et le Parti socialiste proposent "d'accorder le droit de vote et d'éligibilité aux étrangers résidant depuis plus de 5 ans sur le territoire et bénéficiant de titre de séjour à toutes les élections locales.

En revanche, ils ne pourront pas exercer les fonctions de maire ou d'adjoint, ni participer à la désignation des électeurs sénatoriaux et à l'élection des sénateurs.

La proposition de loi a été défendue par la sénatrice EELV Esther Benbassa qui écrivait dans Le Monde : "C'est par le vote, d'abord, qu'on responsabilisera les immigrés résidant en France depuis au moins cinq ans, et au-delà, par l'exemple, leurs propres enfants, 23 % des Français issus de l'immigration déclarant ne pas être inscrits sur les listes électorales, contre 7 % des Français "d'origine".

La candidate EELV pour 2012, Eva Joly, a manifesté jeudi devant le Sénat pour soutenir ce droit.

Une proposition Front de Gauche

Pas d'ambiguïté dans le programme du Front de Gauche et de son candidat Jean-Luc Mélenchon : "Nous mettrons immédiatement en place une citoyenneté de résidence. Les résidents extra-communautaires bénéficeront du droit de vote aux élections locales". (page 63 du livret du programme, éditions Librio)

MRC : Chevènement s'abstient

Seule voix dissonante à gauche, le candidat MRC à l'Elysée, le sénateur Jean-Pierre Chevènement, a annoncé qu'il s'abstenait sur la question du droit de vote des étrangers. "J'ai évolué sur ce sujet et je ne prendrai pas part au vote [...] Je ne veux pas me laisser instrumentaliser dans un débat qui n'a pas de sens aujourd'hui", a-t-il déclaré sur Public Sénat le 30 novembre 2011.

Le reportage de Valérie Astruc sur France 2 (8 decembre 2011)

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