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"Ce sont des dangers quotidiens" : dans le Var, la croisade d'un automobiliste contre les dos-d'âne

Animateur de la page Facebook "Mon maire est AUTOphobe", Thierry Modolo veut faire détruire tous les ralentisseurs de France.

Article rédigé par Thomas Baïetto
France Télévisions
Publié
Temps de lecture : 5min
Selon Thierry Modolo, 100% des ralentisseurs de France seraient illégaux. (MAXPPP)

Thierry Modolo n'hésite pas à parler d'"une chance inouïe". Au printemps 2016, un automobiliste abîme sa Ferrari sur un dos-d'âne de la commune de Roquebrune-sur-Argens (Var). Persuadé que le ralentisseur dépassait la taille autorisée, il contacte Thierry Modolo, varois et animateur de la page Facebook "Mon Maire est AUTOphobe". Avec son aide, il parvient à faire admettre ses torts à la commune, qui lui verse 2 000 euros de dédommagement pour réparer sa voiture.

L'affaire fait rapidement le tour des médias et braque les projecteurs sur la "lutte contre les ralentisseurs" menée par le Varois. "Si cela avait été une Dacia, cela n’aurait pas fait trois lignes dans un journal, savoure Thierry Modolo. A tort, parce que les dos-d'âne ont un impact sur la mécanique des Dacia, comme sur celle des Ferrari. Mais là, ça touche un véhicule emblématique".

100% des ralentisseurs seraient "illégaux"

Le combat de Thierry Modolo démarre il y a quatre ans. "Porschiste" – propriétaire d'une voiture Porsche –, le Varois voit "fleurir des dos d'âne dans tous les sens". "Cela a commencé à être une contrainte pour moi. J'étais obligé de m'arrêter devant les ralentisseurs pour vérifier que je n'allais pas arracher l'avant de la voiture", raconte-t-il à franceinfo. Sous l'effet, assure-t-il, de ces excroissances de bitume, sa consommation d'essence augmente "de manière significative" et son dos lui fait mal.

Le quinquagénaire se plonge dans la législation et déniche le décret réglementant la "réalisation des ralentisseurs de type dos d'âne ou de type trapézoïdal", signé en 1994 par Edouard Balladur et Charles Pasquall en tire une conclusion radicale : "en appliquant le décret, 100% des ralentisseurs seraient retirés", assure Thierry Modolo, sûr de son fait et fort d'une pétition signée par plus de 20 000 personnes. Beaucoup ne respecteraient pas la hauteur maximale de 10 cm ou les conditions d'installations. Le décret stipule par exemple qu'ils ne peuvent être placés sur "des voies où le trafic est supérieur à 3 000 véhicules en moyenne journalière annuelle" ou "sur les voies de desserte de transport public de personnes ainsi que sur celles desservant des centres de secours"

"C'est de la démagogie"

"Illégaux" selon lui, les ralentisseurs seraient aussi responsables de multiples maux : pollution – "Les gens tapent dans les freins, ce qui émet des particules de freinage, et ré-accélèrent, ce qui produit plus de particules fines" –, nuisance sonore, usure prématurée des amortisseurs et des trains roulants, accidents inexpliqués – "certainement dûs à des véhicules tellement sollicités par les ralentisseurs qu'ils cassent" – ou ralentissement des secours... "Nous avons une médecin urgentiste dans notre groupe qui raconte que les secours perdent de plus en plus de temps sur la route, alors que chaque seconde compte", développe Thierry Modolo, pour qui les ralentisseurs sont des "dangers quotidiens".

Le tout pour, toujours selon notre automobiliste, une utilité nulle. "Dans la commune de Sanary-sur-Mer, il n'y a aucun ralentisseur et pas plus d'accident qu'ailleurs", assure-t-il. Un constat partagé dans les colonnes de Var Matin par le commissaire en charge de la zone. "Pour moi, c'est de la démagogie, ça n'apporte rien", expliquait Gilles Valérian au quotidien local. Pour mettre fin à cet "enfer", Thierry Modolo, secondé par l'antenne varoise de la Fédération française des motards en colère, prévoit d'assigner douze communes en justice, dont Toulon et Six-Fours-Les-Plages. 

"Il faut continuer à en installer"

Un activisme qui n'impressionne pas Jean-Pierre Véran, président de l'association des maires du Var. "A mon avis, ce n'est pas très sérieux, expose le maire de Cotignac. Dans les endroits dangereux, il faut continuer à le faire en respectant les normes". "En revanche, dans les endroits où il y en a beaucoup, il faut mettre les plaques rouges qui permettent de ralentir les véhicules, sans danger pour les motos et les vélos", concède-t-il cependant.

Du côté de l'association Prévention routière, on juge la position de Thierry Modolo "excessive". "Il y a des normes et c’est vrai que certains aménagements ne respectent pas ces normes. Mais il y a des fabricants qui les respectent", rappelle Christophe Ramond, directeur des études et recherches de l'association, avant de glisser : "Les riverains qui circulent à pied ou a vélo ont envie d’être en sécurité, il faut prendre en considération leur avis".

Sur ce sujet, l'association préconise une approche pragmatique, qui utilise tous les outils possibles. "En matière de sécurité routière, il n'y a pas de solution universelle, estime Christophe Ramond. Il faut utiliser l'aménagement – dos-d'âne, giratoire, plateau, coussin berlinois etc – le plus adapté aux circonstances et au trafic local".

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