L'aide financière d'urgence "est déjà une reconnaissance de ce que vivent" les victimes de violences conjugales, estime la Fondation des femmes
"C'est déjà une reconnaissance de la réalité de ce que vivent les femmes lorsqu'elles doivent quitter un conjoint violent", estime Anne-Cécile Mailfert, la présidente de la Fondation des femmes, invitée lundi 20 novembre sur franceinfo. Elle réagissait à l'annonce de la ministre des Solidarités et des Familles Aurore Bergé sur France Inter de la généralisation d'une aide financière d'urgence pour les victimes de violences conjugales, d'un montant de 600 euros en moyenne. Elle sera délivrée par les Caisses d'allocations familiales contre justificatif.
Pour Anne-Cécile Mailfert, lorsque les femmes victimes partent, "elles vont partir avec un petit baluchon sous le bras et elles vont avoir besoin d'avoir accès à des ressources [...] elles ont vraiment besoin d'aide et d'appui à ce moment-là". Elle "espère vraiment que les associations seront main dans la main avec l'Etat pour le déploiement de cette aide. Sinon, on a peur que ce soit un dispositif sur lequel il y ait beaucoup de non-recours".
franceinfo : Est-ce que ce dispositif vous paraît correctement dimensionné ? Est-ce qu'il répond aux besoins ?
Anne-Cécile Mailfert : Les besoins sont immenses, donc malheureusement, on ne peut pas dire que cette aide remplira tous les besoins. Mais en tout cas, ce qui est sûr, c'est que c'est déjà une reconnaissance de la réalité de ce que vivent les femmes lorsqu'elles doivent quitter un conjoint violent. Lorsqu'elles partent, souvent dans la précipitation, elles vont partir avec un petit baluchon sous le bras et elles vont avoir besoin d'avoir accès à des ressources.
"Il y a souvent des violences économiques dans le couple, donc elles n'ont pas forcément accès à leur propre salaire et elles vont avoir besoin de quelques centaines d'euros pour les premiers jours, vraiment pour faciliter le départ."
Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmesà franceinfo
Dans la pratique, est-ce que ça vous paraît réalisable, notamment au niveau des Caisses d'allocation familiale (CAF) ?
Je ne peux pas parler pour les CAF, mais ce qui est sûr, c'est que les associations locales se feront bien sûr le relais de ce dispositif, donc il faut absolument que les femmes victimes de violences qui souhaitent accéder à ce dispositif en parlent à des associations près de chez elles qui pourraient appuyer leurs demandes. On espère vraiment que les associations seront main dans la main avec l'État pour le déploiement de cette aide. Sinon, on a peur que ce soit un dispositif sur lequel il y ait beaucoup de non-recours, c'est-à-dire sur lequel il y a beaucoup de femmes qui en ont besoin mais qui en fait n'y ont pas recours.
Pour y avoir accès, il faut fournir à la CAF un justificatif de moins de douze mois attestant de violences conjugales. Quel peut être ce justificatif ?
On est en discussion en ce moment avec le gouvernement parce que jusqu'à présent, ce qui a été pris en compte, c'est une ordonnance de protection, qui est donnée par un juge aux affaires familiales, ou bien une plainte. Et nous, on sait qu'il faut vraiment que les femmes puissent avoir tout de suite ce genre d'aide, qu'il ne faut pas attendre la plainte, ne pas attendre l'ordonnance de protection qui peuvent parfois malheureusement mettre des semaines à arriver.
Que préconisez-vous ?
Nous, ce qu'on souhaiterait, c'est vraiment que les associations spécialisées puissent émettre ce genre de justificatif. Pour le moment, ce n'est pas le cas.
"Les associations, comme la Fondation des femmes, aident les femmes tous les jours, les accompagnent, et sont donc vraiment les mieux à même de faire le lien entre ce genre de dispositif et les femmes victimes de violences et comprendre leurs besoins."
Anne-Cécile Mailfert, présidente de la Fondation des femmesà franceinfo
Nous souhaitons donc vraiment que les associations locales soient associées pour qu'on évite de perdre des mois et des mois et que ce ne soit pas l'effet que d'une belle annonce, mais que ça leur change la vie et qu'elles puissent avoir accès vraiment, simplement, et efficacement à cette somme d'argent.
Mais les besoins sont énormes et le frein pour partir, il n'est pas que financier ?
Non, il y a des freins de différents aspects. Il y a un frein psychologique qui a besoin d'être levé, c'est l'emprise. Ensuite, il y a tout un tas d'obstacles que le conjoint va mettre sciemment tout autour des femmes pour les empêcher de partir : l'argent, l'hébergement ou la garde des enfants. Il peut y avoir aussi du chantage avec les animaux de compagnie, ou avec les meubles de famille. Tout un tas de chantage qui est fait pour vraiment les empêcher au maximum de partir. Et puis, il y a la menace de mort aussi.
On sait que les féminicides se passent souvent dans les jours et dans les semaines qui suivent une séparation effective. Donc si on peut déverrouiller certains des verrous qui sont mis par les conjoints violents, c'est vraiment ça l'objectif.
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