Samia Ghali : la violence à Marseille, "on tolère, mais jusqu'à quel point ?"
La sénatrice socialiste et maire des 15e et 16e arrondissements, les plus pauvres de la ville, revient pour FTVi sur le climat de tension permanent dans les quartiers Nord. Interview.
Samia Ghali est sénatrice socialiste et maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille. Les fameux "quartiers Nord", parmi les plus pauvres et les plus touchés par la violence de la cité phocéenne.
Alors que Nicolas Sarkozy vient de rendre hommage à un policier décédé après avoir été touché par des tirs de kalachnikov, elle déplore cette "palme d'or des faits de violence" et se dit "désemparée".
FTVi : Vous êtes maire des arrondissements les plus pauvres de Marseille, vous poussez un cri d'alerte...
Samia Ghali : Plus que ça. Dans certains endroits, c'est le tiers-monde. Le trafic de drogue est partout, aucune cité n'est épargnée. Beaucoup de gens veulent partir. Et parmi ceux à qui on propose des logements dans ces cités, certains préfèrent rester à quatre ou cinq dans des T2 ailleurs plutôt que d'habiter là, pour l'avenir de leurs enfants. Franchement, je les comprends.
Samedi j'étais visite à Bassens (une des cités de l'arrondissement), il y a eu une descente de police, des tirs de flashball en plein après-midi, il y avait des enfants qui jouaient. Ces enfants vont retourner à l'école, et que vont-ils raconter ? Leur vie est rythmée par les dealers et la police.
Dans cette même cité, on doit faire des travaux de réhabilitation. Pas de la déco ! Une mise au norme du système électrique, des chaudières, le minimum vital. Mais le début des travaux, prévu il y a trois semaines, a été reporté. Vous savez pourquoi ? Parce que les dealers ont menacé le chef de chantier de peur qu'il ne soit policier. Les cambriolages, je n'en parle même pas, maintenant ce sont les gamines de 14 ans qui cambriolent et la police ne se déplace même plus.
Vous dénoncez l'absence de la police alors que Marseille a l'un des plus gros ratios de policiers par habitants...
Samia Ghali : Nous possèdons le plus grand nombre de cités, notre ville est très étendue, grande ouverte sur un port, alors qu'on ne me parle pas de ratio de policiers par habitants, ça ne veut rien dire. On n'a pas la même délinquance. Je suis née à Bassens, j'ai passé toute mon adolescence à Campagne Lévêque (une cité voisine), je sais faire la différence.
Avant, la police savait qui était qui, qui étaient les bons et les méchants, qui était potentiellement l'auteur d'un cambriolage ou d'un délit quand il s'en passait un. Maintenant, ils arrivent, ils font une opération coup de poing, et finissent même par se mettre les habitants à dos. Les gens ont l'impression qu'on les met tous dans le même sac.
Ici, nous avons une quinzaine d'agents de la police nationale pour un secteur de plus de 10 km de long sur 10 km de large. Cela signifie, au mieux, deux voitures en patrouille avec deux policiers dedans. Ils ne peuvent rien faire. On n'a même plus de police-secours la nuit, du coup c'est la BAC (Brigade anti-criminalité) qui doit gérer des histoires de voisinage. Nous n'avons pas de policiers municipaux ici, même pas la police des Parcs et jardins... On est face à un gouvernement qui s'en fout, qui pense que les voyous dans les cités vont s'entretuer.
FTVi : Vous êtes sénatrice socialiste, que proposez-vous ?
Samia Ghali : Pour l'instant je fais du bricolage comme je peux, je joue au pompier pour essayer d'apaiser les tensions. Je suis dégoûtée, énervée, j'ai l'impression de remuer du vent. C'est devenu tellement gros que j'ai l'impression par moment de raconter des conneries. On nous regarde comme des menteurs.
On arrive à vivre avec, à tolérer, mais je ne sais pas jusqu'à quel point. Il y a une chose dont je suis convaincue, c'est que si le prochain Président de la République, quel qu'il soit vraiment, ne donne pas des moyens spécifiques à Marseille pour que la ville rattrape son retard, on n'y arrivera pas.
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