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A Montpellier, un syndicat de chauffeurs de bus propose une " navette spéciale" pour les Roms

Le syndicat FO de la compagnie de transports s'est plaint d'une odeur "intenable".

Article rédigé par Ilan Caro
France Télévisions
Publié Mis à jour
Temps de lecture : 4min
Un bus de la TaM, en janvier 2011, à Montpellier (Hérault). (  MAXPPP)

Pour les usagers comme pour les chauffeurs de bus, l'odeur serait "intenable". Chaque jour, des familles de Roms quittent leur camp du quartier de Grammont, près du Zénith de Montpellier (Hérault), pour se rendre dans le centre-ville. Ils empruntent la ligne 9 du réseau de bus, la seule qui dessert leur bidonville. Mais la présence de ces personnes dans les autobus n'est pas du goût de tous.

Selon la presse locale, les représentants du syndicat Force ouvrière à la TaM (Transports de l'agglomération de Montpellier) ont récemment saisi le CHSCT (Comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail) de l'entreprise, dont certains membres sont venus faire des constatations sur place.

Les Roms de la ligne 9 constituent un danger sanitaire. C'est une véritable infection.

Dominique Granier, délégué syndical FO

La Gazette de Montpellier

Et le syndicaliste de proposer, selon l'hebdomadaire daté du 2 avril, de "créer une navette spécialement pour eux".

"On ferait mieux de construire des sanitaires"

L'idée fait bondir les associations de soutien aux Roms. "Un bus spécial pour les Roms ? Ce serait de la pure discrimination. Chacun a droit à sa place dans la société, et à une place digne", réagit pour francetv info, interloquée, Marie-Françoise Combaz, responsable de l'association ATD Quart-Monde en Languedoc-Roussillon. "Qu'il y ait des difficultés, on ne peut pas le nier. Mais on ferait mieux de construire pour eux des points d'eau et des sanitaires plutôt que de se focaliser sur les conséquences de ce manque d'hygiène", poursuit-elle, rappelant que la France "ne respecte pas ses engagements" concernant l'accueil des populations roms, "qui ont le droit d'être là".

L'initiative du syndicat Force ouvrière est également condamnée par les autres syndicats de la TaM. "Luttons contre la pauvreté, pas contre les pauvres", s'indigne la CGT, majoritaire dans l'entreprise, sur sa page Facebook. Contacté par francetv info, FO estime "ne pas avoir proposé quoi que ce soit" et avoir "simplement alerté sur ls problèmes d'hygiène". "Mes propos ont été un peu déformés par la presse. Moi je ne fais pas de politique et je ne prends pas les décisions, la balle est dans le camp de la direction, voire de l'agglomération", se défend son délégué syndical, Dominique Granier.

Au-delà de l'affrontement idéologique, cette affaire ravive des inimitiés récurrentes entres les syndicats de la société. Parmi les membres du CHSCT ayant constaté les nuisances sur la ligne 9, au coté de FO, figurait Djamel Boumaaz, anciennement encarté à la CFTC, qui s'en est séparé depuis, et élu en 2014 au conseil municipal de Montpellier sur la liste du Front national.

Selon Djamel Boumaaz, interrogé par francetv info, le directeur d'exploitation de la ligne concernée se serait lui-même rendu compte de la difficulté pour les conducteurs de travailler dans ces conditions. "Certains n'acceptent plus de toucher les pièces de monnaie qui leur sont données par les Roms pour payer leurs titres de transport", assure-t-il. Le "problème" durerait "depuis deux ou trois ans", mais c'est la première fois que le CHSCT se penche sur la question, indique-t-il.

Conditions de travail contre interdiction des discriminations

Djamel Boumaaz affirme que la direction aurait promis un nettoyage spécifique plus poussé pour les bus de la ligne 9, en attendant de sous-traiter la portion de ligne desservant Grammont à une autre compagnie, voire de la supprimer totalement. Selon Midi-Libre, à la mi-mars, "plusieurs bus ont été changés avant d'assurer la poursuite du service". Des informations que nous n'avons pu vérifier, la direction de la TaM se refusant à tout commentaire.

L'affaire, embarrassante, oppose deux droits fondamentaux : celui des salariés à travailler dans des conditions acceptables et celui des Roms à ne pas subir de discriminations. La situation n'est pas sans rappeler un cas très médiatisé qui s'était produit en janvier 2013.

Une famille accompagnée d'un membre d'ATD Quart-Monde avait été invitée à quitter le musée d'Orsay après que des visiteurs avaient estimé leur présence incommodante. Saisi, le Défenseur des droits avait jugé, au terme d'une médiation entre les parties, qu'aucune faute ne pouvait juridiquement être opposée ni à la direction, ni au personnel du musée. Avant de conclure : "La lutte contre la pauvreté et l’exclusion se révélera efficace dès lors qu’elle sera menée dans une démarche partagée d'inclusion et d'acceptation de la différence."

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