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Trois mois de grève et toujours pas de papiers pour les intérimaires

Depuis trois mois, 88 sans-papiers campent rue Saint-Vincent de Paul dans le Xe arrondissement de Paris devant leur agence d'intérim. Comme de nombreux travailleurs clandestins, ils réclament leur régularisation au nom de la loi Hortefeux de novembre 2007. Mais la Préfecture refuse leurs dossiers sous prétexte qu’ils sont intérimaires.
Article rédigé par Elsa Nathan
Radio France
Publié Mis à jour
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Une tente, des matelas, une vingtaine de chaises et des toilettes chimiques… Les 88 grévistes sans-papiers de Man-BTP, une entreprise de travail temporaire spécialisée dans le bâtiment, ont pris leurs aises. Depuis le 3 août, ils réclament leur régularisation, comme l’ont été 1.000 salariés clandestins depuis avril dernier. Mais depuis trois mois, rien n'avance. La préfecture refuse tout bonnement d’étudier leur dossier. Le prétexte : ils sont intérimaires et, de ce fait, ils n’entrent pas dans le cadre de la loi Hortefeux.

Selon une circulaire du ministère de l’Immigration, un employeur peut en effet demander la régularisation de ses salariés sans-papiers à condition de présenter un contrat de travail d’un an minimum. Les intérimaires sont par conséquent exclus de ce dispositif, puisqu’ils sont embauchés en contrat de mission le plus souvent de courte durée.

Pour les grévistes de Man-BTP, cette disposition est injuste : “la préfecture considère que nous ne sommes pas des salariés à part entière”, s’insurge Djibi, porte-parole du mouvement. Pourtant, ils affirment tous travailler depuis plusieurs années pour cette agence d’intérim.

Et ce n’est pas la seule contradiction de la loi. Une entreprise peut désormais faire venir un travailleur de l’étranger avec un contrat d’intérim d’un à trois mois. Dans ces conditions, pourquoi “des salariés qui sont là depuis des années, qui paient impôts et cotisent à la sécurité sociale” ne peuvent pas avoir des papiers ? s'interroge Jacques Lenouaille de l’USI-CGT (Union syndicale de l’intérim).

Un mouvement qui fait des petits

Depuis le début de l’été, l’action des grévistes de Man-BTP s’est étendue à d’autres agences d’intérim parisiennes. Toujours dans le Xe arrondissement, une dizaine de sans-papiers manifeste tous les jours devant Perfect Intérim. Et depuis la mi-septembre, l’USI-CGT a lancé trois nouvelles occupations dans des agences Manpower, Vediorbis et Adecco.

Les intérimaires en grève travaillent tous dans le BTP, un secteur où les entreprises utilisent beaucoup l’intérim. Pour le sociologue Nicolas Jounin, qui a étudié les conditions de travail dans bâtiment (Chantier interdit au public, La Découverte, 2008), “les grandes entreprises comme Bouygues, Vinci, Eiffage

Face à cette montée des contestations, les professionnels de l’intérim tentent de se décharger de toute responsabilité. François Roux, délégué général du Prisme, la fédération patronale de l’intérim, estime se retrouver dans une situation paradoxale : “d'une part, nous avons été trompés par des faux papiers et, d'autre part, nous avons une incapacité juridique à régulariser”. Il considère donc, en accord avec les syndicats, que “la balle est dans le camp du gouvernement”.

Malgré nos sollicitations, le ministère de l’Immigration n’a pas souhaité s’exprimer sur le sujet. Mais plusieurs rencontres seraient prévues, dans le courant de la semaine prochaine, avec le Prisme d’une part, et les représentants syndicaux d’autre part.

Elsa Nathan

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