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"Quand on explique, on fait baisser la pression" : des chefs d'établissement formés à répondre aux atteintes à la laïcité

Des chefs d'établissement étaient réunis la semaine dernière dans l'Aisne pour apprendre à mieux gérer les atteintes à la laïcité, qui se manifestent principalement par des contestations d'enseignement.

Article rédigé par franceinfo, Alexis Morel
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Jérôme Damblant, référent "laïcité" de l'académie d'Amiens devant une cinquantaine de proviseurs et de principaux réunis au collège de Villers-Cotterêts dans l'Aisne, le 7 octobre 2019. (ALEXIS MOREL / FRANCE-INFO)

La laïcité à l'école est revenue au coeur du débat politique depuis l'incident du vendredi 11 octobre au Conseil régional de Bourgogne-Franche-Comté, où un élu du RN, Julien Odoul, s'en est pris à une mère voilée qui accompagnait une sortie scolaire. Mais comment gère-t-on au quotidien les atteintes à la laïcité au cœur des établissements ?

900 cas recensés sur 12 millions d'élèves

Au total, 900 cas sur 12 millions d'élèves ont été recensés à l'école, au niveau national, entre avril et juin 2019. Et quelques jours avant l'incident de Dijon, une séance de formations de chefs d'établissement réunissait justement autour du sujet une cinquantaine de principaux et de proviseurs, à Villers-Cotterêts dans l'Aisne. Premier objectif : cerner quelles sont ces atteintes. Car ce ne sont plus forcément les signes religieux qui posent problème.

"Dans l'académie d'Amiens, on est surtout sur des contestations d'enseignement", explique Jérôme Damblant, référent "laïcité" de l'académie. "La loi sur les signes religieux, elle est comprise par les familles. C'est une loi qui est travaillée dès l'école primaire, donc les élèves la connaissent. Par contre, les contestations d'enseignement sont un peu plus importantes."

"J'ai téléphoné à l'imam local et il est intervenu"

Ces atteintes représentent en efftet les trois quarts des signalements dans l'académie et concernent toutes les religions. Sandrine Burckenstock, principale de collège, se souvient d'un cas, lorsqu'elle était enseignante : "Un élève refusait d'étudier 'Si c'est un homme' de Primo Levi parce que c'est un auteur juif. Donc là, j'ai pris le taureau par les cornes. J'ai téléphoné à l'imam local et il est intervenu auprès du jeune pour lui faire comprendre qu'il se devait d'étudier tous les auteurs, que ça faisait partie de sa construction. Pour moi, ce n'est pas tabou."

Ces moments de crispation restent exceptionnels mais la meilleure façon de les aborder réside dans l'explication, selon Jérôme Damblant. "Premièrement, on explique. Et quand on explique, on est dans le positif. Un élève, si vous commencez par lui dire que la laïcité lui interdit, ça ne marche pas. Il faut lui dire : 'la laïcité, elle te permet. La laïcité est quelque chose de positif. C'est un cadre qui permet à tous de vivre ensemble'. Déjà là, vous faites baisser la pression."

Dialoguer avant de prendre une mesure éducative

Privilégier le dialogue avec les familles avant l'inévitable rappel à la loi de 1905, ou de 2004, c'est ce qu'a expérimenté récemment Magali Thomas, principale dans l'Aisne. Elle a supris deux jeunes filles qui sortaient d'un cours de musique en criant "Allah akbar". Elles venaient de chanter La Marseillaise. "On les a reçues tout de suite après. Pour l'une des deux, on en est sûr, c'était une bêtise d'adolescente, sans qu'il y ait nécessairement toute une philosophie religieuse derrière ça. Là, on est plutôt sur le dialogue. Une mesure éducative sera prise après. Mais sur le moment, non. Il faut absolument que les élèves comprennent la difficulté qu'elles se sont créées elles-mêmes."

Et les formateurs l'assurent, ça marche. Les cas qui ne se résolvent pas rapidement, au sein d'un établissement, sont très rares.

Formation "laïcité" pour les chefs d'établissement - Reportage d'Alexis Morel

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