: Témoignages Dérives sectaires : "On comprend vite qu’on n’a plus tellement le choix", témoigne un homme passé par une association visée par la Miviludes
Nathan Morel, 35 ans, a consacré neuf ans de sa vie à la Nouvelle Acropole. Attiré à l'époque par l'ésotérisme, il entre dans cette école de philosophie et de spiritualité où il gravit les échelons, après plusieurs rituels d'intégration. "On me bande les yeux et on me fait parcourir tout le bâtiment en me faisant suivre à l’oreille, le son d’une clochette", se remémore-t-il. Puis vient une dernière épreuve pour atteindre le cœur du mouvement. "On me demande de me mettre dans une sorte de trou dans la terre et on m’enterre vivant."
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Les enseignements s'enchaînent, prennent toute la place pour lui qui travaille, par ailleurs, dans la restauration collective. "Je suis pris dans un tourbillon d’engagements parfaitement démesurés. On comprend vite qu’on n’a plus tellement le choix. Il faut être là, un point c’est tout." Nathan Morel décrit une relation d'emprise, entre "maître", et "disciple".
"Les conseils du maître sont toujours des ordres. On devait obéir. Et donc toute cette relation a quelque chose de profondément toxique."
Nathan Morel, ex-élève de la Nouvelle Acropoleà franceinfo
"Je dirais qu’il s’agit d’un projet politique totalitaire. Le salut romain, la hache fasciste, l’uniforme noir-brun rappelant la symbologie nazie", énumère Nathan Morel, en exemple. Mais il comprend, avec le recul, ce qui attire et maintient, dans une telle organisation. "Dans ce genre de structure, chacun prend ce dont il a besoin. Certains vont avoir besoin de sécurité affective. Ils en auront. Certains vont avoir besoin de pouvoir. Ils vont avoir des disciples. On sous-estime souvent l’effet que peut avoir le fait de vivre dans une communauté où tout le monde pense pareil."
Sensibiliser l'opinion, une priorité
Ces deux dernières années, 27 personnes ont saisi la Miviludes contre cette association qui compte 500 membres en France (18 000 à l'étranger). Mais Antoine Hérisseau, le président de Nouvelle Acropole à Marseille, où est passé Nathan Morel, dément ses accusations : "Il n’y a pas de salut romain, ni hitlérien. Je peux comprendre que notre mouvement soit mal compris. L'aspect symbolique existe comme pour les francs-maçons ou les scouts qui ont leurs gestes rituels." Il regrette que les mouvements ayant une approche spirituelle soient ainsi mis au ban. Puis il conclut, serein, que les saisines auprès de la Miviludes (plus de 4 000 en 2021), n'ont aujourd'hui aucune valeur juridique.
Pourtant, face aux dérives sectaires, le gouvernement déclare vouloir "passer à la vitesse supérieure pour lutter contre ce fléau". L’enjeu est de renforcer l'arsenal juridique français en la matière et de continuer à sensibiliser l'opinion publique sur ces dangers, notamment grâce au travail de la Miviludes, (Mission interministérielle de vigilance et de lutte contre les dérives sectaires), désormais rattachée au ministère de l’Intérieur).
Sensibiliser l'opinion, c'est ce que fait désormais Agathe Renouard, 52 ans. Elle a vécu sept ans au sein des Béatitudes, un groupe religieux et "psycho-spirituel" visé depuis les années 2000 par la Miviludes, notamment pour des cas d'emprise psychologique. Il lui a fallu des années avant de mettre des mots sur sa propre histoire. "Au début, j’ai eu du mal. On dit tellement ‘la communauté’. Maintenant, je commence à accepter de dire ‘dérive sectaire’. Tout est en lien avec Dieu, avec la Bible, explique-t-elle. C’est ce qu’on appelle le renouveau charismatique dans l’Église. Jésus nous guérit absolument de tout. Dieu peut me guérir de mes maux de tête, de mon mal de dos".
"L’emprise s’est faite tout au long du parcours. Je n’ai pas été violée, on ne m’a pas volé d’argent. La manipulation s’est mise en place petit à petit. Je ne pouvais pas faire marche arrière."
Agathe Renouardà franceinfo
En rupture familiale, Agathe a des problèmes d'alcool, des idées noires et les Béatitudes prétendent la protéger. "Je suis rentrée dans le moule de la communauté et j'ai suivi le slogan, chasteté, pauvreté et obéissance. En fait, plus on était démunis intérieurement, plus on était proche de Dieu. Je n’ai pas vu le danger." Elle finira par s'en extraire, et même écrire son histoire, à quatre mains, avec son mari dans un livre intitulé Pourquoi se (c) taire ? (Éditions Maïa). "C'est comme ça, dit-elle, que je suis passée de la mort à la vie".
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