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Trois expressions à battre en brèche pour parler des violences faites aux femmes

Le collectif Prenons la une a invité, lors d'un colloque sur les violences faites aux femmes, jeudi, les médias à ne pas utiliser certains termes.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 3min
Pour 27% des Européens, le viol est "acceptable" sous certaines conditions, selon une enquête publiée le 25 novembre 2016. (MAXPPP)

"Le boxeur cocu met sa femme K.-O.", "Papy Marcel jugé pour crime passionnel". Autant de titres et d'expressions que le collectif Prenons la une voudrait voir bannir des médias. Ces journalistes organisent à Paris un colloque sur le traitement médiatique des violences conjugales et familiales, en présence de la ministre des Droits des femmes, Laurence Rossignol, jeudi 17 novembre, quelques jours avant la journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes (le 25 novembre). Le collectif demande aux médias un traitement plus juste de ce "fait de société". Franceinfo revient sur trois expressions largement répandues et que le collectif dénonce.

Le "crime passionnel"

"Bordeaux : 30 ans de prison pour un crime passionnel", "Adolescente égorgée à Perpignan : le petit ami avoue un crime passionnel", BuzzFeed a compilé des titres d'articles reprenant cette expression. Pour autant, cette formulation ne correspond à aucune réalité juridique, rappelle le site. "L’expression est née au XVIIIe siècle sous la plume des journalistes", détaille Benoît Garnot, professeur d’histoire moderne, dans une émission de "La Fabrique de l’Histoire" sur France Culture. Elle va ensuite être reprise par les avocats des accusés pour réclamer une justice plus clémente, poursuit l'historien. 

Par ailleurs, l'emploi de l'expression "crime passionnel" renvoie "à l’imaginaire collectif du héros romantique dans toute sa puissance", pointent Stéphanie Lamy, co-fondatrice du collectif Abandon de famille-Tolérance, et Céline Nogueira auteure de Ne me touche pas, dans une tribune au Huffington Post"Il aime, donc il violente. N’est-ce pas ainsi presque normal, presque beau, presque acceptable ?", poursuivent-elles.

Le collectif Prenons la une a également publié une tribune dans Libération au sujet de cette expression. " La passion, c’est ce qui nous dépasse. Le drame évoque l’accident, et occulte la violence. A chaque fois qu’un(e) journaliste utilise ces termes, c’est l’argumentaire du meurtrier qui est retenu. La version de la victime ? Elle n’est plus là pour raconter", écrit le collectif.

Le "drame familial"

"Drame familial à Cognac : une femme est morte poignardée", "Drame familial à Laurède dans les Landes : la femme sauvagement tuée chez elle". Il suffit de faire une rapide recherche sur Google pour se rendre compte que les occurrences sont nombreuses. Sophie Gourion, journaliste et blogueuse, épingle ces articles sur son tumblr "les mots qui tuent", comme l'expliquent Les Inrocks.

"L’expression 'drame familial' est issue du champ lexical du théâtre : le drame n’est pas une expression neutre, il fait appel à l’affect et à l’émotion. Il a pour but de romantiser l’horreur du crime. Le meurtrier n’est plus un homme violent, mais presque un héros de roman, pris dans les turpitudes de la passion ou de la jalousie. Il tue malgré lui. Par ailleurs, l’expression 'drame familial' laisse entendre que la cellule familiale, la conjointe, ont une part de responsabilité dans ces violences", déplore Sophie Gourion.

Le "dépit amoureux""

"Thiais : le lycéen voulait poignarder une autre élève par dépit amoureux", "Par dépit amoureux, il se venge de son ex-petite amie en mettant le feu à son appartement". Là encore, le terme est très souvent utilisé dans les médias et a tendance à minimiser l'acte.

"L’idée du devoir conjugal est encore très répandue. Plus de 55% des violences de genre ont lieu lorsque une femme menace de quitter son partenaire", détaille encore Sophie Gourion, sur Europe 1.

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