Un lycée de Seine-Saint-Denis mise les voyages scolaires pour former les jeunes à la citoyenneté
Un lycée professionnel de Seine-Saint-Denis, en région parisienne, mise sur les voyages scolaires pour enseigner la citoyenneté à ses élèves et ouvrir leurs horizons.
Comment faire prendre conscience de leur citoyenneté française à des jeunes garçons de banlieue parisienne ? Depuis plusieurs années, c’est le cheval de bataille des enseignants du Lycée professionnel Théodore Monod de Noisy-le-Sec, en Seine-Saint-Denis. En trois ans, ils ont fait découvrir à leurs élèves de la filière électricité Londres, Auschwitz, l’Unesco, l’Elysée. Cette semaine, ils étaient à Washington, aux États-Unis. Franceinfo a suivi cette classe.
Le voyage commence au Mémorial de l’Holocauste de Washington. Les treize élèves de Terminale Bac pro électricité sont autour de Jacqueline Birn, dont une partie de la famille a péri dans les camps pendant la Seconde Guerre mondiale. Les casquettes sont rangées, chemise et cravate de rigueur. "Ma grand-mère, qui avait 69 ans, était dans l’un de ces trains", raconte Jacqueline Birn aux lycéens. "On voit ce qu’on n’a pas vu avant. Ça m’a fait réfléchir", commente l’un d’eux. "On a envie d’être acteur, on n’a pas envie que ça se reproduise", ajoute un autre.
Les rencontres sont riches. Des survivants des camps, mais aussi de jeunes musulmans impliqués dans la mémoire du génocide des juifs, un réfugié copte égyptien, une responsable du service d’immigration et un membre du congrès dans son bureau du Capitole. L’un des élèves en profite pour faire une photo souvenir avec le démocrate.
Rencontres et échanges d'expériences
C’est Samia Essabaa, la professeur d’anglais, qui a organisé et trouvé les financements pour ce voyage. "C’est l’égalité des chances. J’ai vraiment envie qu’ils vivent des expériences comme n’importe quel lycéen qui a les moyens de partir en voyage scolaire, pour que ces élèves s’ouvrent l’esprit, voient de nouveaux horizons et surtout découvrent le monde extérieur. Parce qu’au-delà de leur quartier ils ne connaissent pas grand-chose", explique-t-elle.
Changement de décor. Aliou, Kévin, Saad et leurs copains assistent à une cérémonie. Autour d’eux, des jeunes gens de leur âge, qui deviennent Américains. Les élèves de Noisy-le-Sec chantent l’hymne national américain avec leurs homologues d’outre-Atlantique. "C’était intéressant", s’amuse l’un d’eux. "Je crois qu’avoir la nationalité ici, c’est quelque chose d’important. Certaines personnes ont pleuré pendant le discours", raconte Schneider qui s’est lui-même fait naturaliser il y a quatre mois en France, "et ça s’est exactement passé comme aux États-Unis", raconte-t-il. "C’est bien aussi d’être Français, c’est un grand pays,... la liberté", poursuit le jeune homme.
La connaissance, un bouclier contre l'intégrisme
Tout ce que voient ces garçons fait écho chez eux, Français mais nés pour la plupart de parents africains, souligne Samia Essabaa. "Mes élèves sont nés Français. Ils n’ont pas eu à se battre pour obtenir leur nationalité. Ils ne mesurent pas l’importance d’être citoyen français et la valeur de leur citoyenneté", explique le professeur d’anglais. "C’est pour ça que l’école de la République doit vraiment faire un travail de fond pour des élèves comme ceux-là. Il y a tellement de menaces à l’extérieur de l’école, ils prennent pour argent comptant tout ce qu’on leur raconte et tout ce qu’ils lisent sur internet. Il faut les encadrer, les éduquer, il faut les former pour leur transmettre les connaissances nécessaires pour qu’ils n’aillent pas vers le mauvais choix. Et ça marche", poursuit-elle.
Ce sont des élèves qui obtiennent leur diplôme à la fin de l’année. Ce sont des élèves qui sont transformés parce qu’ils ont les connaissances et ils ne se feront pas avoir
Samia Essabaaà franceinfo
Âgés entre 17 et 19 ans, les treize lycéens n’étaient pourtant pas partis enthousiasmés par l’idée de visiter des musées. "Nous au début on voulait surtout voir des matchs de basket, de football américain. Mais bon, après, franchement, on n’a pas été déçu. Et même on préfère ça. Un match de basket, on peut en voir en France mais ça, ce qu’on fait, ça peut se faire qu’une fois dans une vie", commente Jérémy pour qui gagner en maturité, "en trois jours, c’est possible".
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