Hausse des accidents de trottinettes : ce mode de déplacement est vu comme "un jouet avec un moteur", regrette la Prévention routière
"On a sous-estimé" la trottinette électrique en la considérant comme "un sport de glisse" ou "un jouet avec un moteur", a estimé jeudi 2 février sur franceinfo Anne Lavaud déléguée générale de l’association Prévention routière. Les accidents ont fortement augmenté en 2022 causant la mort de 34 personnes et blessant gravement 600 autres, c'est trois fois plus depuis 2019, selon le bilan annuel de la Sécurité routière. Par ailleurs, le nombre de cyclistes tués a grimpé à 244 en 2022, un chiffre en hausse de 30% comparé à 2019. Les accidents ont lieu majoritairement à la campagne. "Le facteur aggravant de toutes les causes d’accidentalité, c’est la vitesse globale", a-t-elle indiqué.
franceinfo : Est-ce que c'est tout simplement parce qu'il y a de plus en plus de cyclistes sur les routes ?
Anne Lavaud : C'est bien évidemment l'une des raisons. A partir du moment où vous avez la part modale d'un mode de déplacement qui augmente, le risque augmente automatiquement. Mais ce n'est sans doute pas uniquement pour cette raison-là. Pour notre association, le point qu'il faut souligner, c'est que globalement il y a eu moins d'accidents corporels, mais plus de tués. Le facteur aggravant de toutes les causes d’accidentalité, c’est la vitesse globale. À partir du moment où vous avez moins d'accidents corporels et plus de tués, c'est automatiquement ce facteur vitesse qui joue.
C’est à la ville ou dans les campagnes qu’il est plus dangereux de circuler pour les cyclistes ?
L’augmentation de la mortalité des cyclistes ne s'est pas faite majoritairement en ville, mais sur les routes de campagne. Un certain nombre de départements ont rompu la règle du 80 km/h pour repasser à 90 km/h, c’est l'un des facteurs d'explication. Ce sujet de la sécurité routière est de toute façon multifactoriel, mais quand vous avez une augmentation de la part modale et ce ratio entre le nombre d'accidents et le nombre de tués, vous avez automatiquement un facteur vitesse. Et quand en même temps, vous voyez que cette mortalité des cyclistes est majoritairement en augmentation hors agglomération... eh bien, vous faites 1+1=2.
Le nombre d’accidents de trottinettes augmente de façon importante. On a sous-estimé ce mode de mobilité ?
Notre association a été la première à faire une enquête vraiment très sérieuse par rapport à ce sujet. On a mené pendant trois ans un programme de sensibilisation aux trottinettes électriques. Il est évident qu'on a sous-estimé ce mode de déplacement en le considérant au mieux comme un sport de glisse. J’ai l'impression que c'est seulement depuis quelque temps qu'on considère que c'est un mode de déplacement. Avant, c'était soit un sport de glisse, soit un jouet avec moteur et ce mode de déplacement s'est installé hors de toute règle de mobilité. Il faut faire rentrer la trottinette électrique dans un mode de déplacement et non plus comme un sport de glisse. Quand on est sur une trottinette électrique, le but du jeu, c'est de faire un déplacement d'un point A à un point B sans s'arrêter. On passe de la rue à la piste cyclable, on passe sur le trottoir, on slalome entre les gens parce que ça s'est installé comme un sport de glisse.
"La trottinette, c'est du surf urbain. On a l'impression d'être sur une piste rouge."
Anne Lavaudà franceinfo
Le casque doit-il être obligatoire pour tout le monde et pas seulement pour les enfants ?
Pour notre association, de toute façon, la trottinette électrique sans casque, c'était une aberration, ne serait-ce que par la configuration même de la trottinette électrique avec ses deux petites roues et son centre de gravité très bas. On fait des soleils et on s'écrase la tête. C'est un peu cru, mais c'est la réalité, notre conseil médical nous le dit à chaque fois. Pour les vélos, ça n'a pas été une très bonne idée de dire "les enfants, vous mettez votre casque jusqu'à douze ans". Quand on est enfant, on n'aspire qu'à une chose, c'est d’être grand. On se dit qu'être grand, c'est ne pas porter le casque, c’était une aberration psychologique.
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