Philippe Caubère accusé d'atteinte sexuelle sur mineure : ce que révèlent les messages que le comédien envoyait à l'adolescente
Le comédien et metteur en scène Philippe Caubère, connu notamment pour avoir incarné le père de Marcel Pagnol dans le film La Gloire de mon père, est visé par une nouvelle enquête, selon les informations de franceinfo, ouverte pour "atteinte sexuelle sur mineure de plus de 15 ans par personne ayant autorité".
Aujourd’hui âgée de 27 ans, Camille* a porté plainte contre lui il y a un an. Elle dénonce des atteintes sexuelles quand elle avait 16 ans et le comédien Philippe Caubère, 61. Lycéenne, elle faisait du théâtre et rêvait d’en faire son métier. Une amie de sa mère, réalisatrice, l'invite à assister à une séance de travail qui consiste en une lecture de scénario. À cette occasion, cette dernière lui présente Philippe Caubère. Très rapidement, l’acteur, de 45 ans son aîné, lui demande son numéro, lui envoie des SMS, l’invite à venir la voir sur scène puis à le rejoindre chez lui pour parler théâtre. Là, il lui offre des DVD de ses prestations sur scène et des films dans lesquels il a joué. Il lui remet aussi le livre qu’il a écrit : Les Carnets d’un jeune homme 1976-1981, où il évoque sa vie sexuelle.
Sa "petite chérie" à qui il confiait ses actes sexuels
Les rendez-vous ne se déroulent pas au domicile principal de l’acteur, mais au studio qu’il possède à Saint-Mandé dans le Val-de-Marne et qu'il considère comme un lieu de refuge et de travail. Rapidement, la relation bascule. Le comédien se met à appeler Camille, sa "petite chérie". La jeune femme ne sait quel comportement adopter en réponse. Parfois, elle se prend au jeu. Parfois, elle prend peur et se paralyse. Elle l'accuse aujourd’hui d’avoir abusé de sa candeur et de son immaturité affective pendant une durée d’un an. La jeune femme évoque aussi des baisers, puis des fellations et des pénétrations parfois brutales de la part d’un homme "impulsif" qui réagissait "selon ses envies".
Camille se souvient par ailleurs que le comédien faisait d’elle la confidente de ses actes sexuels avec sa femme et d’autres maîtresses, dont une autre mineure, une adolescente de 17 ans qu'il lui présentait comme très jalouse d'elle.
Elle précise dans sa plainte que Philippe Caubère lui avait demandé de garder leur relation clandestine, et de ne surtout pas en parler à sa mère, car il la connaissait et a même entretenu avec cette dernière une relation plus qu’ambiguë. L'acteur aurait veillé à ne faire venir l’adolescente dans son studio que les week-ends où elle était chez son père. Les parents de la lycéenne se partageaient en effet sa garde une semaine sur deux, et son père était, se souvient-elle, bien plus permissif pour les sorties. Philippe Caubère aurait pris après ces rendez-vous l’habitude de payer un taxi à la jeune Camille tôt le matin afin qu’elle rentre chez son père.
"Érotisme enfantin"
Pendant toute la relation, l’homme multiplie les messages qui peuvent laisser penser que le jeune âge de Camille le séduisait particulièrement. "Tu m'as embrassé et sucé comme une grande, comme une femme, plus du tout comme une enfant", écrit-il en avril 2012. Il parle aussi de son "érotisme enfantin" ou conclut un de ses messages par "Je t’aime, ma gamine".
Camille, au cours de cette relation, a développé des troubles alimentaires et des troubles obsessionnels compulsifs de propreté. La jeune femme explique avoir non sans mal mis en septembre 2012 un terme à cette relation, et dit avoir continué à recevoir les années suivantes des invitations, ainsi que sa mère, de la part de Philipe Caubère pour ses différentes représentations. Ça n’est que cinq ans après les faits qu’elle dénonce que Camille confie avoir eu la maturité suffisante pour prendre conscience de ce qu’elle avait subi et du lien avec ses souffrances psychologiques.
L'atteinte sexuelle sur mineure : l'autorité plutôt que le consentement
La plainte que la jeune femme a déposée il y a un an n’est pas une plainte pour viol mais pour atteinte sexuelle sur mineur de plus de 15 ans. Cette infraction, punissable à l’époque des faits de deux ans de prison et 30 000 euros d’amende, implique une autorité, de droit ou de fait. Pour l’avocate de la jeune femme, Me Negar Haeri, "il y avait entre M. Caubère et Camille une autorité de fait, une emprise due à l’influence intellectuelle du comédien". Lui était une figure du théâtre français depuis 40 ans, respecté de la profession et du public. Elle, adolescente, admirait son travail et sa carrière et aurait aimé en faire un mentor, un père spirituel. La notion d’autorité est majeure dans une affaire d’atteintes sexuelles sur mineur de plus de 15 ans où la notion de consentement en revanche n’a pas d’importance.
En 2018, lorsque la comédienne Solveig Halloin avait déposé plainte pour viol contre Philippe Caubère (une plainte plus tard classée sans suite faute d’éléments de preuve), elle avait parlé de Camille aux policiers, qui ont contacté la jeune femme par téléphone à deux reprises. Elle leur avait répondu n'avoir jamais été victime de violences de la part du comédien. Ce n’est que six années plus tard qu’elle se décide à saisir la justice. Dans un communiqué publié mardi 9 janvier par son avocate Marie Dosé, Philippe Caubère "confirme avoir entretenu une relation intime avec cette jeune femme, alors qu’elle était mineure (entre 16 et 17 ans)". Il ajoute : "la différence d’âge significative entre elle et moi aurait dû me conduire à ne pas entamer une telle relation".
"J'ai toujours eu une vie sexuelle et sentimentale très libre"
Au moment de l'annonce de la première plainte contre lui en 2018, il avait répondu à franceinfo et expliqué avoir une "vie sexuelle et sentimentale très libre".
"J'ai toujours eu une vie sexuelle et sentimentale très libre, je le joue dans mes spectacles, je n'en fais pas mystère, comme je n'ai jamais caché que j'ai été longtemps client de prostituées mais le viol, c'est une autre affaire"
Philippe Caubère en 2018sur franceinfo
Philippe Caubère faisait d'ailleurs partie en 2013 des signataires de la tribune "Touche pas à ma pute ! Le manifeste des 343 salauds", publiée dans le magazine Causeur contre l'abolition de la prostitution.
Celui qui a été dans les années 70 un des piliers du théâtre du Soleil d'Ariane Mnouchkine a également apposé son nom le 25 décembre dernier au bas de la tribune de soutien à Gérard Depardieu publiée dans Le Figaro, après l'émission "Complément d’enquête" où on le voit faire des commentaires sexuels sur une fillette de dix ans.
Dans l'affaire qui l'oppose à Camille, une enquête est donc ouverte depuis un an. Le comédien devait être auditionné et confronté à la plaignante en juin dernier. Cette audition a été reportée à la demande de son avocate, "pour des raisons médicales et professionnelles", à l’approche de spectacles importants pour lui. Sept mois plus tard, l'audition n’a toujours pas été reprogrammée. "Cette enquête est toujours en cours", commente sobrement le parquet de Créteil.
Depuis les révélations sur l'enquête le visant, Philippe Caubère a vu sa tournée 2024 légèrement modifiée. Il reste annoncé le 27 janvier prochain à Nyons dans la Drôme dans le spectacle "Les Étoiles". Mais le directeur du Cratère, la scène nationale d'Alès, a annoncé mercredi 10 janvier pendant sa cérémonie de vœux que Philippe Caubère qui devait jouer là les 30 et 31 janvier ne donnera finalement aucune représentation. Ses dates début février à Ganges et Allègre-les-Fumades sont aussi annulées.
*Le prénom a été changé.
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