Violences conjugales : de la parole décomplexée à la prise de conscience
Après le meurtre de deux femmes durant le week-end des 5 et 6 octobre, on décompte désormais 116 féminicides depuis le début de l'année. Les violences conjugales n'ont pas été dénoncées avec la même force au fil des époques. France 2 a retrouvé des témoignages glaçants enregistrés dans les années 1970.
Quand on parle des violences conjugales à des hommes dans la rue, en 1975, leurs réponses contrastent avec celles qu'on tiendrait aujourd'hui. "C'est pas nouveau, ça a toujours existé. Des femmes battues, il y en aura toujours !", pense un homme. "Il y a des femmes battues, c'est sûr ! Il y a bien des hommes qui le sont", lâche un autre. À l'époque, la honte n'effleure pas ces hommes qui fanfaronnent à visage découvert, tandis qu'elle écrase les femmes battues, qui témoignent en masquant leur identité.
Dans un tel climat, les victimes de coups n'ont qu'une option : se taire. Alors, les féministes vont donner de la voix pour elles. En 1978, le Mouvement de libération des femmes (MLF) crée le premier foyer pour femmes battues. Mais avant cela, il leur a fallu convaincre les autorités que la violence conjugale n'était pas une fable. Ainsi, pour la première fois, les victimes redressent la tête, osent parler sans honte et sans se cacher.
Une femme est tuée tous les trois jours en France
En 1979, c'est du jamais-vu : la télévision nous oblige à regarder le visage d'une femme battue quelques heures plus tôt, venue en parler en plateau. Douze ans plus tard, en 1991, ce sont ceux qui s'adonnent à la violence qui parlent désormais dans l'anonymat. Pour aller plus loin, dans les années 1990, une autre victime accepte d'être filmée par une caméra de télévision, qui la suit dans toutes les démarches nécessaires pour porter plainte. Un numéro vert est mis en place en 1992, car loin de régresser, le phénomène prend de l'ampleur, au point que le Premier ministre, en 2003, est en mesure de le quantifier. "10% des hommes sont violents", déplore alors Jean-Pierre Raffarin.
La même année, dans le Nord, une expérience est tentée : les hommes violents sont extraits du domicile par la justice à la moindre gifle et sont placés en foyers. L'expérience aura permis de réduire le taux de récidive à 5%, contre 30% dans le reste du pays. Pourtant, le dispositif n'a jamais été généralisé. Bien sûr, depuis 1975, on n'ose plus en rire. Une bien maigre consolation, car aujourd'hui encore, en France, une femme meurt tous les trois jours de violences conjugales.
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