"Quand j'ai écouté le Premier ministre, j'ai pleuré" : des familles de victimes de féminicides réagissent aux annonces d'Edouard Philippe
Interrogées par franceinfo, trois familles de victimes de féminicides saluent les premières annonces du Premier ministre, mardi, lors de l'ouverture du Grenelle des violences conjugales, même si elles attendent de voir ce discours se concrétiser en actes.
Emue. C'est le qualificatif qu'a choisi Patricia pour parler de son ressenti après les premières annonces, mardi 3 septembre, d'Edouard Philippe pour l'ouverture du Grenelle sur les violences conjugales, qui doit durer jusqu'au 25 novembre. "Cela faisait longtemps que j'attendais que le gouvernement parle enfin des violences conjugales", soupire cette femme qui a perdu sa sœur Christelle, tuée d'un coup de fusil par son concubin en 2013. "Quand j'ai écouté le Premier ministre, j'ai pleuré, ça m'a touchée de voir ça enfin à la télévision", ajoute-t-elle. Elle n'est pas la seule à avoir été sensible au discours du chef du gouvernement.
"C'est la première fois que j'entends un homme de pouvoir, depuis l'assassinat de ma famille, parler aussi bien du sujet, je l'ai trouvé sincère", appuie Cathy, qui a perdu, en 2014, ses parents et sa sœur Isabelle, tués par l'ex-compagnon de cette dernière. Fabienne, sœur d'Evelyne, tuée par son compagnon en 2015, se contente d'un plus sobre : "C'était très bien formulé." Toutes trois saluent des mesures qui vont dans le bon sens mais qui sont encore incomplètes.
"C'est encore trop peu !"
Parmi les annonces qui trouvent grâce à leurs yeux : la suspension de l'autorité parentale dès la phase d'enquête ou d'instruction, la généralisation du dépôt de plainte à l'hôpital, l'installation de procureurs référents et de chambres d'urgence dans les tribunaux ou encore le port du bracelet électronique pour les personnes condamnées pour violence conjugale mais aussi en cas d'ordonnance de protection.
Ce bracelet électronique, ça aurait aidé ma sœur, ça aurait été un soulagement pour elle.
Cathyà franceinfo
Concernant la création de 1 000 places d'hébergement d'urgence, ces femmes sont plus réservées. "C'est encore trop peu", soutient Patricia. "Quand est-ce qu'elles vont arriver ? Je demande à voir, je suis sceptique", renchérit Fabienne. "Moi, je me suis dit immédiatement : et les auteurs ? Les femmes aussi veulent garder leurs maisons", assure une membre du collectif "Féminicides par (ex) compagnons" qui recense les victimes de féminicides conjugaux en France.
Surtout, elles relèvent l'absence de plusieurs pistes très concrètes dans le discours du Premier ministre. Un exemple : la création d'un statut de victimes pour les familles qui pourrait être doublé d'un accompagnement psychologique et administratif.
ll faut absolument une cellule psychologique pour les familles, quand cela arrive on est abandonné.
Patriciaà franceinfo
"On m'a annoncé la nouvelle à minuit, puis la police est partie, poursuit Patricia. On nous a laissés toute la nuit seuls, on n'arrivait pas à parler aux enfants." "Pour la tutelle de mon neveu, on s'est retrouvés seuls, rien n'a été fait pour nous soutenir et nous guider", témoigne également Fabienne.
"Maintenant on veut des actes"
Ces proches de victimes de féminicides sont également déçus de l'audit qui sera mené dans 400 commissariats et les gendarmeries. "Depuis que c'est arrivé à ma sœur, j'aide des femmes à porter plainte mais quand elles vont au commissariat, elles ne sont pas prises au sérieux et on leur fait faire des mains courantes", raconte Patricia.
Un audit, c'est trop long ! Combien de femmes vont encore mourir pendant ce temps-là ?
Fabienneà franceinfo
Pour ces dernières, il n'y a pas de mystère : il faut former les policiers et les gendarmes. "Il faut les former directement à l'école pour que les femmes soient entendues", martèle Fabienne. Au-delà des forces de l'ordre, c'est l'ensemble des professionnels, des magistrats aux travailleurs sociaux, qui ont besoin de formation selon ces familles. Cela doit même commencer dès le plus jeune âge avec une "sensibilisation" à ces questions, d'après Fabienne, qui souhaite l'implication du ministre de l'Education sur ce sujet.
En définitive, ces proches de victimes sont maintenant dans l'expectative. "Je suis satisfaite sur certains points mais j'attends de voir, c'est des paroles, maintenant, on veut des actes", indique Patricia. "C'est encourageant mais on peut beaucoup mieux faire", conclut Fabienne.
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