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Violences conjugales : "Dire que c'est important mais ne pas trouver l'argent pour régler le problème, ça n'est pas cohérent", dénonce la Fondation des Femmes

Le Grenelle contre les violences conjugales avait débouché fin 2019 sur des dizaines de mesures pour lutter contre les violences faites aux femmes mais pour Anne-Cécile Mailfert, le bilan de ce Grenelle "est mauvais" trois ans après .

Article rédigé par franceinfo
Radio France
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Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmes. (FRANCEINFO / RADIOFRANCE)

"Le bilan est mauvais", dénonce vendredi 2 septembre sur franceinfo Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des Femmes, trois ans après le Grenelle des violences conjugales et la mise en place d'une cinquantaine de mesures visant à mieux protéger les femmes. "Dire que c'est important mais ne pas trouver l'argent pour régler le problème, ça n'est pas cohérent", dénonce Anne-Cécile Mailfert.

franceinfo : Le chemin est encore long, trois ans après ce Grenelle ?

Anne-Cécile Mailfert : Oui si l'on regarde ces chiffres : 122 femmes tuées par leur conjoint ou ex-conjoint l'année dernière, c'est autant qu'en 2017. Donc on voit que sur ce point, qui était quand même l'un des objectif du Grenelle, de réussir à faire descendre ce chiffre, le bilan est mauvais.

On voit aussi que l'une des raisons de ce bilan qui n'est pas bon, c'est qu'un certain nombre de mesures promises lors du Grenelle sont en réalité mal appliquées, à demi-appliquées ou appliquées sans moyens sur le terrain. Même s'il y a une vraie volonté de la société, les moyens ne sont pas là derrière pour que ces mesures puissent avoir des effets.

De quelle mesures parlez-vous ?

Je vais vous en donner quelques-unes : moins de 2% des femmes victimes de violences ont accès à un téléphone grave danger. Les bracelets anti-rapprochement marchent très mal mais personne ne se penche sur le fait de les rendre plus efficaces. Quatre femmes sur dix qui ont besoin d'un hébergement d'urgence ne peuvent pas y avoir accès faute de places, or il faut des moyens pour ouvrir des places. Et puis enfin, nous demandons des tribunaux spécialisés parce que les décisions de justice restent trop souvent aberrantes. On a besoin d'une réforme en profondeur de la justice.

Pourquoi aberrantes ?

On a encore aujourd'hui des hommes assassins, qui ont tué leur femme, certains de leurs enfants, qui gardent l'autorité parentale depuis la prison. La loi devait normalement rendre automatique la déchéance de l'autorité parentale dans ces cas là. En réalité, cela reste encore à l'appréciation du juge. C'est un exemple parmi beaucoup d'autres.

Pour bien fonctionner, la justice a aussi besoin de dossiers bien construits et donc d'enquêteurs qui ont le temps de faire leur travail. Avec 66% de plaintes en plus depuis cinq ans, ils se sont transformés en enregistreurs de plaintes et n'ont plus le temps d'enquêter correctement.

Les forces de l'ordre sont-ils mieux formées ?

Oui et évidemment le Grenelle a eu des bons côtés. On a vu au sein de la police et des forces de l'ordre une vraie volonté d'apprendre. Mais cela augmente aussi leur frustration de ne pas pouvoir enquêter. La volonté sans moyens, c'est un effet d'annonce. Dire que c'est important mais ne pas trouver l'argent pour régler le problème, ça n'est pas cohérent.

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