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Mortalité routière : les mesures du gouvernement seront-elles efficaces ?

Le nombre de morts sur les routes a augmenté en 2014, pour la première fois depuis douze ans. Baisse de l'alcoolémie pour les conducteurs novices, interdiction des oreillettes : Bernard Cazeneuve a présenté un plan de lutte, lundi, pour enrayer cette hausse.

Article rédigé par Carole Bélingard
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 7min
Le plan du gouvernement contre la mortalité routière prévoit d'interdire toute utilisation du téléphone au volant, hors kits Bluetooth. (MAXPPP)

"Moins de 2 000 tués sur les routes d'ici 2020." Cet objectif ambitieux avait été fixé par Manuel Valls, alors ministre de l'Intérieur, en novembre 2012. Deux ans plus tard, le chemin semble encore long. 2014 est une année noire pour la sécurité routière, a rappelé Bernard Cazeneuve, le ministre de l'Intérieur, lundi 26 janvier. Le nombre de morts sur les routes a augmenté de 3,7% en 2014 par rapport à 2013. Au total, 3 388 personnes ont péri dans des accidents de la route, soit 120 de plus que l'année précédente.

Pour endiguer cette hausse, Bernard Cazeneuve a dévoilé 26 mesures. Les associations de prévention routière regrettent déjà qu'aucun dispositif pérenne de diminution de la vitesse n'ait été mis en place. Pourtant, entre 2011 et 2013, la vitesse a été responsable de 48,4% des accidents mortels chez les 18-24 ans.

Le plan annoncé par le ministère de l'Intérieur suffira-t-il à faire baisser le nombre de morts sur les routes ? Francetv info passe au crible les trois mesures les plus emblématiques.

Les oreillettes interdites au volant

La mesure. Oreillettes, casques et écouteurs seront interdits pendant la conduite. Les kits Bluetooth embarqués, eux, restent autorisés.

Les chiffres. Téléphoner en conduisant multiplie par trois le nombre d'accidents, selon un rapport publié en 2011 par l’Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Près d'un accident sur dix est lié à l'utilisation d'un téléphone au volant. Or un Français sur deux avoue utiliser son téléphone en conduisant. Les jeunes et les usagers de la route "à titre professionnel" sont les plus concernés. 

Ce qu'en disent les associations. "Quand vous utilisez votre téléphone, pour envoyer un SMS, un mail, vous quittez la route du regard. Et même lors d'une simple conversation téléphonique, nous n'êtes pas complètement attentif, votre regard est fixé devant et vous ne regardez plus sur les côtés", explique à francetv info Jean-Yves Salaün, délégué général de l'association Prévention routière. 

Mesure plutôt bien accueillie, donc, même si, pour d'autres, ce dispositif ne va pas assez loin. "C'est une première étape, concède Chantal Perrichon, présidente de l'association Ligue contre la violence routière, jointe par francetv info. Mais il faut interdire une pratique quand elle est dangereuse. Or 350 vies en plus pourraient être sauvées si on interdisait toute utilisation du téléphone, même en Bluetooth." 

A l'inverse, Pierre Chasseray, délégué général de l'association 40 millions d'automobilistes, contacté par francetv info, s'oppose complètement à la mesure. "Avoir des enfants derrière qui chantent Sur le pont d'Avignon, c'est dangereux mais on ne va pas les mettre sur le bord de la route. Soyons sérieux, il faut au contraire généraliser les kits mains libres."

Impact potentiel. Assez fort.

La limite d'alcoolémie abaissée à 0,2 g/l pour les nouveaux conducteurs

La mesure. A titre expérimental, les jeunes conducteurs (trois ans après le permis, ramenés à deux ans en cas de conduite accompagnée) seront contraints à une limite d'alcoolémie de 0,2 g/l de sang (au lieu de 0,5 g/l), l'équivalent d'un verre de bière ou de vin.

Les chiffres. L'alcool est responsable de 30% des accidents en France. En 2011, il a causé 1 150 morts sur les routes, selon les chiffres de la sécurité routière. Les 18-24 ans ne représentent que 9% de la population, mais ils constituent 26% des morts dans les accidents mettant en cause l'alcool chez l'un des conducteurs impliqués.

Ce qu'en disent les associations. Logique et efficace pour certains, la mesure ne fait pas l'unanimité. "Les deux années après l'obtention du permis constituent une période de risque très important. En Italie, en Espagne, en Allemagne, il y a déjà des taux réduits, affirme Jean-Yves Salaün. En Allemagne, ce taux réduit a permis de faire baisser de 15% les accidents chez les jeunes."

"C'est totalement inadapté, on se moque de nous, s'insurge au contraire Chantal Perrichon. En France, on est déjà incapable de respecter le 0,5 g/l. Dans 80% des accidents mortels dus à l'alcool, l'alcoolémie est supérieure à 1,2 g/l. Nous recommandons l'équipement de toutes les voitures en éthylotests antidémarrage. Nous avons des décennies de retard." Pour la responsable associative, c'est donc avant tout un problème de contrôle. "Il y a 10 à 11 millions de contrôles routiers chaque année en France. Mais vous avez 1 000 fois moins de chances d'être contrôlé pour l'alcool que pour la vitesse. Il ne faut pas augmenter les contrôles, mais il faut mieux les cibler."

Pierre Chasseray estime pour sa part qu'il faut une même règle pour tous. "Les gens ont du mal à comprendre pourquoi on stigmatise les jeunes. L'alcool au volant concerne tous les conducteurs. C'est un message de comnunication avant tout", affirme-t-il.

Impact potentiel. Incertain.

Le stationnement interdit avant les passages piétons

La mesure. Pour limiter le nombre de piétons tués en ville, il sera interdit de se garer à moins de cinq mètres avant les passages piétons. 

Les chiffres. En ville, plus d'un piéton tué sur trois meurt sur un passage piéton. La mortalité piétonne représente, en 2014, 15% des tués sur la route, soit une augmentation de 8% par rapport à l'année précédente. Les mois de novembre à février sont particulièrement meurtriers pour les piétons, en raison notamment des mauvaises conditions de visibilité, signale l'association Prévention routière.

Ce qu'en disent les associations. "C'est une mesure intelligente mais difficile à mettre en place. Car il faut signaliser partout au sol cette interdiction et cela implique aussi de recréer des places de stationnement", affirme Pierre Chasseray, de 40 millions d'automobilistes.

Chantal Perrichon estime également que c'est une bonne mesure, mais qu'elle a un coût : "Si l'on veut être certain que ces places ne soient pas occupées, il va falloir que les maires élargissent les trottoirs pour empêcher le stationnement." Elle souhaite aussi rappeler qu'un piéton est prioritaire "dès le moment où il manifeste l'intention de traverser", or "en France, ce n'est pas respecté".

Impact potentiel. Fort.

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