Plainte pour violences conjugales dans les hôpitaux : "L'intérêt, c'est d'éviter le phénomène des victimes perdues", explique un urgentiste
"L'intérêt" de pouvoir porter plainte dans les hôpitaux "c'est d'éviter le phénomène des victimes perdues", a expliqué jeudi 5 octobre sur franceinfo Dr Benjamin Paule, médecin aux urgences du Centre hospitalier du Cateau-Cambresis. Il a fondé un protocole en 2018 qui permet aux victimes de violences conjugales de porter plainte directement dans les hôpitaux de l'AP-HP. Ce dispositif a été testé dans trois hôpitaux et va être généralisé à tout l'AP-HP.
franceinfo : Pourquoi avez-vous souhaité mettre en place ce protocole ?
Benjamin Paule : Ce qui a fait naître ce protocole, c'est que, jusqu'en 2018, on avait le sentiment d'une mission inaccomplie. On voyait les victimes de violences conjugales uniquement pour les soins médicaux et on ne pouvait pas leur proposer de déposer plainte. On était souvent confronté à des victimes qui étaient sous un mécanisme d'emprise psychologique, financière, administrative, auprès d'un conjoint violent. Depuis 2020, il y a eu une évolution législative et désormais, les médecins ont le droit de lever le secret médical et de faire un signalement auprès du procureur lorsqu'on est en présence d'une victime de violences conjugales qui est dans une situation d'emprise et qu'il existe un danger pour sa santé.
Avez-vous des changements depuis ce protocole ?
Pour ce qui est des victimes que l'on accueille aux urgences, et qui souhaitent déposer plainte, on leur propose d'effectuer un dépôt de plainte depuis les urgences de l'hôpital. L'intérêt, c'est d'éviter le phénomène des victimes perdues.
"On se rend compte qu'il y a beaucoup de conjoints violents qui attendent les victimes sur le parking de l'hôpital, que beaucoup de patientes changent d'avis"
Dr Benjamin Paule, urgentisteà franceinfo
On sait que l'entretien médical, l'entretien social, l'entretien psychologique qu'on propose aux patientes des urgences est un moment propice pour leur permettre d'effectuer cette démarche.
Comment cela se passe ?
L'idée, c'est de recueillir une pré-plainte remplie par la patiente, c'est un formulaire très simple de quelques lignes, avec l'identité, la situation. On le transmet au procureur et une fois qu'il est au courant de la situation de violences conjugales, il va engager la réponse judiciaire de par une enquête et une audition de la victime qui sera organisée. Cela permet qu'il n'y ait pas de 'perdu de vue' et de gens qui repartent dans la nature sans effectuer de dépôt de plainte alors qu'ils souhaitaient le faire au sein de l'hôpital.
Le taux de refus est-il important ?
Il est important. La violence conjugale, on y est confronté tous les jours. C'est vraiment quelque chose d'insidieux qui prend des visages différents, avec des mécanismes très complexes d'un point de vue psychologique. On a des victimes avec des profils différents et qui parfois déposent plainte, mais ce n'est pas toujours le cas. Il y a des entretiens 'motivationnels' où les assistantes sociales, les psychologues, au sein des urgences, prennent le temps. On a l'impression d'un service rendu meilleur, de prendre en charge dans la globalité les patients, de ne pas être focalisé sur un problème unique. J'ai l'impression que ces dernières années ont été cruciales et qu'il y a eu un investissement politique majeur avec des moyens mis en place.
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